Endocrinologie

ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE ET DIABÈTE

Publié le 06/05/2011
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Cette démarche indispensable pour améliorer l’état de santé des patients et réduire les coûts induits, suppose de la part du soignant une attitude d’écoute et d’accompagnement cognitif et psychosocial du patient, et de la part du patient, une appropriation des savoirs nécessaires pour s’adapter à la présence de la maladie chronique.

Le développement de l’éducation du patient constitue, depuis une vingtaine d’années, une évolution marquante dans le domaine des soins aux personnes atteintes de maladies chroniques, au premier rang desquelles le diabète de type 1 et de type 2.

En effet la présence d’une maladie chronique, comme le diabète, nécessite des traitements complexes et par définition de longue durée, sans parler des modifications d’habitudes de vie souvent indispensables à son équilibre, d’où la nécessité de phénomènes adaptatifs importants pour lesquels la simple prescription médicale ne suffit pas.

-› Rapidement, le médecin constate qu’une attitude directive, « prescriptrice », comme dans la maladie aiguë, ne suffit pas à améliorer sur le long terme l’état de santé du patient. Le patient lui se trouve dans une situation de deuil de son état de santé antérieur, un nouvel équilibre, lié à la présence de la maladie, s’impose à lui avec ses contraintes et ses limitations. Ainsi, une attitude passive d’exécution de la prescription médicale ne suffit plus, pour pouvoir vivre avec la maladie, le patient devient acteur de sa santé et de son traitement.

La présence de la maladie chronique fait évoluer la relation traditionnelle de type paternaliste, où le médecin est en situation d’autorité vis-à-vis de son patient qui l’admet volontiers, vers une relation de partenariat, de partage de savoirs et d’expériences qui permet au patient de trouver un nouvel équilibre avec sa maladie. C’est ici que l’éducation thérapeutique (ET) et le soutien psychosocial sont indispensables. Ils sont nécessaires à la motivation et à l’acquisition, par le patient, de connaissances, de compétences lui permettant de développer et mettre en place des attitudes appropriées pour faire face à la maladie.

-› Il ne s’agit pas non plus de transférer sur le patient la responsabilité des difficultés à mettre en place au mieux son traitement ou d’une évolution défavorable de la maladie. La responsabilité médicale reste entière et les actions de soins et d’éducation sont liées.

Le diabète est certainement la maladie chronique nécessitant le plus d’implication des patients pour son équilibre, d’où l’importance de l’ET dans sa prise en charge.

LE CONCEPT D’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

Selon l’OMS

L’OMS définit comme suit l’éducation thérapeutique (1) : « aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer aussi bien que possible leur vie avec une maladie chronique. Il s’agit d’une partie intégrante et continue des soins. L’éducation thérapeutique comprend des activités organisées, incluant un support psychosocial, dont le but est de faire prendre conscience aux patients de leur maladie, de les informer au sujet de leur maladie, de l’organisation des soins, des comportements face à la santé et à la maladie. Le but de l’éducation est que les patients (et leurs familles) comprennent leur maladie et leur traitement, collaborent avec l’équipe soignante et prennent la responsabilité de leur traitement comme un moyen de maintenir et d’améliorer leur qualité de vie. »

Cette définition classique de l’ET en précise les modalités et les finalités (encadré E1) (2).

Un apprentissage particulier

-› Dans le cadre de l’ET, la transmission de savoir et savoir-faire ne suffit pas en général. L’apprentissage est une des fonctions humaines les plus complexes. L’éducation thérapeutique est un apprentissage, mais elle diffère des autres apprentissages aux finalités scolaires, sociales ou professionnelles. L'apprentissage que le patient atteint de maladie chronique doit accomplir ne porte pas sur un domaine qui lui est extérieur mais qui le concerne au plus près, qui touche à son corps, à son intégrité, à son existence même. Le patient devient sujet de son processus d'apprentissage. De ce fait l’apprentissage se fait en présence d’émotions permanentes, qu’il est important de connaître et reconnaître évitant ainsi qu’elles deviennent un obstacle.

-› L’apprentissage sur soi et pour soi ne peut être neutre ou être un acte distancié. Il nécessite une implication personnelle du patient. Il s’agit d’un processus d’appropriation. C’est une logique d’apprentissage basée sur l’expérience. Pour cela il est centré sur le patient, ses besoins subjectifs et objectifs, exprimés ou non, et non sur le soignant, ce qui souligne bien la différence entre information, conseil et éducation thérapeutique.

L’éducation thérapeutique va prendre en compte les processus d’adaptation du patient à la maladie: lieu de maîtrise, auto-efficacité, représentations, stratégies d’adaptation, aspects psychosociaux.

