« Les données épidémiologiques montrent que, ces vingt dernières années, si les complications cardiovasculaires des diabétiques ont sensiblement régressé (infarctus, AVC), l’insuffisance rénale chronique n’a pas reculé. En population, on n’a pas fait de progrès majeur en matière de néphropathie, déplore d’entrée le Pr Étienne Larger de l’hôpital Cochin (APHP) quand, dans le même temps, du côté des essais cliniques on a à peu près fait le tour de l’impact du contrôle tensionnel, du blocage du système rénine angiotensine voire du contrôle glycémique et de ses limites. » Dans ce cadre, l’irruption des inhibiteurs de SGLT2 va-t-elle apporter quelque chose de neuf ?
Mécanismes potentiels d’action
Pour rappel, les inhibiteurs de SGLT2 augmentent la glycosurie et la natriurèse, avec un effet bénéfique sur la glycémie et dans une moindre mesure sur la pression artérielle. Ils font perdre du poids via la perte calorique – trois facteurs de risque modifiables de la néphropathie diabétique. Ils pourraient en outre exercer un effet particulier si l’on se réfère à la physiologie rénale.
Dès lors qu’il y a du glucose dans l’urine, il est réabsorbé par les SGLT2 avec du sodium. En conséquence, la disponibilité du sodium en aval dans la macula densa est réduite. Ce qui induit un feed-back tubuloglomérulaire. La perception de ce défaut de sodium par la macula densa va alors activer des messages dépendants de l’adénosine. Or ce phénomène est probablement au cœur de la physiopathologie de la néphropathie diabétique.
EMPA-REG et CANVAS
L’étude clinique EMPA-REG, qui testait l’activité de l’empagliflozine chez des diabétiques à haut risque cardiovasculaire, a mis en évidence, au-delà du bénéfice cardiovasculaire, un bénéfice rénal sur un critère secondaire d’apparition ou d’aggravation d’une néphropathie dans le bras traité (1, 2). Dans le bras empagliflozine, ce risque est réduit significativement, de 40 % (13 % vs 18 % ; RR = 0,6 [0,5 – 0,7] ; p < 0,001). « Ce constat porte sur un nombre relativement significatif d’événements, le taux d’événements rénaux étant autour de 20 % dans le groupe placebo », souligne le Pr Larger. Sur un autre critère secondaire composite plus clinique associant le doublement de la créatinine, l’entrée en dialyse et les décès de maladie rénale, à nouveau l’empagliflozine apporte un bénéfice avec une réduction du risque de 50 %. Mais on est ici sur peu d’événements, d’un taux de 5 % dans le groupe placebo.
Plus récemment, l’étude CANVAS, qui testait l’activité de la canagliflozine, a mis aussi en évidence, au-delà du bénéfice cardiovasculaire, un bénéfice significatif sur le risque de progression vers l’albuminurie (3). Avec, ici aussi,un nombre significatif d’événements. À nouveau, on retrouve en outre un bénéfice sur le critère rénal composite de réduction du débit de filtration glomérulaire, d’entrée en dialyse ou de décès de maladie rénale. Ce qui tend à suggérer un « effet classe ».
Plusieurs études dédiées sont en cours
« Aujourd’hui, la méta-analyse des études non dédiées suggère qu’il se passe quelque chose de très intéressant en matière de protection rénale avec les inhibiteurs des SGLT2. Néanmoins, étant donné l’incidence limitée dans ces essais des événements rénaux, on manque un peu de puissance pour pouvoir conclure formellement. Mais, au vu de ces résultats très encourageants, plusieurs études plus centrées sur la protection rénale ont été lancées. Il faudra les scruter, sans omettre de surveiller ce qui se passe quant à l’acidocétose, la déshydratation et l’artériopathie », conclut le Pr Larger. Leurs résultats sont attendus en 2019-2020.
Communication du Pr Étienne Larger (hôpital Cochin, APHP)
(1) B Zinman B et al. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2015 Nov 26;373(22):2117-28
(2) Wanner et al. Empagliflozin and progression of kidney disease in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2016 Jul 28;375(4):323-34
(3) B Neal et al. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2017 Aug 17;377(7):644-657
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