Francis Peigné, le courage de bouger

C'est avec une bien grande tristesse que j'apprends la disparition de Francis Peigné (« Francis Peigné, le faux père tranquille du syndicalisme hospitalier », « Le Quotidien du Médecin » du 1er décembre 2020). Je garde de lui le souvenir d'un homme déterminé mais bienveillant tant dans les rapports humains que dans les débats d'idées et j'ai en tête nos premiers échanges sur la nécessité de dépasser les clivages professionnels traditionnels à l'hôpital pour envisager de se saisir ensemble des problématiques de l'organisation du travail dans les services.

Il en avait fallu bien du courage aux organisateurs de ce fameux colloque - que nous étions l'un, Francis Peigné pour l'INPH et l'autre pour la CFDT Santé dont j'étais à l'époque secrétaire général — pour accepter de sortir de nos postures habituelles et dépasser les corporatismes qui minaient l'hôpital. Une première dans le monde hospitalier encore très marqué par une hiérarchie historique des fonctions… Au final, je crois que, ensemble, nous avions tracé un chemin dont on voit encore aujourd’hui combien il était fécond et porteur d'avenir et qui, peut être, n'a pas encore été assez emprunté.

Plus tard, en poste au Bureau International du Travail à Genève, j'avais retrouvé Robert Fonteneau, un de ses complices d'écriture avec qui j'ai eu l'occasion d’échanger longuement sur les mérites comparés des réformes hospitalières successives. Bien sûr, le nom de Francis Peigné revenait fréquemment dans nos discussions comme ayant eu le courage de bouger lui-même pour faire bouger une situation qu'il savait intenable. Être un vrai dirigeant, disait Jean Jaurès, c'est risquer ce que les dirigés ne veulent pas risquer. Nul doute qu'à cette aune, Francis Peigné répondait à la définition.