INTRODUCTION
La loi du 2 février 2016, dite « loi Claeys-Leonetti » (1), prévoit que toute personne soit informée par les professionnels de santé de la possibilité d’être prise en charge à domicile, dès lors que son état le permet. Elle renforce la place des directives anticipées et le rôle de la personne de confiance ainsi que la hiérarchie entre les différentes parties vis-à-vis des souhaits du patient qui n’est plus en capacité d’exprimer sa volonté.
Tout comme un droit d’accès universel aux soins palliatifs, le droit à l’information, la nécessité du consentement, le droit au refus de traitement sont bien antérieurs à la loi Claeys-Leonetti. Cela n’impliquait pas forcément la participation d’un professionnel de soins palliatifs mais sous-tendait néanmoins que chaque soignant devait se préoccuper de soulager la souffrance physique comme psychique de la personne en fin de vie, au plus près de ses volontés.
Si le médecin généraliste joue un rôle clé dans notre système de santé, les Français déclarent avoir peu d’échanges avec les professionnels de santé sur la fin de vie. Dans un sondage BVA 2021 pour le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (2), 91 % des personnes interrogées indiquaient que leur médecin traitant ne les avait pas informées sur leurs droits ni sur les dispositifs existants. Seul près d’un tiers l’aurait souhaité (31 %). Les Français n’en parlent pas plus avec d’autres professionnels de santé.
L’organisation des soins palliatifs au domicile est étroitement dépendante du médecin traitant, que la décision soit prise par lui-même ou par une équipe hospitalière, avec l’accord du patient et de sa famille, parfois en coordination avec un réseau de santé ou une hospitalisation à domicile (HAD). Cette prise en charge repose sur un travail d’évaluation régulière des attentes et des besoins, de la coordination au moment de l’admission mais aussi au cours des soins apportés par les différents intervenants : HAD, services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), infirmiers libéraux. L’ensemble permet la mobilisation des ressources adéquates au moment opportun et d’anticiper l’aggravation des symptômes.
Qui peut bénéficier d’une fin de vie à domicile ?
Les patients de tout âge, du nourrisson à la personne âgée, peuvent en bénéficier ; toutes les personnes atteintes d’une maladie grave, évolutive, en phase avancée ou terminale ; tout individu âgé qui arrive au terme de sa vie avec ou sans pathologie avancée. Le terme de six mois d’espérance de vie est souvent énoncé. Le court terme, non défini par la loi, étant rapporté par la Haute Autorité de santé (HAS) de quelques heures à quelques jours, ce qui correspond plus à la phase agonique que réellement à une fin de vie prochaine.
MATÉRIEL MÉDICAL ET AIDES FINANCIÈRES POUR LE PATIENT
L’organisation matérielle de la prise en charge des soins palliatifs à domicile est prescrite par le médecin traitant, réalisée par des prestataires de services en santé.
Des aides financières accompagnent la prise en charge au domicile, et sont calculées selon les ressources sociales et financières du patient. L’assistant social peut être sollicité pour proposer un soutien matériel afin que la gestion du quotidien soit allégée par la présence, par exemple, d’un auxiliaire de vie ou d’un aide-ménager. Le fonds national d’action sanitaire et sociale (FNASS) sert à financer des prestations et des fournitures non prises en charge par ailleurs. Ces aides viennent en complément de celles liées à la dépendance (APA : allocation personnalisée d’autonomie). L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (AJAP) est une autre aide envisageable.
Dans certains cas, d’autres aides financières sont possibles, soit par les fonds d’action sociale des caisses d’assurance maladie, mutuelles, assurances complémentaires, prévoyance, retraite, soit par des fonds issus de certaines associations de malades. Plus d’informations sur https://www.parlons-fin-de-vie.fr/la-fin-de-vie-en-pratique/les-aides-f…
Le patient et sa famille ou ses proches doivent être d’accord pour la fin de vie à domicile. Pour sa part, le médecin traitant doit estimer réaliste de suivre le patient à son domicile ; les différents professionnels susceptibles d’intervenir (infirmier, aide-soignant, psychologue, ergothérapeute, kinésithérapeute…) doivent également être mobilisables.
