L’hôpital Grand Paris Nord (AP-HP), bras de fer emblématique

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Publié le 02/02/2024
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En Île-de-France, plusieurs élus sont mobilisés de longue date contre la construction d’un gigantesque complexe hospitalier de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’obligeant à revoir sa copie.

Maquette de l’implantation du campus hospitalo-universitaire Grand Paris Nord à Saint-Ouen

Maquette de l’implantation du campus hospitalo-universitaire Grand Paris Nord à Saint-Ouen
Crédit photo : Site internet Université Paris Cité

Pendant du prestigieux Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) situé au sud de la capitale, le futur hôpital Grand Paris Nord n’en finit plus de faire couler de l’encre et d’irriter certains élus franciliens. Depuis 2016 et le lancement de ce vaste chantier hospitalo-universitaire, considéré comme le plus important projet de construction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) depuis 20 ans, polémiques et interventions politiques sont légion.

Il faut dire que le dossier est un concentré d’urticants : regroupement de deux hôpitaux (Bichat à Paris et Beaujon à Clichy) dans un nouvel établissement au-delà du périphérique, à Saint-Ouen ; réduction du capacitaire en lits au bénéfice de l’ambulatoire (même si le nouveau DG de l’AP-HP, Nicolas Revel, a réduit la voilure face à la contestation) ; construction de l’édifice sur la friche industrielle d’une ancienne usine de PSA faisant partie de la culture collective et ouvrière de la ville. Un programme pharaonique qui doit aboutir en 2028 pour un coût de 1,3 milliard d’euros.

Comme un vieux projet autoroutier

Depuis l’annonce de ce projet par le précédent patron de l’AP-HP, Martin Hirsch, plusieurs élus de l’opposition se sont emparés du dossier, épaulant riverains et syndicats de soignants frondeurs (essentiellement des deux hôpitaux condamnés à fusionner), pointant, entre autres, une baisse finale de l’offre de soins dans un territoire subissant déjà de fortes inégalités de santé. À l’appel des branches santé de la CGT et de FO, édiles PCF et insoumis apportent leur soutien lors de manifestations organisées par le comité de défense Bichat-Beaujon. Au Parlement, députés et sénateurs embrayent. À l’ère post-Covid, fermer deux hôpitaux pour n’en faire plus qu’un, doté d’un parc hospitalier réduit (au commencement de 300 lits) est jugé « irresponsable » dans un département qui « manque de tout », martèle le député LFI de la circonscription Éric Coquerel. L’AP-HP de son côté justifie cette opération par la vétusté des locaux des hôpitaux Bichat et Beaujon mais aussi la convergence de leurs projets médicaux.

Ce projet va surdensifier une zone alors que l’on aurait pu réhabiliter Bichat et Beaujon

Léa Balage El Mariky, adjointe au maire du 18e arrondissement de Paris

Au fil des ans, la justice administrative est saisie par les adversaires du projet. Les procédures s’accumulent, obligeant « l’AP » à revoir sa copie. Le dernier épisode de ce feuilleton remonte à la semaine dernière, lorsque le CHU francilien a annoncé le lancement d’une nouvelle enquête publique (du 29 janvier au 4 mars) portant sur la régularisation de la procédure de la déclaration d'utilité publique (DUP), en raison du caractère incomplet du dossier présenté lors de la précédente étude, à l’automne… 2021.

Les élus écologistes rejettent aussi le nouvel hôpital au motif qu’il n’a pas lieu d’être dans une zone déjà surpeuplée. « Le dossier Grand Paris Nord est symptomatique des projets autoroutiers vieux de 15 ans qu’on a la plus grande peine à arrêter », déplore Léa Balage El Mariky, adjointe au maire du 18e arrondissement de Paris, où se situe Bichat. Selon l’élue, l’époque des méga-hôpitaux en plein cœur de ville est révolue. « Le projet de Saint-Ouen va surdensifier une zone alors que l’on aurait pu réhabiliter Bichat et Beaujon », argumente-t-elle. Un avis en partie partagé par Denis Vemclefs, conseiller municipal de Saint-Ouen et élu d’opposition, qui conteste la construction « d’un bâtiment de 28 mètres de hauteur qui va asphyxier le centre-ville ». Ce qui ne l’empêche pas de penser que le chantier ne répondra pas aux besoins de santé de la population.


Source : Le Quotidien du Médecin