Courrier des lecteurs

Affaire Halimi : la consommation de drogue en question

Publié le 11/06/2021

Le procès concernant le meurtre de Mme Halimi a conduit à des mouvements de protestation parfois très vifs, mais aussi de nombreuses manifestations de soutien à cette victime. En fait, cette personne juive a été tuée par un voisin fanatique qui n’appréciait pas cette religion.

Au final, il a été décidé que le meurtrier n’était pas responsable de ses actes car il était sous l’emprise de drogues. Bien entendu, ce verdict a choqué de nombreux citoyens mais aussi des politiques, et certains journalistes.

Au-delà des faits relatés par la presse, nous devons avoir un certain recul vis-à-vis de cette affaire. En effet, il est difficile d’avoir une idée précise sur l’état psychique basal de ce meurtrier. Il est peut-être schizophrène ou psychotique chronique, auquel cas il ne peut être jugé responsable de ses actes.

Si les journalistes avaient quelque peu enquêté sur la personnalité de ce criminel, nous aurions peut-être vu cette affaire sous un jour différent ? Toujours est-il que cette tuerie a laissé une vision négative du système judiciaire français. Quant à la pertinence des reportages et des éditoriaux relatant ce meurtre, elle peut être remise en question du fait d’un caractère très superficiel de la description des faits.

Addictions : deux poids deux mesures

Si le responsable de cet acte barbare était, au moment des faits, uniquement sous l’emprise de drogues, nous pouvons nous poser des questions concernant la problématique des addictions en France. Ainsi, si ce même individu était le conducteur ivre d’une voiture et avait malencontreusement écrasé plusieurs piétons, quelle suite aurait donné la justice à un tel homicide ?

En fait, en étudiant les nombreuses affaires concernant les accidents de voiture en état d’ivresse, nous pouvons remarquer que, le plus souvent, la justice n’est pas nécessairement clémente à l’égard des contrevenants. Les Français acceptent difficilement la relaxe ou l’internement des chauffards alcooliques.

L’alcool, même si de nombreux spécialistes à raison considèrent cette addiction comme une pathologie chronique, a une connotation péjorative pour nous tous. De ce fait, le législateur n’a pas permis, ou de manière très exceptionnelle, quelconque remise de peine dans ce cas de figure.

Cependant, nous ne pouvons qu’être surpris par rapport au paradoxe entre : les actions des forces publiques qui vont verbaliser un sujet ayant du cannabis, et ces mêmes forces publiques qui ferment les yeux sur le passant ivre sur la voie publique qui n’entrave pas l’ordre public.

« Les paradoxes d’aujourd’hui sont les préjugés de demain » Marcel Proust.

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Dr Pierre Frances, médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin