Pneumologie

BPCO : À QUEL TRAITEMENT SE VOUER ?

Publié le 26/05/2017
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Le nombre de molécules et de dispositifs disponibles pour le traitement pharmacologique de la BPCO est en plein essor, et égare parfois les médecins. Les experts de la SPLF viennent de proposer un algorithme d’aide à la décision du traitement médicamenteux, tout en précisant qu’il ne s’agit que d’une base de réflexion et non de recommandations…
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Crédit photo : SPL/PHANIE

L’hétérogénéité des patients BPCO est incomplètement appréciée par le seul degré de sévérité de l’obstruction bronchique (VEMS). Pour cette raison, en 2011, le comité international GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease) avait proposé une nouvelle classification qui avait la particularité de s’appuyer sur des critères cliniques quantifiés venant compléter les données spirométriques : échelle de dyspnée, échelle de qualité de vie, nombre d’exacerbations. La Société de pneumologie de Langue Française n’avait pourtant pas endossé ces recommandations, les jugeant trop complexes, ou trop peu validées, ou ne correspondant pas aux AMM des traitements remboursés en France. C’est dans ce contexte que la Société de Pneumologie de Langue Française vient de publier un algorithme médicamenteux alternatif, s’appuyant sur la littérature de 2009 à 2016. Elle indique qu’il ne s’agit pas de recommandations opposables mais d’une « base de réflexion », la méthodologie ne remplissant pas les critères techniques préconisés par la Haute Autorité de santé.


OUTILS CITÉS DANS LA RECOMMANDATION

Echelle de dyspnée MRC : http://www.recherchecliniquepariscentre.fr/wp-content/uploads/2014/12/e…
COPD assessement test (CAT) en version française : http://www.catestonline.org/english/index_France.htm
Clinical COPD questionnaire (CCQ) en anglais : http://ccq.nl/?page_id=342
Saint George’s Respiratory Questionnaire (76 items) adapté en français : http://www.raban.fr/aquirespi/bpco_fam_sgrq.pdf
Transitional Dyspnea Index : http://www.ser.es/wp-content/uploads/2016/09/BDI-TDI-pdf.pdf

UN ALGORITHME CLAIR DE PRISE EN CHARGE

Le diagnostic de BPCO. Il doit être confirmé par spirométrie, avec mise en évidence d'un VEMS/CV < 0,70 après bronchodilatateur.

► Une fois le diagnostic posé, les traitements non pharmacologiques sont systématiques. Certaines préconisations sont valables pour tous les patients : l'aide au sevrage tabagique, l'activité physique est encouragée, l'apport alimentaire protidique est surveillé, mise à jour des vaccinations (grippe, pneumocoque).

► La réhabilitation respiratoire, reposant sur le réentraînement à l'exercice, est recommandée si la dyspnée et le handicap persistent. 

► Ensuite, les symptômes conditionnent individuellement les choix thérapeutiques. Dans tous les cas, une réévaluation clinique et fonctionnelle est proposée 1-3 mois après chaque modification puis tous les 3 à 12 mois selon la sévérité de la BPCO, et s’assure notamment de l’observance et de la bonne technique de prise.

► Une EFR annuelle au minimum est recommandée

 

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En première intention

Les symptômes (dyspnée, exacerbations) conditionnent les choix thérapeutiques.

Lorsque les symptômes (dyspnée) sont épisodiques et peu intenses, le traitement se limite aux bronchodilatateurs de courte durée d’action inhalés à la demande.

► En cas de dyspnée quotidienne et/ou d’exacerbations, on propose un bronchodilatateur de longue durée d’action  en monothérapie plutôt qu'en association de bronchodilatateurs, β2-agoniste (LABA) ou antimuscarinique (LAMA).

Ce choix repose sur l’incertitude quant à la balance bénéfice/risque/coût d’une double bronchodilatation d’emblée, en raison notamment :de l’absence de large étude de sécurité sur le long terme de l’association LABA/LAMA chez des patients à fort risque cardiovasculaire ; de l’amplitude modeste de l’effet supplémentaire de l’association d’un LABA et un LAMA; du coût plus élevé de deux bronchodilatateurs (en association libre ou fixe) longue durée d’action par rapport à un seul.