-› Il est important aussi d’entendre et d’accepter que le patient n’est pas toujours prêt pour un tel processus. Il peut être paralysé par l’angoisse, être en colère ou dans le déni. Il faut savoir reconnaître cet état et l’accompagner y compris pendant cette phase.

DIABÈTE ET ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

En effet le diabète demeure un modèle original exceptionnel par l’impact considérable de toutes les dimensions de la maladie sur un individu jusque-là non contraint. En effet des risques de cette maladie à court terme (hypoglycémies, cétose) ou à long terme à travers les complications redoutables de cette maladie ainsi qu’à travers son traitement qui touche au mode de vie quotidien (alimentation, exercice physique, horaires, adéquation au rythme professionnel, aux loisirs), crainte pour soi et pour son entourage et sa descendance, tout concourt, pour le patient et son entourage, à générer autant de handicaps invisibles supportés chaque jour sans aucun répit. Certes, ceci concerne principalement le diabétique de type 1 (DT1) insulinoprive qui d’emblée passe d’un état « dit normal » à une situation de contrainte maximum et toujours définitive. Mais le diabétique de type 2 (DT2), malgré le caractère silencieux de la maladie, tout du moins au début, ne devrait pas se sentir moins concerné.

Un modèle bio-psycho-social

-› Ainsi le concept d’éducation thérapeutique a vu le jour au début des années 1970, quand Leona Miller (3), confrontée à des hospitalisations répétées pour des complications métaboliques aiguës de nombreux diabétiques de la région de Los Angeles, décide de mettre en place une équipe éducative visant à enseigner aux malades les bases du traitement pour prévenir les accidents métaboliques. Ainsi elle a pu améliorer l’état de santé des patients et réduire spectaculairement le coût lié au diabète par une diminution drastique du nombre d’hospitalisations. Mais prévenir les accidents aigus, grâce surtout à une amélioration de la compliance, se révèlent à long terme insuffisant. On comprend donc la nécessité d’abandonner un modèle purement biomédical au profit d’un modèle bio-psycho-social qui prend en compte non seulement la maladie avec son cortège de traitements, dans un contexte purement physiopathologique, mais aussi le contexte global de vie du patient.

Une fois ce contexte défini, on comprend mieux que le projet thérapeutique ne peut, pour être réaliste et « efficace », que s’inscrire dans le projet de vie du patient et non pas être antagoniste. L’ET est nécessaire à la motivation et à l’acquisition, par le patient, de connaissances, de compétences et d’attitudes appropriées pour faire face à la maladie. Pour cela, il est nécessaire d’avoir une approche centrée sur le patient prenant en compte les aspects psychosociaux et émotionnels de la maladie, et par la même les besoins du patient. Son absence reste certainement une des causes majeures des difficultés d’adhésion aux recommandations des soignants.

Des diabétiques insuffisamment concernés

Malgré ce constat, l’étude ENTRED (4), montre que seul un tiers (36 %) des DT1 et 17 % des DT2 déclarent avoir reçu un complément éducatif à la prise en charge habituelle de leur diabète au cours des 12 derniers mois. En complément du suivi médical habituel de leur diabète, 32 % des personnes DT1 et 15 % des DT2 indiquent avoir bénéficié « d’entretiens approfondis avec un médecin (ou un infirmier, un diététicien…), consacrés à la gestion du diabète et à son traitement au quotidien » ; 13 % des DT1 et 3 % des DT2 déclarent avoir bénéficié de « séances collectives (cours, conférences, ateliers avec plusieurs personnes diabétiques) ». Ces résultats montrent le déficit de prise en charge éducative des personnes diabétiques en France, et plaident pour une sensibilisation accrue des patients et des médecins à l’importance de la démarche éducative.

EDUQUER AMELIORE L’EQUILIBRE GLYCEMIQUE

L’éducation est thérapeutique si elle apporte un bénéfice supplémentaire comparé à d’autres types d’intervention. Les études démontrent l’efficacité de l’éducation dans le diabète de type 1 et type 2 sur l’équilibre glycémique (5, 6).

La méta analyse de la Cochrane Collaboration de 2005 permet de conclure à une amélioration significative du taux de HbA1c après ET (différence 0,8 %, p< 0,00001). Dans cette méta analyse, les 2 études qui évaluent l’impact de l’ET à distance de l’intervention (2 et 4 ans), montrent que l’amélioration de l’HbA1c est maintenue (1,0 %, p< 0,00001). Pour les autres paramètres biocliniques (poids, pression artérielle, profil lipidique), en règle générale, on ne note pas d’amélioration significative, même si les résultats sont en faveur de l’intervention éducative.

