Congrès ESC : fait-on trop de TAVI « inutiles » ?

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Publié le 31/08/2016
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Crédit photo : PHANIE

Depuis les résultats de l'étude PARTNER 2, un consensus semblait se dessiner autour de l'élargissement des indications d'implantation de prothèses de valves aortiques par voie percutanée (TAVI). L'idée étant que l'on pourrait bientôt proposer cette procédure aux patients présentant un risque chirurgical plus faible, et non plus uniquement à ceux dont le score de risque chirurgical STS est supérieur à 8 %, soit 6,2 % des patients. Pour le Dr Catherine Otto, qui occupe la chaire de cardiologie de l'université de Washington ainsi que le poste de rédactrice en chef de la revue « Heart », avant d'envisager un tel élargissement, il faut s’intéresser aux procédures inutiles actuellement faites. « Je ne suis pas opposée à ce que l'on propose un TAVI aux patients à plus faible risque, et notamment aux patients plus jeunes, mais il faut aussi se poser la question des nombreuses procédures "futiles" actuellement réalisées. Les bénéfices à attendre sont souvent largement en dessous des risques encourus », affirme-t-elle au « Quotidien » à l'issue d'un débat organisé lors du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) qui se tient à Rome jusqu'au 31 août.

Des patients aux attentes irréalistes

Les patients à haut risque chirurgical sont âgés, fragiles, atteints de nombreuses comorbidités. « Ils s'attendent à pouvoir revivre comme ils le faisaient 20 ans auparavant, regrette le Dr Otto. Il est important que les médecins prennent le temps de parler avec eux, de comprendre leurs attentes, leurs buts, et de juger s'ils sont réalistes ou pas. Ils font parfois savoir dire non aux patients. Les soins palliatifs ne doivent pas être considérés comme un renoncement ou une solution de facilité, mais comme une façon d'apaiser la souffrance des patients et de maintenir leur qualité de vie. »

Le Dr Otto appuie son argumentaire sur les résultats de l'étude PARTNER 2 : même si les patients du bras TAVR ont une espérance de vie significativement augmentée, leur mortalité à 5 ans reste très élevée – 75 % – avec une amélioration de la durée de vie médiane comprise entre 1 et 2,5 ans. Beaucoup de patients opérés n'ont qu'une calcification modérée de leur valve aortique, « les symptômes liés à la sténose ne disparaîtront pas après la pose du TAVI car ils sont liés à autre chose comme une pathologie pulmonaire ou rénale, poursuit-elle. Le problème vient souvent de la dysfonction ventriculaire et non pas de la sténose aortique. Une prothèse de valve va peut-être légèrement augmenter leur espérance de vie, mais avec une qualité de vie dégradée, d'autant plus que la procédure n'est pas anodine, provoque des douleurs et nécessite un important temps de récupération. »

Le dernier argument est économique : la prise en charge pendant un an d'un patient souffrant de sténose aortique coûte près de 47 000 euros sans TAVI contre 48 000 euros avec, toujours selon les données de PARTNER. Le Dr Otto préconise la prise en compte du risque chirurgical, la fragilité du patient, de son statut mental, de son niveau de dépendance (vit-il ou non en institution) ainsi que sur la taille de l'emplacement destiné à recevoir la prothèse de valve et son accessibilité. « Il faut aussi voir s'il a un but précis – finir le livre qu'il est en train d'écrire ou voir ses petits-enfants naître par exemple, ajoute-t-elle. Les patients qui poursuivent ce genre d'objectif réaliste sont souvent ceux qui ont le plus de chances de tirer un réel avantage d'un TAVI. »

Pas plus de risque chez les plus de 90 ans

Contrairement au Dr Otto, le Pr Bernard Prendergast, de l'hôpital Saint Thomas de Londres, estime que trop peu de TAVI sont réalisés chaque année. « Environ 3 % des patients de plus de 75 ans ont une sténose aortique qui réduit de 50 % la survie à 2 ans sans intervention, détaille-t-il. Le TAVI est encore un peu nouveau mais c'est la seule procédure qui peut faire une différence. » Il conteste le caractère inutile d'une partie des procédures, citant les données du registre STS/ACC TVT publiées dans le « JACC ». « Chez les patients de plus de 90 ans, il n'y avait que 24,8 % de mortalité à 1 an chez les plus de 90 ans, contre 22 % chez les moins de 90 ans », poursuit le Pr Prendergast. « C'est un vrai débat, reconnaît le Dr Jean-Philippe Collet, de l'Institut de cardiologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), mais on dispose de nombreux garde-fous, dont l'avis du gériatre. Le problème des patients très âgés qui ont des comorbidités, c'est qu'ils masquent leurs symptômes en s'adaptant à leur handicap. On voit également que l'intervention devient de moins en moins agressive. Une vraie question à se poser est l'impact des AVC silencieux sur l'état fonctionnel des patients âgés. » Avant de procéder au remplacement d'une valve aortique, il est indispensable de vérifier que la sténose est réelle ainsi que la présence de symptôme : « Il faut questionner l'entourage qui donne des informations plus fiables sur les symptômes que la personne âgée qui, elle, règle sa vie en fonction de ces derniers », conclut le Dr Collet.

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr