Inertie thérapeutique, observance, effets secondaires, balance bénéfices-risques des traitements… Pour les diabétiques de type 2, sur tous ces points, on dispose de données solides. À l’inverse, les publications sur l’éventuel surtraitement en matière de contrôle glycémique sont rares. Domaine manifestement peu exploré, dont la définition n’est en outre pas univoque, il mérite néanmoins qu’on s’y attarde.
Pour l’Académie de médecine américaine, surtraiter, c’est traiter en l’absence de bénéfice thérapeutique attesté dans les essais cliniques. C’est le cas par exemple de l’association de certains antidiabétiques sans bénéfice glycémique clairement démontré. Une enquête de l’Assurance-maladie a ainsi pointé des prescriptions de metformine, sulfamide, gliptine et insuline en association. C’est aussi le cas lorsqu’on extrapole sans preuves le bénéfice d’une population à une autre, écartée ou peu représentée dans les essais – sujets âgés, femmes, non-Caucasiens… Aux États-Unis, cet excès de traitement représenterait 20 % des dépenses de santé, selon les estimations des agences américaines de régulation. Il est donc important.
On peut aussi parler de surtraitement lorsque les risques dépassent les bénéfices escomptés. Chez le diabétique, il s’agit de mettre en balance le bénéfice et les effets secondaires du traitement – hypoglycémies sévères, insuffisances rénales aiguës, chutes et fractures liées aux hypoglycémies, etc. –, ainsi que son impact sur la qualité de vie.
Des objectifs à individualiser
Les travaux américains et, en France, l’étude ENTRED montrent que les diabétiques sont de plus en plus hospitalisés pour hypoglycémie. Âge, comorbidités, absence d’alimentation…, les causes sont multiples. On voit aussi des objectifs d’HbA1c trop stricts pour des patients fragiles dont l’espérance de vie est limitée. Plusieurs études menées en France dans les Ehpad l’illustrent, avec une HbA1c moyenne à 7 g/L chez les plus de 75 ans, voire au-delà de 85 ans, et même chez des patients déments. L’étude UKPDS a pourtant clairement montré que le traitement intensif ne présente aucun intérêt dans les complications cardiovasculaires si l’espérance de vie est inférieure à neuf ans. Et les essais VADT, ACCORD et ADVANCE ont pour leur part montré les limites du traitement intensif des sujets âgés.
On l’a vu, les causes de surtraitement sont multiples, et les cibles, parfois inadaptées à l’âge, à l’état clinique, aux comorbidités, à l’espérance de vie… et au bénéfice attendu, devraient être plus nuancées, plus individualisées et tenir compte non seulement de la balance bénéfices-risques, mais aussi des préférences, des choix du patient. Enfin, au-delà des effets secondaires, les prescripteurs négligent trop souvent l’impact négatif des traitements sur la qualité de vie, lequel augmente avec l’âge ; un contrôle glycémique strict peut l’altérer dans les mêmes proportions qu’un AVC peu grave. C’est pourquoi, avec le sujet âgé, il faut savoir raison garder.
Communication du Pr Serge Halimi (Grenoble)
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