Le tabagisme des femmes a des conséquences concrètes sur leur santé, avec notamment une évolution inquiétante de toutes les pathologies cardio-vasculaires, notamment l'infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux et la pathologie aortique. « Ce qui interpelle, c’est l’augmentation significative et la précocité inhabituelle de ces pathologies », s’alarme le Pr Daniel Thomas, cardiologue, porte-parole de la Société francophone de tabacologie et président d’honneur de la Fédération française de cardiologie.
Selon une étude publiée en 2018 dans le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (1) (BEH) de Santé publique France (SPF), entre 2002 et 2015, l’incidence de l’infarctus du myocarde a augmenté de 50 % chez les femmes de moins de 65 ans et le nombre total de décès attribuables au tabagisme a été multiplié par deux.
Un tabagisme qui ne cesse de croître
Cette évolution s’inscrit dans le cadre d’une prévalence du tabagisme en constante augmentation en France chez les femmes depuis le début des années 1970. Si la consommation de tabac diminue régulièrement chez les hommes, depuis cette période, passant de 60 % à 40 % en 2010, elle ne cesse de croître chez les femmes pour atteindre 30 % de fumeuses en 2010.
En conséquence, « le tabagisme est devenu le premier facteur de risque cardiovasculaire des femmes jeunes non ménopausées, commente le Pr Daniel Thomas. Sont arrivées dans les services de cardiologie des femmes relativement jeunes pour des accidents coronaires ». Ces complications sont en effet inhabituelles.
L’infarctus du myocarde intervient en moyenne 10 ans plus tard chez les femmes que chez les hommes, en raison de leur statut hormonal qui les protège jusqu’à la ménopause. « Une femme qui fume depuis l’adolescence perd cet avantage et a les mêmes risques cardio-vasculaires que les hommes et au même âge », souligne le cardiologue.
Ainsi, si le nombre de patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde est resté stable entre 2002 et 2015, tous âges confondus, le taux de femmes de 35 à 65 ans hospitalisés pour ce motif a connu une hausse de plus de 50 % (contre 16 % pour les hommes). « Le tabac est bien souvent le seul facteur de risque des accidents cardiaques précoces, observe le Pr Daniel Thomas. Chez les patients de moins de 50 ans victimes d’un infarctus du myocarde, 70 à 80 % des cas sont des fumeurs ». Les fumeuses ont par ailleurs, à tabagisme égal, un risque de maladie coronaire supérieur de 25 % à celui des fumeurs.
Arrêter le tabac et non la pilule
Leurs risques sont également majorés par l’association du tabac à la pilule. « Dans l’esprit de nombreuses femmes, le danger vient de la pilule et non du tabac, alors que c’est bien le tabac qui est responsable des accidents cardio-vasculaires, insiste le Pr Thomas. Ce qu’il faut arrêter, c’est le tabac et non la pilule ».
Dans ce contexte, le sevrage tabagique comporte des bénéfices majeurs, et, ce quel que soit le niveau de consommation. « Il n’existe pas de petit tabagisme. Toute consommation, même de quelques cigarettes par jour ou une exposition au tabagisme passif, expose à une augmentation des risques cardio-vasculaires », rappelle le porte-parole de la Société francophone de tabacologie.
Les bénéfices d’un arrêt du tabac sont par ailleurs d’autant plus importants que le sevrage est précoce. « Arrêter de fumer avant 40 ans élimine à 90 % le surrisque ultérieur de décès par maladie cardio-vasculaire et arrêter avant 30 ans l’élimine pratiquement à 100 %, rappelait la Fédération française de cardiologie, en 2018, lors de la publication du BEH. Mais, même au-delà de 60 ou 70 ans, arrêter de fumer diminue encore le risque de pathologies liées au tabac, en particulier celui d’accidents cardio-vasculaires ».
Reste que le sevrage est complexe et peut être négligé par le corps médical. « Fumer, ce n’est pas une liberté, c’est une dépendance à une drogue dure, appuie le Pr Daniel Thomas. Beaucoup de fumeurs et de médecins considèrent que l’arrêt du tabac est une démarche individuelle, le résultat d’une volonté, alors qu’une aide est souvent nécessaire ».
Chez les femmes, le sevrage peut se révéler plus complexe. Outre la crainte d’une prise de poids, elles cumulent plus de facteurs générateurs d’échecs ou de rechutes (stress, conciliation des vies professionnelle et familiale, etc.). Que l’approche soit comportementale ou par le biais de substituts nicotiniques ou d'autres aides médicamenteuses (varénicline, bupropion), l’essentiel, estime le cardiologue, est « d’engager la démarche de sevrage, qui peut être progressive, puis d'accompagner le fumeur dans cette démarche ».
(1) Valérie Olié, et al. BEH. Juin 2018
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