Loi de bioéthique : les députés donnent leur feu vert à la troisième révision, avant un dernier examen au Sénat le 24 juin

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Publié le 10/06/2021

Crédit photo : S.Toubon

L'Assemblée nationale a adopté pour la troisième fois, le projet de loi de bioéthique, dans la nuit du 9 au 10 juin, dans une version proche de celle proposée initialement par le gouvernement l'été 2019, malgré l'opposition persistante d'élus de droite. 

Les députés ont soutenu le texte par 84 voix contre 43 et 3 abstentions. Le Sénat, hostile aux principales mesures du projet de loi, va l'examiner une ultime fois le 24 juin. En cas de désaccord (probable) avec l'Assemblée nationale, celle-ci aura le dernier mot le 29 juin sur ce qui pourrait être la seule grande réforme sociétale du quinquennat d'Emmanuel Macron.

PMA pour toutes dès la rentrée, selon Véran

Le ministre de la Santé a promis que des couples de femmes pourront « s'inscrire dans des parcours PMA (procréation médicalement assistée) dès la rentrée ». Alors qu'en février le Sénat avait retiré du texte la mesure phare de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) du projet de loi, les députés l'ont rétablie (dès l'examen en commission), avec remboursement par la Sécurité sociale.

Les députés ont à nouveau rejeté la procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem, avec les gamètes d'un conjoint décédé, ou l'ouverture de la PMA aux hommes transgenres. Ils ont aussi maintenu leur opposition au don d'ovocytes dans un couple de femmes (technique dite de la ROPA), que certains à gauche et chez LREM soutenaient pour permettre « de lier les deux femmes à l'enfant à naître », alors que la droite et l'UDI fustigeaient une « illusion de double maternité ».

Pour accompagner juridiquement ces évolutions, le projet de loi prévoit une délicate réforme de la filiation avec déclaration d'une reconnaissance conjointe anticipée devant notaire. Il ouvre aussi un accès aux origines biologiques pour les enfants nés de PMA : ils pourraient à leur majorité, demander à connaître des données non identifiantes du donneur, voire son identité. Du côté des donneurs de gamètes, les candidats devront obligatoirement accepter que ces données ainsi que leur identité soient un jour révélées à l'enfant né de leur don.

Le texte rétablit la possibilité (supprimée par le Sénat en deuxième lecture) de prélever et conserver ses gamètes pour une AMP ultérieure, indépendamment d'indications médicales. Et de préciser que les frais de cette autoconservation ne peuvent être pris en charge par des employeurs. Nouveauté, les députés permettent qu'en l'absence d'établissement public ou privé à but non lucratif procédant au prélèvement et conservation des gamètes dans un département, l'Agence régionale de santé autorise un établissement privé à but lucratif à accomplir cette mission, sans dépassement d'honoraires.

Modifications sur le don de corps et l'IMG

En matière de recherche et de génétique, peu de changements par rapport à la copie initiale. Les députés distinguent deux régimes de recherche, celui sur les embryons, soumis à autorisation auprès de l'agence de la biomédecine (ABM), et celui utilisant des cellules souches embryonnaires ou cellules souches pluripotentes induites humaines, qui doivent seulement faire l'objet de déclaration. L'article 17 interdit la modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces, mais autorise la réciproque, les chimères hommes/animal.

En séance publique, les députés ont maintenu la suppression, par la commission spéciale, du critère de « détresse psychosociale », ouvrant la voie à une interruption médicale de grossesse : celle-ci est possible lorsque « la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, ou lorsqu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».

Dans les ultimes minutes, l'Assemblée a soutenu un amendement de la LFI Caroline Fiat, pour que les établissements de santé et de recherche s'engagent à « apporter respect et dignité aux corps qu'on leur confie », en écho au scandale du centre de la rue des Saints-Pères.

Durcissement autour de la GPA

Plus largement, les débats ont eu un air de déjà-vu et n'ont pas ouvert sur un rapprochement des positions, notamment sur la PMA. Les plus opposés à la loi, comme les LR Anne-Laure Blin, Xavier Breton ou Patrick Hetzel, ainsi que la non inscrite et proche du RN Emmanuelle Ménard ont multiplié les amendements de suppression, dénonçant « la disparition du père et un glissement inéluctable » vers la gestation pour autrui (GPA, par mère porteuse).

Pour attester que la GPA était bien « une ligne rouge infranchissable », les députés ont opté pour un dispositif plus contraignant que la jurisprudence de la Cour de cassation (qui a fini par reconnaître l'entière transcription en droit français des actes de naissance des jumelles Mennesson), applaudie par l'ex-Défenseur des droits Jacques Toubon.

La nouvelle mouture prévoit que la reconnaissance de la filiation d'une GPA à l'étranger soit « appréciée au regard de la loi française ». « Le gouvernement est contre la GPA, mais vous ne pouvez pas interdire des couples d'y avoir recours » à l'étranger, a expliqué le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Et « il faut un contrôle, quand les enfants arrivent. Ce contrôle, la Cour de cassation a dit "on ne l'exerce pas". Moi je dis qu'il est indispensable pour éviter le vide et la pénalisation des enfants », a-t-il martelé.


Source : lequotidiendumedecin.fr