Les questionnaires de connaissance sont toujours significativement améliorés après ET, mais le mode d’évaluation reste très hétérogène. La majorité des études montre, lorsqu’elles sont étudiées, une amélioration des compétences des patients dans la prise en charge de la maladie et la gestion des traitements. La qualité de vie est le plus souvent maintenue, voire améliorée.

Lorsque l’on se place du côté des patients les éléments qui considérés comme important sont : un climat de respect, de confiance et d’empathie. Pour eux, le groupe est considéré comme important car permettant le partage d’expériences, des besoins et des émotions. La relation entre les soignants participant et ne participant à l’ET est jugée primordiale. Ils jugent positivement l’approche centrée sur l’apprenant, l’individualisation du temps dédié à l’ET, l’augmentation des savoirs cognitifs, le temps consacré à la réévaluation pour clarifier et interpréter dans la vie de tous les jours les éléments complexes de la prise en charge du diabète. Ainsi apprendre à faire une auto-surveillance sans possibilité d’auto-adaptation du traitement conduit à un sentiment d’insatisfaction, de manque de confiance. Le système de santé, et plus particulièrement le corps médical, limitant la responsabilité des patients et leur capacité de contrôle sur leur propre vie, associé aux manques de connaissance spécialisés en diabétologie des soignants, sont les facteurs considérés comme responsables de la diminution de l’impact de l’ET.

EN PRATIQUE

En terme d’apprentissage, les choses diffèrent en fonction du type de diabète. Dans le diabète de type 1, il s’agit de remplacer le mieux possible la fonction insulino-sécrétoire absente. Dans le diabète de type 2, l’accent est mis surtout sur la compréhension de l’impact des modifications d’habitudes de vie (alimentation et activité physique) et des traitements sur le contrôle biologique et la prévention des complications à long terme. Cet apprentissage vise l’acquisition de nouvelles compétences(tableau 1) (7).

Il est évident que les patients n’acquièrent pas ces compétences immédiatement et au cours d’une seule rencontre avec les soignants. Leur maîtrise demande du temps et de suivre des programmes d’éducation spécifiques. D’où cette notion fondamentale que l’ET est continue et intégrée aux soins. La loi « Hôpital, patients, santé, territoires » et les décrets d’application définissent aujourd’hui le cadre de l’ET. Celle-ci se conçoit comme des programmes réalisés au niveau local, autorisés par les agences régionales de santé, proposés au malade vivant avec une maladie chronique et à son entourage par le médecin prescripteur et donnant lieu à l’élaboration d’un programme personnalisé.

Compte tenu du nombre des patients DT2, il est admis que l’ET doit s’exercer près des lieux de vie et de soins des patients. Ainsi, dans ce contexte, l’ET nécessite l’implication des professionnels libéraux, dont le médecin traitant. La loi HPST reconnaît ce fait en inscrivant l’éducation par la santé parmi les missions des médecins de premier recours (article 36). Ainsi dans un rapport récent (8) le Haut Comité de Santé Publique estime « qu’à côté des programmes structurés d’éducation – qui évoquent un processus limité dans le temps, dont le contenu et le déroulement sont précisés à l’avance – il existe une éducation thérapeutique intégrée à la pratique des professionnels de premier recours, en particulier à celle du médecin traitant, sans obligation d’adhérer à un programme ». Ce même rapport fait une proposition pour le rôle du médecin traitant en ET (tencadré E2).

FORMATION DES SOIGNANTS

Aujourd’hui encore, la formation initiale des soignants, surtout des médecins, les prépare mieux à prendre en charge la pathologie aiguë qu’à accompagner les personnes atteintes de maladie chronique. Pourtant, plusieurs publications ont confirmé l’impact positif de la formation des professionnels en éducation thérapeutique sur leurs pratiques. De plus, la formation apparaît aujourd’hui comme un vecteur incontournable du déploiement de l’éducation thérapeutique sur le territoire national.

Au-delà d’un enseignement sur les finalités de l’éducation thérapeutique, la psychologie, les méthodes pédagogiques, les modèles théoriques…, une formation est nécessaire qui permettra aux soignants d’acquérir les compétences relationnelles, pédagogiques, organisationnelles méthodologiques.

CONCLUSION

L’éducation thérapeutique a pour but de permettre à toute personne atteinte de maladie chronique de maintenir voire améliorer sa qualité de vie. Cela suppose de la part du soignant un changement de posture en adoptant une attitude d’écoute et d’accompagnement cognitif et psychosocial du patient, dans le but de lui permettre de s’approprier les savoirs nécessaires pour faire des choix lui permettant de s’adapter à la présence de la maladie chronique.

Dr Helen Mosnier-Pudar (PH, Service des maladies Endocriniennes et Métaboliques. Hôpital Cochin. 27 rue du Faubourg Saint-Jacques. 75679 PARIS Cedex 14). Correspondance : fmc@legeneraliste.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr