Passer de la médecine générale à l’urologie ou de la psychiatrie à la gériatrie… Dès 2023, les médecins en exercice pourront se reconvertir en se lançant directement dans un internat d’une spécialité différente. Prévue dans un décret de 2017, cette nouveauté aurait dû entrer en vigueur au 1er janvier 2021. Après 16 mois de retard, l’arrêté permettant aux médecins de « postuler » à un diplôme d’étude spécialisé (DES) d’une autre spécialité, a finalement été publié le 26 avril au « Journal officiel ».
À partir du 1er janvier 2023 donc, les praticiens qui souhaitent se reconvertir pourront déposer un dossier auprès de l’université de leur choix. Et recouvrer - pour plusieurs années - la blouse d’interne ! L’arrêté permet également aux confrères de se surspécialiser - en addictologie, sommeil ou encore soins palliatifs par exemple - en leur ouvrant les portes des options et formations spécialisées transversales des DES.
Trois ans d'exercice minimum qui ne passent pas
Être titulaire d’un diplôme de médecine français ou étranger, être inscrits à l’Ordre… Les candidats devront justifier de conditions préalables, comme une « durée d’exercice minimale ». Trois ans d’activité médicale en France « à temps plein » seront nécessaires pour postuler à un nouveau DES, un an pour candidater à une option ou une formation spécialisée transversale. Congé maternité, paternité, d’adoption, maladie ou temps déjà passé en formation « sont assimilés à l'exercice effectif des fonctions, dans la limite totale de six mois », précise l’arrêté. Une exception pourra être faite pour les praticiens qui ne peuvent plus « exercer leur profession pour raison médicale », un chirurgien blessé à la main par exemple.
Président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), Gaetan Casanova s’est dit « très en colère » contre ce quota de 3 ans d’exercice – à temps plein -, fixé de « manière totalement dogmatique ». « Depuis la publication de l’arrêté – qui est très bien sur le principe -, je reçois des trombes de messages d’internes désespérés qui trouvent ces trois ans d’exercice imposés complètement aberrants », raconte-t-il. « Pourquoi enfermer pendant trois ans des médecins dans une spécialité qui ne leur plaît pas ? », ajoute l’interne, qui dit n’avoir obtenu aucune réponse des tutelles sur ce quota et craint qu’il n’aggrave encore le mal-être des jeunes confrères. L’Isni se dit prête à se mobiliser très rapidement sur le sujet auprès de l’Ordre des médecins et du ministère.
Une demande par an
Ce sont les commissions régionales de coordination des 44 spécialités qui seront chargées d’examiner les dossiers des médecins en reconversion. CV, lettre de motivation, justificatif de formations complémentaires, de DU où DIU : le dossier devra être nourri de « toute pièce permettant d'évaluer les connaissances et les compétences du candidat ainsi que son projet professionnel ».
Le médecin en reconversion devra choisir une seule université et une spécialité. Le dossier devra être envoyé à la fac, le 30 avril de chaque année, au plus tard.
Quotas fixés chaque année
Les commissions de spécialistes - universitaires, hospitaliers - examineront les dossiers et devront rendre un avis écrit au candidat en tenant compte de son projet professionnel, ses aptitudes mais aussi de ses compétences acquises tout au long de son exercice passé. Une liste « d’admissibles » est dressée - au plus tard trois mois avant la rentrée scolaire - puis envoyée au conseil régional de l’Ordre des médecins.
À l’instar des néo-internes, chaque année sera fixé - par arrêté - le quota de postes réservés à ces médecins en reconversion, par discipline et par CHU. Les candidats recalés pourront toutefois être inscrits dans « une liste complémentaire (...) classée par ordre de mérite qui permet de combler les vacances résultant de désistements éventuels ».
À toutes fins utiles, l’arrêté précise d’ailleurs que les commissions de spécialistes ne pourront être composées de personnes entretenant avec le candidat « des liens tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation ».
Aménagement d'emploi du temps
Une fois admis, le médecin suivra en tout point - ou presque - le parcours d’un jeune interne. Il sera conventionné avec un CHU de rattachement et devra conclure un contrat de formation définissant ses objectifs pédagogiques, les options à choisir, voire un éventuel parcours recherche.
Toutefois, contrairement aux jeunes carabins, les reconvertis pourront bénéficier « d’aménagements de la formation afin de tenir compte de l'expérience préalablement acquise par le médecin », souligne le texte réglementaire, qui précise que « les dispenses envisagées ne peuvent excéder la moitié de la durée minimale de la formation de médecin spécialiste concernée ».
600 à 800 demandes par an
Jusqu’alors, pour changer de spécialité, les confrères avaient la possibilité de faire une demande de qualification de spécialité différente de leur spécialité initiale auprès de l’Ordre. Une démarche fastidieuse, dûment justifiée, et qui « demande une véritable motivation ainsi qu’un fort investissement personnel », de l’aveu même de l’Ordre. En parallèle, la procédure de validation des acquis de l’expérience ordinale (VAE) - qui permettait aux médecins d’obtenir une extension de leur droit d’exercice dans une spécialité non qualifiante - a pris fin en décembre 2021. Dans l’attente des nouveaux textes.
Chaque année, 600 à 800 médecins sollicitent un changement de spécialité auprès de l’Ordre. En 2016, 68 % des dossiers déposés avaient reçu un avis favorable. Sans surprise, ces demandes concernent plutôt des médecins dans la fleur de l’âge. Sur les 2 349 médecins ayant déposé un dossier entre 2013 et 2016, 61 % sont âgés de plus de 45 ans.
Ces dernières années, ce sont surtout les généralistes qui souhaitaient changer de spécialité. Une évolution de carrière « logique » estimait au « Quotidien » le Pr Robert Nicodème, président de la section formation et compétences médicales du Cnom. « Il s’agit souvent de médecins qui ont un intérêt pour une partie précise de leur exercice comme la gynécologie, la pédiatrie ou la psychiatrie et qui finissent par sauter le pas », illustrait le généraliste.
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