À noter qu'en cas d’exacerbations, les LAMA (antimuscariniques) sont préférés en raison de la possibilité d’une supériorité sur ce critère, en tout cas en comparaison aux « anciens » LABA et, d’un nombre plus important d’études montrant un effet des LAMA sur le risque d’exacerbations (en comparaison aux LABA plus récents).

 

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En deuxième intention

► En cas de symptômes persistants malgré, un traitement bien conduit, et après avoir éliminé une autre cause d’efficacité thérapeutique insuffisante (diagnostic différentiel ou associé, mauvaise observance, technique d’utilisation des dispositifs d’inhalation incorrecte) et vérifié la mise en oeuvre d’une aide au sevrage tabagique, une évaluation fonctionnelle respiratoire est recommandée puis une bithérapie peut être proposée. Chez les patients présentant comme symptôme principal une dyspnée, l’association de deux bronchodilatateurs de longue durée d’action (LABA + LAMA) est proposée. 

Cette double bronchodilatation (LABA + LAMA) améliore le VEMS, la qualité de vie, la dyspnée et diminue les exacerbations sans augmenter les effets indésirables.

► En cas d’exacerbations fréquentes malgré un traitement optimal, on peut associer soit LABA + LAMA (préférés en cas de dyspnée), soit LABA + corticostéroïdes inhalés (CSI) (possibles en l’absence de dyspnée).

La trithérapie (LABA + LAMA + CSI) est indiquée en cas de persistance d’exacerbations malgré une de ces options.

La persistance de la dyspnée malgré une double bronchodilatation ou d’exacerbations malgré une trithérapie fait discuter d’autres traitements.

 

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BRONCHODILATATEURS EN MONOTHÉRAPIE

Les LABA améliorent le VEMS, la dyspnée et la qualité de vie et réduisent les exacerbations (mais moins efficacement que les LAMA d’après au moins deux études). Il est maintenant démontré qu’ils n’engendrent pas de sur-risque cardiovasculaire.
Les  anticholinergiques (LAMA) améliorent le VEMS, la dyspnée, la qualité de vie et le risque d’exacerbation.

BRONCHODILATATEURS EN ASSOCIATION FIXE

La « double bronchodilatation » (LABA + LAMA) n’améliore pas la survie par rapport à une monothérapie, mais augmente légèrement le VEMS, réduit le recours au traitement de secours. Le risque d’exacerbation sous glycopyrronium + indacatérol est significativement réduit par rapport au glycopyrronium seul (RRR= 12%, p = 0,038) et non significativement par rapport au tiotropium seul (10 %, p = 0,096). Pour la dyspnée et la qualité de vie, le bénéfice est moins clairement établi.

Il ne semble pas exister de différence d’efficacité cliniquement pertinente  entre les associations.  

CORTICOTHÉRAPIE INHALÉE (CSI)

En monothérapie, les CSI n’ont pas leur place dans le traitement de la BPCO. En association, ils améliorent probablement la mortalité, le déclin du VEMS et le taux d’exacerbation (du même ordre que les LABA) mais ils exposent à des effets indésirables. 

► L’effet préventif sur les exacerbations est un des critères principaux à l’appui de l’efficacité des associations LABA + CSI. Il n’existe, en revanche, pas de bénéfice, comparé à la monothérapie, concernant le déclin du VEMS et la survie. Il n’existe pas non plus d’effet rebond en cas d’arrêt éventuel.

Chez des patients symptomatiques et sans exacerbation dans les 12 mois précédents, la double bronchodilatation fait mieux que l’association LABA+CSI sur le VEMS, la dyspnée et le recours au traitement de secours.

► Le risque iatrogène et notamment le risque de pneumonie en fait donc un traitement de deuxième ligne. D'autres effets indésirables systémiques des CSI ont été suggérés dans des études observationnelles, sans être mis en évidence dans des essais randomisés : ostéoporose, fractures osseuses, diabète, cataracte. 

