Entretien avec le président de la Fédération des praticiens de santé

Dr Slim Bramli : « la situation des PADHUE est écœurante »

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Publié le 26/11/2018
Slim Bamli

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Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Comment qualifiez-vous la situation des PADHUE ?

DR SLIM BRAMLI : Les médecins PADHUE qui ne disposent ni d'un statut officiel ni d'une qualification ordinale sont en grande difficulté. Certains hôpitaux contournent la loi. Des PADHUE se voient proposer des postes précaires de faisant fonction d'interne (FFI), dans l'attente de leur procédure d'autorisation d'exercice (PAE), alors qu'il s'agit de praticiens expérimentés, spécialistes, avec des familles ! Gardes comprises, ils perçoivent 2 000 euros net par mois. Les PADHUE attachés associés gagnent à peine plus qu'un assistant [entre 1800 et 2 000 euros, NDLR]. La situation est écœurante. 

Ces collègues, pour certains chefs de service ou de pôle, sont dans la détresse depuis la suppression de la procédure d'autorisation d'exercice dite de « la liste C » en 2017, selon la volonté du précédent gouvernement. D'autres ont privilégié le concours dit de la « liste A », très sélectif et qui n'est pas ouvert à toutes les spécialités. Certains ont été recalés avec 15 de moyenne. 

Aujourd'hui, tous ces médecins, que l'on chiffre à environ 5 000, n'ont rien. (Re)passer le concours A [limité à trois tentatives, NDLR] était leur seule option. Le 1er janvier 2019,  les PADHUE risquent d'être à la rue si rien n'est fait. Dois-je rappeler la réalité de la pénurie médicale à l'hôpital ? Vraiment, on marche sur la tête !

Mais attention à la confusion ! Je ne parle pas ici de tous les PADHUE. 13 000 à 14 000 autres praticiens diplômés hors Union européenne ont la plénitude d'exercice, sont « casés » dans les établissements français et heureux de l'être.

Une nouvelle proposition de loi prolonge le dispositif d'autorisation d'activité transitoire des PADHUE jusqu'en 2020. Signal positif ou effet de manche ?

La tutelle a déjà prolongé à deux reprises l'échéance pour ces médecins qui, sur le papier, devaient quitter le territoire il y a quatre ans. Deux ans de plus dans ces conditions, c'est deux ans de plus dans la précarité.

Je rappelle que le Conseil constitutionnel est opposé à cette procédure dérogatoire. Nous, on ne veut en aucun cas que les PADHUE continuent à être recrutés par les établissements sur des postes fragiles sans aucune évolution. Ça ne peut plus continuer comme ça. Soit les hôpitaux admettent ne pas avoir besoin des PADHUE et leur ferment définitivement leur porte, soit on règle le problème de manière pérenne par une loi.

Cela étant dit, Agnès Buzyn est plus attentive que la précédente équipe, qui était sourde à nos revendications. C'est positif. À nous de proposer des pistes objectives pour sortir les PADHUE de la galère. 

Quelles sont vos propositions pour abolir la précarité statutaire ?

Nous proposons d'augmenter le nombre de postes du concours de la liste A à 800 postes par an, pendant cinq ans, pour les nouveaux entrants en France. À l'hôpital, 30 % des praticiens hospitaliers vont partir à la retraite en 2020. 12 500 postes sont vacants. On ne comblera pas ce déficit en ne changeant rien.

Nous militons aussi pour la création d'un nouvel examen, sans concours, fondé sur les connaissances, les titres, les travaux et les services rendus des postulants. Ces derniers devraient justifier d'au moins cinq ans d'exercice en France. Réussir cet examen, ce serait obtenir la reconnaissance qu'on mérite. Échouer, cela signifierait qu'il faut changer de métier.

 

 

 

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9705