Moins de doses chez le nourrisson, rappel à âge fixe chez l’adulte… Le calendrier vaccinal 2013 publié ce vendredi dans le « BEH », revisite en profondeur les schémas vaccinaux. Allant bien au-delà du simple toilettage, le Comité technique des vaccinations propose aux praticiens une feuille de route simplifiée et allégée, plus proche de ce qui est déjà fait dans certains pays européens.
Le changement, c’est maintenant ! Le nouveau calendrier vaccinal 2013 publié ce vendredi dans le BEH s’accompagne cette année d’un bouleversement complet et sans précédent de la stratégie vaccinale. Alors que les années antérieures, ce document procédait à de simples retouches sur les recommandations de vaccination, cette fois-ci experts et autorités de santé proposent plusieurs modifications d’envergure. Avec un double objectif : assurer à tous les âges de la vie une protection optimale en n’administrant que le strict nombre d’injections vaccinales nécessaires et rendre le nouveau calendrier plus facilement lisible et mémorisable, donc applicable.
Un travail de longue haleine
En fait, cette remise à plat est le fruit d’un travail engagé depuis longtemps par le Comité technique des vaccinations (CTV). Elle s’explique à la fois par l’évolution des données scientifiques et par une volonté affichée de simplification. « Avec l’ajout de nouvelles recommandations, le calendrier vaccinal français était devenu de plus en plus complexe au fil des années et de plus en plus chargé, reconnaît le président du comité technique des vaccinations, le Pr Daniel Floret. Sa simplification faisait donc partie de mes engagements dès mon arrivée à la tête du Comité technique des vaccinations en 2008. D’autant que la France est, avec la suisse et l’Allemagne, le pays où on a le plus d’injections. »
Il aura fallu plus de quatre ans de travail, 24 réunions au sein du CTV, une revue extensive de la littérature et l’analyse des expériences menées par certains de nos voisins européens pour que le processus puisse se concrétiser. Mais le résultat est à la hauteur des efforts : la nouvelle feuille de route proposée aujourd’hui réduit le nombre de rendez-vous vaccinaux et d’injections à tous les âges de la vie et substitue chez l’adulte, une logique d’âge à une logique de délai. Avec, à la clé, un calendrier réellement allégé, plus facile à mémoriser et à s’approprier.
Promise à plusieurs reprises par les autorités sanitaires, la simplification du calendrier vaccinal devient donc enfin une réalité !
Le penta du 3e mois supprimé
En pratique, la nature des vaccinations recommandées ne change pas mais « leur mise en musique » est nettement modifiée. Ainsi, chez le nourrisson, la vaccination polyvalente (anti-diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite et infections invasives à Hæmophilus influenzae et hépatite B) passe ainsi de trois injections de primo-vaccination aux 2e, 3e et 4e mois à seulement deux injections au 2e et 4e mois, avec un rappel avancé à 11 mois pour ces six valences (contre 16-18 mois jusque-là).
Soit un schéma dit M2, M4, M11 en remplacement du classique schéma 2/3/4 16-18, avec suppression d’une injection.
Ce changement constitue « la grande évolution du calendrier », commente le Pr Serge Gilberg (médecin généraliste, membre du Comité Technique des Vaccinations). Il s’inspire de l’expérience de quatre pays européens (Italie, Finlande, Suède, Danemark) qui ont déjà franchi le pas et adopté avec succès une primo-vaccination en deux doses et un rappel précoce. Grâce à ces pionniers, « il est clairement démontré que 2 doses suffisent et nous sommes convaincus que la troisième dose ne sert a rien », résume le Pr Daniel Floret.
En revanche, alors que ces pays ont opté pour une vaccination débutant à trois mois (selon un schéma M3/5 12), la France a préféré maintenir le début de la vaccination dès l’âge de 2 mois « pour ne pas prendre le risque d’augmenter potentiellement le nombre de cas de coqueluche du nourrisson en retardant l’âge de la première dose », explique le Pr Gilberg. Des données suédoises et danoises montrent, en effet, qu’un report d’un mois du premier vaccin suffit à induire une augmentation de l’incidence des coqueluches précoces.
Dans le même esprit, le rappel est proposé dès 11 mois pour circonscrire les infections invasives à Hæmophilus influenzae que pourrait favoriser un rappel trop tardif. D’où le schéma inédit de type M2, M4, M11 retenu par la France.
La vaccination contre le pneumocoque suit le même tempo en conservant 2 injections à 2 et 4 mois mais avec un rappel plus précoce à 11 mois (plutôt que 12 mois actuellement).
Ainsi, en seulement trois rendez-vous vaccinaux à 2, 4 et 11 mois, le nourrisson pourra être protégé contre ces 7 valences dès l’âge de 11 mois. Avec, pour chaque échéance, le même schéma vaccinal et seulement deux injections (vaccin hexavalent /Prévenar).
