Rapport de l'OMS lors de la COP25

Trois quarts des pays sont mal préparés à l'impact sanitaire du changement climatique

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Publié le 10/12/2019
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Le réchauffement climatique va peser de plus en plus sur les système de santé. Alors que se tient à Madrid la conférence annuelle de l'ONU sur les changements climatiques (COP25), l'Organisation mondiale de la santé tire la sonnette d'alarme : moins de 20 % des pays ont mis en place une stratégie visant à adapter leur système de santé aux changements climatiques et à les rendre plus résilients.

Sur 101 pays, 51 assure disposer d'une stratégie nationale santé et climat

Sur 101 pays, 51 assure disposer d'une stratégie nationale santé et climat
Crédit photo : Phanie

Émergence de nouvelles pathologies, canicules, allongement des périodes d'exposition aux allergènes ou encore augmentation du stress et du risque de pathologie mentale, les effets du changement climatique risquent d'impacter tous les maillons de la chaîne du soin dans les années à venir.

« Quand une épidémie de dengue dure désormais 7 mois dans l'année au lieu d'un, cela impose une tension supplémentaire sur les coûts de santé, les besoins en médicaments et les risques de comorbidité », cite en exemple pour « le Quotidien » la Dr Maria Neiras, directrice du département de la santé publique, de l'environnement et des déterminants de santé de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et co-auteure d'un rapport qui souligne le manque criant de préparation d'un grand nombre d'états.

Sur les 101 pays inclus dans l'enquête de l'OMS, la moitié (51 pays) seulement assure disposer d'un plan ou d'une stratégie nationale santé et climat, dont la moitié a été approuvée il y a moins de 5 ans, c’est-à-dire depuis les accords de Paris sur le climat. Une stratégie nationale est en cours d'écriture dans 19 autres pays. Plus inquiétant, seuls 9 % des pays disposant d'une telle stratégie estiment être en mesure de le financer en totalité, 29 % partiellement, 33 % minimalement et 18 % ne pourront pas le financer du tout (11 % n'ont pas répondu).

Par ailleurs, seulement 48 pays sur 101 ont réalisé une évaluation des vulnérabilités et des mesures d'adaptations qui seront nécessaires. Les résultats de ces évaluations sont déjà exploités dans les stratégies nationales de santé dans deux tiers des cas. Concrètement, de telles stratégies consistent à développer des systèmes de surveillance, à mettre en place des mesures concernant les transports, la construction ou la production d'énergie (pour limiter la pollution de l'air), de promouvoir la lutte contre les maladies émergentes et/ou vectorielles, ou encore favoriser des services sociaux ou des systèmes de santé plus résilients.

« Le plus grand accord de santé publique de l'histoire »

« L'accord de Paris est le plus grand accord de santé publique de l'histoire, explique la Dr Maria Neiras, médecin et diplomate. Si l'on applique toutes les mesures qu'il contient, cela représenterait une formidable avancée pour la santé humaine. Par exemple, une action déterminée contre la pollution de l'air permettrait de réduire les 7 millions de morts qui lui sont attribués chaque année. De même, une agriculture plus résiliente employant moins de pesticides est bénéfique pour la sécurité alimentaire. »

Dans son rapport, l'OMS a tenté de savoir si les mécanismes de financement mis en place après l'accord de Paris favorisent les stratégies d'adaptation des systèmes de santé aux effets du changement climatique. Premier constat déplaisant : « 83 % des pays ont identifié la santé comme étant une priorité, mais moins de 0,5 % des fonds qui ont été mobilisés à ce jour sont destinés à l'adaptation des systèmes de santé », se désole la Dr Neiras, qui pointe du doigt « un mode d'attribution des fonds peu stratégique, très bureaucratique et trop complexe pour plusieurs pays. » Conséquences de l'inadéquation des modes de financement, « les pays ne proposent pas de projets spécifiques à la santé, et l'OMS ne peut pas le faire pour eux », explique-t-elle.

La France peut mieux faire

En tant que pays développé, la France ne fait pas partie des pays devant solliciter une aide financière. Une stratégie nationale d’adaptation au changement climatique existe depuis 2006, et est régulièrement mise à jour. Ainsi, un 2e Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) pour la période 2018-2022 a été lancé par le ministre de la Transition écologique et solidaire.

Elle comprend notamment d’engager une réflexion globale sur l’adaptation des établissements de santé au changement climatique et de développer des outils de prévention des risques naturels. Elle prévoit aussi des travaux d'analyse des projets financés par l’ANR, dans les domaines de la santé (maladies émergentes, maladies vectorielles, maladies allergiques respiratoires…).

« La France n'est pas mal classée parmi les pays que nous avons interrogés, estime la Dr Neiras, mais en tant que pays moteur, elle a le devoir de faire plus ». Constatant que la santé sera peu abordée lors de la COP25, la Dr Neiras rêve de faire de la COP26 « une COP de la santé ».

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin