Le Généraliste. Vous faisiez partie du groupe de relecture des nouvelles guidelines de la HAS sur le sevrage tabagique mais au final vous n’avez pas souhaité les endosser. Pourquoi cette réserve ?
Pr Bertrand Dauzenberg. L’HAS, du fait de ses procédures sur les liens d’intérêt, a exclu les experts du tabagisme de ses groupes de travail (7 médecins – non tabacologues – sur 21 experts pour juger des médicaments !). Les relecteurs-experts du tabagisme ont conduit à des corrections considérables mais toutes n’ont pas été prises en compte. Et au final, la recommandation publiée a de bons côtés, mais garde de graves anomalies telles que donner des niveaux folkloriques de classement des preuves scientifiques, prôner le mésusage des médicaments (couper les patchs nicotiniques) ou des erreurs administratives (affirmer que le bupropion est sous surveillance spéciale).
La HAS préconise une démarche plus volontariste face aux patients fumeurs. Cela vous semble-t-il suffisant ?
Pr B. D. Sur ce point les recommandations vont dans le bon sens, mais ne vont pas assez loin, en particulier pour les patients atteints de comorbidités. Chez un patient BPCO, coronarien ou diabétique, arrêter de fumer est présenté comme un choix qui revient au patient, alors que l’arrêt du tabac est partie intégrante du traitement, relève de la prise en charge du médecin pour l’arrêt ou la réduction. Prendre en charge le tabagisme de ces patients n’est pas une option mais est une partie intégrante du traitement.
La varénicline et le bupropion sont recommandées en 2e ligne. Compte tenu des récentes études qui tendent à rassurer sur leurs effets secondaires, est-ce que ce n’est pas une position trop frileuse ? Qu’en est-il de la e-cigarette?
Pr B. D. L’efficacité et la tolérance de ces deux médicaments ont été confirmées par les données de 5 ans de pharmacovigilance. En 2014, il n’y a plus de raisons scientifiques de ne pas placer la varénicline sur la même ligne que la substitution nicotinique. Surtout si on considère l’efficacité de ces traitements, en particulier de la varénicline qui est le traitement le plus efficace en monothérapie pour l’arrêt du tabac et dont le succès comparé au placebo est encore plus important chez les malades avec comorbidité cardiaque, respiratoire ou psychiatrique. En revanche, pour la e-cigarette, on en sait vraiment trop peu pour que l’HAS puisse trancher et donner autre chose que des conseils généraux sur ces produits qui ne sont pas actuellement des médicaments.
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