LES QUATRE RÔLES MAJEURS DU MÉDECIN TRAITANT
1. Informer, sensibiliser, dialoguer avec le patient
60 % des médecins sont directement interrogés par leurs patients sur le sujet de la fin de vie (3). En tant que professionnel de santé, son rôle d’information et le capital confiance dont il dispose font de lui le meilleur interlocuteur pour en parler avec ses patients et les informer de manière neutre, dépassionnée, objective, notamment sur le droit de rédiger des directives anticipées, le droit de nommer une personne de confiance (lire Le Généraliste n° 2993), l’accès aux soins palliatifs, le droit de refuser les traitements, la non-obstination déraisonnable, l’accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, en parler avec son patient (même très âgé, très malade, qui ne semble pas pouvoir s’exprimer) peut l’aider à calmer ses angoisses tandis que l’exclure des discussions sur la fin de vie ne le préserve pas forcément. En parler assez tôt lui permet d’avoir du temps pour accepter et pour prendre ses dispositions, en tant qu’acteur de sa fin de vie. Une attitude négative ou émotionnelle de sa part ne doit pas forcément être vue comme un échec mais comme une étape nécessaire.
À noter que le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie conseille le médecin généraliste pour remplir son rôle de soignant de proximité en matière de fin de vie, notamment en fournissant un Guide pour les professionnels de santé (faire sa demande à contact@spfv.fr).
2. Accompagner et soulager
Les professionnels de santé – en l’occurrence le médecin généraliste référent du patient, dont la mission est d’organiser l’ensemble du parcours de soins – peuvent mettre en œuvre, jusqu’au décès, tous les moyens à leur disposition pour prendre en compte, accompagner la fin de vie, évaluer, traiter la douleur et les autres symptômes et assurer une fin de vie digne.
3. S’abstenir de toute obstination déraisonnable et respecter le refus de traitement
La loi interdit l’obstination déraisonnable. À ce titre, les médecins peuvent interrompre ou ne pas entreprendre des soins (hydratation et nutrition artificielles, etc.) et des traitements qui apparaissent inutiles et/ou disproportionnés et/ou n’ayant pour seul effet que le maintien artificiel de la vie.
4. Mettre en œuvre une sédation profonde et continue jusqu’au décès
À la demande du patient ou sur proposition du médecin à̀ la suite d’une procédure collégiale. Celle-ci peut être initiée en présence de souffrances réfractaires et lorsque le pronostic est engagé à court terme, ou en soutien d’une limitation ou d’un arrêt thérapeutique engageant le pronostic vital en prévision des souffrances à venir. Lire l’article de FMC du Généraliste n° 2995 sur « La place des pratiques sédatives en phase palliative terminale à domicile ».
Le médecin traitant, pivot de la mise en place des soins Avant même la période critique de l’accompagnement en fin de vie, le médecin peut s’inscrire dans un continuum et s’impliquer dans la réflexion anticipée autour des souhaits de ses patients. En fin de vie, il s’agit d’une coconstruction soignant-patient sur ce qui est raisonnable ou non et le projet d’accompagnement en matière de fin de vie prochaine.
Le médecin traitant endosse le rôle de coordinateur entre les professionnels de santé médicaux et paramédicaux (infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes…), les proches, la personne de confiance, dans une prise en charge optimale de « confort » (thérapeutiques symptomatiques : douleur, anxiété, etc.) et de la perte d’autonomie.
FACE AUX ÉVENTUELLES DIRECTIVES ANTICIPÉES
Chacun peut écrire ses directives anticipées, un droit depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, renforcé par la loi du 2 février 2016. Pour autant, 40 % des Français âgés de plus de 50 ans ignorent qu’il existe une loi sur la fin de vie, 48 % ne connaissent pas les directives anticipées (DA) et 81 % ne les ont pas rédigées. Depuis la loi du 2 février 2016, les directives anticipées s’imposent au médecin. La HAS a listé les informations que le médecin délivre à son patient pour la rédaction des DA (4) (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2016-03/da_profess…). Celles-ci portent sur les options possibles en fin de vie (incluant les soins palliatifs, la sédation), la personne de confiance, la conduite des médecins en l’absence de DA (prévention de l’obstination déraisonnable), les modalités de conservation des DA, la délivrance des soins de confort.
Lorsque le patient n’est pas en condition de s’exprimer, le contenu des DA (par écrit ou oralement à la personne de confiance, à un membre de la famille ou à un proche) prime sur les avis de la personne de confiance ou des proches. Le médecin peut refuser de les appliquer (et il doit le justifier dans le dossier médical) en cas d’urgence vitale, le temps d’évaluer la situation, et lorsque les DA lui apparaissent inappropriées ou non conformes à la situation médicale, uniquement après avoir consulté l’ensemble de l’équipe soignante et un confrère indépendant, et après avoir recueilli le témoignage de la personne de confiance si elle a été désignée ou, à défaut, celui de la famille ou des proches.