ROR : vaccination à 12 mois pour tous
Ensuite, pour la vaccination ROR, l’administration de la première dose se fait désormais pour tous les enfants à l’âge de 12 mois, la deuxième dose étant recommandée à l’âge de 16-18 mois (M12, M16-18). Exit donc la vaccination ROR précoce dès 9 mois préconisée jusqu’à présent pour les enfants gardés en collectivité, « laquelle n’est pas justifiée en dehors de périodes épidémiques », précise le Pr Floret, Des études récentes ayant montré que la réponse immunitaire au vaccin rougeoleux est significativement inférieure chez les nourrissons vaccinés à l’âge de 9 mois, comparée à celle obtenue chez ceux vaccinés à l’âge de 12 mois.
La vaccination contre le méningocoque de type C est également recommandée à 12 mois (plutôt qu’à 13-15 mois) et il sera donc plus facile d’y penser en co-administrant la première dose de ROR.
Le retour de la coqueluche à 6 ans
Chez l’enfant, la principale modification concerne la coqueluche avec l’instauration d’un rappel l’âge de 6 ans, combiné à celui déjà prévu à cet âge-là contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. « L’absence de rappel coquelucheux dans le calendrier actuel était justifiée par les données épidémiologiques suggérant une incidence faible de cas de coqueluche chez les enfants primo-vaccinés avec un vaccin à germes
entiers et âgés de moins de 10 ans. Toutefois, ces enfants ont reçu en primo-vaccination une dose de plus de vaccin coquelucheux que ne recevront les enfants dans le nouveau schéma. De ce fait, il paraît justifié de recommander que ce rappel de 6 ans comporte également la valence coquelucheuse (DTCaP) », estime le CTV. La problématique d’une durée réduite de la protection conférée par les vaccins coquelucheux acellulaires représente un argument supplémentaire. Des données récentes issues des États-Unis et d’Australie laissent en effet penser que les vaccins coquelucheux acellulaires confèrent une durée de protection moindre que les vaccins entiers surtout chez les enfants totalement vaccinés avec des vaccins coquelucheux acellulaires. Ce qui est le cas en France où depuis 2006, le vaccin entier a été remplacé par le vaccin coquelucheux acellulaire pour des raisons de meilleure tolérance.
Le grand ado exempté
Chez l’adolescent, le rappel diphtérie / tétanos/ coqueluche /poliomyélite de 11-13 ans est maintenu mais avec désormais des concentrations réduites d’anatoxine diphtérique et d’antigènes coquelucheux (dTcaP)
En revanche, le dTP de 16-18 ans est supprimé. La vaccination HPV est recommandée – conformément à l’avis du HCSP du 28 septembre 2012 – chez les jeunes filles entre 11 et 14 ans, et non plus à partir de 14 ans. En pratique, le grand ado, difficilement captif, est donc désormais exempté de vaccinations en dehors des rattrapages habituels
Adulte : des rappels à âge fixe
Des ajustements sont aussi introduits pour les rappels de l’adulte anti-diphtérie, tétanos et poliomyélite (dTP). « Les données scientifiques et épidémiologiques accumulées au cours des dernières années permettent d’affirmer que la durée de protection conférée par ces vaccins va bien au-delà de 10 ans. L’intervalle entre les rappels de l’adulte est donc porté de 10 à 20 ans, explique le Pr Daniel Floret. Toutefois, à partir de 65 ans, cet intervalle reste à 10 ans du fait de l’immunosénescence. »
Cet espacement des rappels va de pair avec l'instauration de rendez-vous vaccinaux à âge fixes. Avec à peine 80 % des individus à jour à 30 ans et 60 % à 60 ans, « les recommandations de rappel décennal pour la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite sont mal appliquées, commente le Pr Floret. Une des explications réside dans la méconnaissance fréquente, chez les patients, de la date d’administration du dernier vaccin et/ou de la nature de celui-ci. De même, les médecins ignorent très souvent le statut vaccinal de leurs patients. » D’où ce passage d’une logique de délai entre les rappels à une logique d’âge beaucoup plus facile à mémoriser pour les patients comme pour les praticiens.
Un levier pour améliorer la couverture vaccinale ?
Avec en ligne de mire, une meilleure protection vaccinale des adultes. « On espère vraiment que ce nouveau calendrier vaccinal permettra d’améliorer la couverture vaccinale des adultes », confie le Pr Daniel Floret. En revanche, chez le nourrisson, l’impact des modifications proposées sera sans doute à la marge, les taux de couverture pour les vaccinations basiques étant déjà plutôt bonnes. En fait, « chez le nourrisson, ces modifications sont presque d’ordre “éthique”, estime le Pr Serge Gilberg. Pourquoi faire une dose de plus lorsqu’on peut faire une dose de moins ? ».
À terme, cet allégement de la primovacination pourrait aussi faire de la place pour de nouveaux venus comme le vaccin contre la méningite à méningocoque B…