Prise en charge des infarctus du myocarde

Place des centres hospitaliers généraux

Publié le 19/05/2011
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UNE ÉTUDE européenne destinée à évaluer la qualité de la prise en charge des syndromes coronaires a été mise en œuvre par l’European Association of Percutaneous cardiovascular Interventions (EAPCI). Ce bilan devait déterminer les pays les plus performants et tenter de généraliser leurs pratiques.

Ce travail, publié en 2010, a mis en évidence une très grande disparité entre les pays (1). Cette disparité est, de plus, apparue indépendante du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays étudié. Ainsi, ceux dans lesquels les pratiques sont apparues les plus performantes ont été le Danemark et les Pays-Bas, mais aussi la République Tchèque et la Pologne, où plus de 800 angioplasties primaires par million d’habitants sont réalisées chaque année. En France, le nombre d’angioplasties primaires réalisées annuellement est de l’ordre de 400 par million d’habitants par an, ce chiffre se situant dans la moyenne des pays européens.

Globalement, c’est dans les nations où la méthode de prise en charge dominante était l’angioplastie primaire et non la thrombolyse que les meilleurs taux de revascularisation ont été constatés.

Une « course pour la vie ».

Le projet Stent of Life a alors été mis en place dans six pays pilotes, dont la France, dans lesquels les taux d’angioplasties primaires étaient plus bas. Rebaptisé en termes francophones « Infarctus : la course pour la vie », ce travail a été mis en œuvre afin de comprendre les disparités de prise en charge de l’infarctus myocardique dans les pays étudiés, de tenter d’améliorer cette prise en charge, d’en réduire les délais et d’obtenir une diminution de la morbimortalité.

Les premiers résultats de l’observatoire français ont été rendus publics cette année. Des faiblesses dans la prise en charge des infarctus myocardiques persistent en France, le taux d’angioplastie primaire étant de 64 % seulement, et la fréquence d’appel au centre 15 n’est que de 50 %.

Ces résultats sont à rapprocher de ceux qui ont été mis en évidence dans le registre FAST-MI en 2005, dans lequel 3 059 patients ont été inclus. L’objectif principal de ce registre était d’évaluer la prise en charge des infarctus du myocarde dans la vie réelle et d’évaluer son impact sur le devenir à moyen et à long terme des patients.

Les CHG sont performants.

Ce travail avait par ailleurs mis en évidence les caractéristiques, la prise en charge et le pronostic des patients ayant un infarctus du myocarde et admis dans 183 centres hospitaliers généraux (CHG), par comparaison avec ceux qui avaient été hospitalisés dans 39 CHU (2). Ainsi, plus de 50 % des patients ont été admis dans une CHG. Ils avaient comme particularité d’être globalement plus gravement atteints que les malades admis dans des centres hospitalo-universitaires (CHU) ou dans des cliniques privées.

La survie globale des patients admis dans les CHG est apparue moins bonne que celle des malades hospitalisés dans des CHU (15 % de mortalité à un an contre 10 % ; p = 0,01), cette différence entre ces deux types d’institutions disparaissant après ajustement pour les caractéristiques des sujets à leur admission. Le pronostic des patients est en fait davantage lié à la possibilité des centres de réaliser une angioplastie primaire qu’à la nature universitaire ou non de ceux-ci. Si tous les CHU sont dotés de cardiologie interventionnelle, la moitié des CHG en étaient dépourvus. Le risque relatif de décès dans un CHG par comparaison à un CHU était de 1,13 (intervalle de confiance à 95 % [IC] 0,79-1,62) en présence d’une salle de cathétérisme cardiaque dans le CHG et de 1,65 (IC 1,09-2,49) en son absence.

La prise en charge concernant les autres thérapeutiques de référence est apparue aussi liée à la possibilité de réaliser des angioplasties coronaires sur place, sans différence significative entre les CHG avec cardiologie interventionnelle et les CHU mais moins fréquentes dans les CHG sans cardiologie interventionnelle.

En synthèse.

Globalement, l’efficacité du système de santé français à l’égard de la prise en charge de l’infarctus myocardique aigu apparaît homogène, sans différence en fonction du type d’institution, qu’il s’agisse d’un centre hospitalier général ou d’un centre hospitalo-universitaire. Cependant, en 2011, un patient ayant un infarctus myocardique aigu avec sus-décalage du segment ST doit être dirigé en urgence vers un centre de cardiologie interventionnelle. Le maillage de proximité qu’offrent les CHG doit être pris en compte dans la répartition des centres de cardiologie interventionnelle en France. L’admission des patients dans ces centres apparaît cruciale pour améliorer le pronostic de ceux-ci.

L’Observatoire français des syndromes coronaire aigus avec ou sans sus-décalage du segment ST-2010, qui fait suite à l’étude FAST-MI 2005, a porté sur des patients recrutés en prospectif sur une période de 2 mois, en octobre et novembre 2010. Ses résultats permettront d’actualiser ces données.

D’après un entretien avec le Dr Michel Hanssen, président du Collège national des cardiologues des hôpitaux généraux (Centre hospitalier de Haguenau).

(1) Widimsky P, et coll. Reperfusion therapy for ST elevation acute myocardial infarction in Europe: description of the current situation in 30 countries. Eur Heart J 2010;31:943-57.

(2) Belle L, et coll. Processes of care and mortality for acute myocardial infarction at academic and non-academic hospitals (submitted).

 Dr GÉRARD BOZET

Source : Bilan spécialistes