Les DA peuvent être rédigées sur papier libre ou en utilisant un formulaire (formulaire type du ministère de la Santé sur solidarites-sante.gouv.fr) et confiées à un proche (le médecin traitant ou l’équipe médicale doivent alors en être informés) ou conservées chez le médecin dans le dossier médical et même enregistrées dans Mon espace santé.
FACE à L’ÉVENTUELLE PERSONNE DE CONFIANCE
Choisir une personne de confiance est un droit depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Toute personne majeure acceptant d’assumer cette mission peut le devenir (parent, ami, proche) mais également le médecin traitant lui-même (4, 5). La personne de confiance ne peut accéder directement au dossier médical, sauf procuration établie par le patient. Cette procuration doit être incorporée au dossier médical du médecin traitant et/ou au dossier médical tenu par l’équipe soignante hospitalière ou de l’établissement d’hébergement (4). Dans le processus de décision, la personne de confiance constitue un relais entre patients et soignants : elle accompagne celui ou celle qui l’a désignée dans son parcours médical, le représente pour ses décisions médicales si elle n’est plus en mesure de s’exprimer. Dans ce dernier cas, si une limitation des soins, un arrêt des traitements ou la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès est envisagée, la personne de confiance doit être consultée en priorité et informée de l’avis de la procédure collégiale.
RESPECTER L’INTERDICTION DE L’OBSTINATION DÉRAISONNABLE
Le médecin doit s’assurer de ne pratiquer aucune obstination déraisonnable (5). Au regard de la loi comme du code de déontologie, la décision d’interrompre ou de ne pas mettre en route des traitements au titre du devoir de non-obstination déraisonnable est de la seule responsabilité du médecin référent du patient. Elle ne relève ni de la procédure collégiale, qui n’est là̀ que pour aider le médecin à̀ prendre sa décision, ni de la personne de confiance ou des proches du patient, dont le rôle est de témoigner de ce que le patient aurait considéré comme obstination déraisonnable s’il n’est plus en état de l’exprimer lui-même (5). La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l’issue de la procédure collégiale, d’après le code de la santé publique (6).
L’obstination déraisonnable est évaluée en fonction de critères de nature médicale (gravité, irréversibilité de l’état de santé privant le patient de toute autonomie) et de critères relatifs à la volonté du patient (directives anticipées, personne de confiance ou témoignage des proches s’il ne peut pas s’exprimer).
Hélène Joubert (rédactrice) avec le Dr Valérie Mesnage (neurologue au Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, Paris)
Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) informe les professionnels de santé et les aide à dialoguer avec leurs patients à travers des outils dédiés. La plateforme d’écoute est destinée aux soignants et au public au 01 53 72 33 00. Sous l’autorité du ministère de la Santé, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie est un organisme public dont les missions sont d’informer sur les dispositifs prévus par la loi, de participer à une meilleure connaissance sur les conditions de la fin de vie, auprès du grand public comme des soignants, de recueillir et rendre publiques des ressources statistiques, épidémiologiques et documentaires sur le territoire, de produire des expertises indépendantes, et étayées par les données scientifiques et de mettre à disposition des ressources palliatives géolocalisées et de proximité pour le médecin et les patients
BIBLIOGRAPHIE
1. Loi dite « loi Claeys-Leonetti ». Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. NOR : AFSX1507642L JORF n°0028 du 3 février 2016.
2. BVA. Sondage 2021 pour le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.
3. BVA. Opinion 2018. Les directives anticipées, le regard des Français et des médecins généralistes.
4. HAS. Les directives anticipées. Document destiné
aux professionnels de santé et du secteur médico-social et social (avril 2016) et articles L. 1111-11 et R. 1111-18
et R. 1111-19 du code de la santé publique.
5. Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. Guide pour les professionnels de santé. https://www.parlons-fin-de-vie.fr
6. Conseil national de l’Ordre des médecins. Article 37-2. Limitation ou arrêt de traitement. Article 37-2 (article R.4127-37-2 du code de la santé publique).
RESSOURCES
1. CNSPFV : 01 53 72 33 00 ; https://www.parlons-fin-de-vie.fr
2. Société française de soins et d’accompagnement palliatif : https://www.sfap.org
3. Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile : https://www.fnehad.fr
4. Plateforme de recherche fin de vie : https://www.plateforme-recherche-findevie.fr
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