Pr Philippe Halimi, président de l'association J.-L. Mégnien

« Une politique de sanctions manque »

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Publié le 15/12/2016
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LE QUOTIDIEN : L'association Mégnien est née au printemps dernier. Quel est le bilan ?

Pr PHILIPPE HALIMI : Nous avons reçu 200 témoignages de harcèlement et de maltraitance dans plus de 80 établissements de santé publics. Je ne m'attendais pas à un tel nombre ! Les langues se sont déliées car le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Je reçois tous les jours des demandes d'adhésion. Le harcèlement s'est institutionnalisé.

Il ne s'agit toutefois que de la partie émergée de l'iceberg. Beaucoup de cadres, de personnels et de praticiens harcelés n'osent toujours pas prendre la parole. C'est pourquoi nous avons l'ambition pour 2017 d'installer dans chaque région des responsables de l'association. 

Comment lutter contre le harcèlement ?

L'action doit être double. Nous nous devons d'apporter des conseils et de dénoncer ces pratiques dans la presse pour aider les victimes à sortir de l'isolement et de la déprime vécus parfois depuis dix ans. Il faut aussi traiter le mal à la racine et agir en amont sur les causes du harcèlement. La loi Bachelot et l'absence de contre-pouvoir à l'hôpital qui en résulte y contribuent. Pour recréer un équilibre à l'hôpital, il ne faut ni mandarinat ni totalitarisme administratif. Et une tolérance zéro aux phénomènes de harcèlement.

Que pensez-vous de la stratégie nationale de Marisol Touraine pour « prendre soin de ceux qui nous soignent » ?

Une politique de sanctions manque dans le plan de la ministre, qui place des panneaux de signalisation sans aucun gendarme pour vérifier leur respect. Les politiques et les administrateurs préfèrent parler de "risques psychosociaux" que de harcèlement, mot tabou s'il en est. J'ai peur que la plupart des mesures du plan de Marisol Touraine ne prennent la poussière sur une étagère.

Quelles seront les missions de l'observatoire national de la qualité de vie au travail ? Les médiateurs régionaux travailleront-ils en bonne intelligence avec les commissions paritaires ? C'est flou et ce n'est pas suffisant ! Des décisions de justice tombent sur les directeurs d'hôpitaux et sur des confrères au comportement horrible mais les condamnés par la loi restent en poste en toute impunité.

 

Propos recueillis par A.B.-I.

Source : Le Quotidien du médecin: 9543