Concernant une trithérapie LAMA + LAMA + CSI, les experts de la SPLF déplorent le manque de données. Des études sont en cours. 

► En conclusion, la question du rapport bénéfice-risque des traitements par CSI dans la BPCO se pose. Cependant, l’effet préventif sur les exacerbations est un des critères principaux à l’appui de l’efficacité des associations LABA + CSI ayant conduit à l’obtention des indications AMM. Il n’existe pas de bénéfice à l’ajout de CSI aux LABA en termes desurvie ou de déclin du VEMS et le sevrage n’engendre pas de rebond c’est-à-dire pas d’augmentation de la fréquence des exacerbations. Le comité de pharmacovigilance (PRAC) de l'Agence européenne du médicament a confirmé un rapport béné-fice/risque favorable des associations fixes CSI + LABA dansla BPCO tout en mettant en garde sur le risque de pneumonie avec l’ensemble des associations disponibles.

ANTIBIOTHÉRAPIE PRÉVENTIVE

L’administration au long cours d’azithromycine à la dose de 250 mg/j a montré un effet préventif de la survenue d’exacerbations chez des patients exacerbateurs et/ou atteints de BPCO très sévères (oxygénothérapie de longue durée, historique d’hospitalisations pour exacerbation, ≥ 3 exacerbations/an malgré la trithérapie).

Cette prescription relève du spécialiste. Il existe un risque de baisse d’acuité auditive et évidemment d’antibiorésistance dont l’impact n’est pas encore bien évalué.

STATINES, β-BLOQUANTS

Si des travaux à la méthodologie imparfaite ont pu un temps laisser penser que les statines et les β-bloquants pouvaient améliorer le nombre d’exacerbation et la mortalité respiratoire, il est maintenant démontré que ce n’est pas le cas. Cela fait dire aux experts de la SPILF : « statines et β-bloquants cardiosélectifs doivent donc être utilisées chez les patients BPCO selon les mêmes indications qu’en l’absence de BPCO ».

N-ACÉTYL-CYSTÉINE ET THÉOPHYLLINE

Deux études asiatiques ont montré une diminution des exacerbations sous fortes doses de N-acétyl-cystéine.  Les experts de la Société de Pneumologie de Langue Française pensent que l’extrapolation de cette étude à nos patients est difficile.

En l’absence d’étude nouvelle sur la théophylline, l’indication reste inchangée : « chez certains patients dont la dyspnée n’est pas suffisamment soulagée par le traitement de fond par bronchodilatateurs inhalés (bêta-2 agonistes ou anticholinergiques), l’ajout de théophylline peut être proposé malgré une marge thérapeutique étroite justifiant une surveillance régulière de la théophyllinémie ». L’effet bronchodilatateur est modeste sinon controversé, et la marge thérapeutique étroite.

DYSPNÉE RÉFRACTAIRE = MORPHINE

La dyspnée réfractaire (dyspnée > 3 mois, au repos ou au moindre effort, malgré un traitement optimal) touche jusqu’à 30 % des patients atteints de BPCO.

► Dans cette situation, seuls les morphiniques présentent une efficacité incontestée. Concernant le dosage, les experts recommandent une dose de 10 mg LP en deux prises espacées de 12h, à augmenter de 10 mg/sem jusqu’à une dose quotidienne maximale de 30 mg. La dose moyenne suffisante est de 14 mg/j et seuls 10 % des patients ne répondent pas à cette dose. 
 

Bibliographie

1- Zysman M, Chabot F, Devillier P, Housset B, Panzini CM, Roche N, pour la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF). Optimisation du traitement médicamenteux des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive en état stable. Propositions de la Société de pneumologie de langue française. Revue des Maladies Respiratoires 2016 déc ; 33 (10) : 911-36. Disponible sur http://splf.fr/wp-content/uploads/2014/12/reco-bpco-trait-splf-2016-rmr…

 

Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste, Paris) avec le Pr Nicolas Roche (Service de pneumologie, hôpital Cochin, AP—HP, EA2511, université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 75014 Paris, France)

Source : Le Généraliste: 2798