Pour les SAMU d’Ile-de-France et la brigade des sapeurs pompiers de Paris (BSPP), les événements apocalyptiques qui ont frappé la capitale dans la nuit de vendredi à samedi étaient anticipés et préparés. Suite aux multiples attaques massives de civils par armes de guerre (à Bombay, Nairobi, à l’université de Garissa au Kenya, à l’école de Peshawar au Pakistan…), les urgentistes se sont formés auprès des médecins du service de santé des armées pour faire face à des attaques multi-site par armes de guerre.
« En 2013, nous avons jeté les bases de l’anesthésie réanimation préhospitalière des victimes civiles, dérivées de la médecine militaire, explique le Pr Pierre Carli, chef du service d’anesthésie-réanimation de Necker, qui dirige le SAMU 75. Nous avions réalisé deux exercices avant Charlie Hebdo et deux autres depuis, dont un le matin même du 13 novembre dans lequel nous simulions sur table la prise en charge de 180 blessés. » Le but de ces exercices : améliorer les techniques de soins et la coordination de ces soins entre eux.
NOVI et AMAVI
Outre le plan blanc, deux plans d’intervention d’urgence ont été appliqués, qui s’inscrivent dans le dispositif ORSAN : plan de secours NOVI (NOmbreuses VIctimes) et le plan AMAVI d’accueil massif de victimes non contaminées. Ces plans ont été modifiés pour coller à la réalité de véritables scènes de guerre.
Un point important développé depuis deux ans : la juste répartition des équipes. « La grosse erreur aurait été d’envoyer toutes les équipes médicales dès les premiers signalements, explique le Pr Carli. Un système permet désormais au SAMU de Paris, aux trois SAMU de la petite couronne et aux quatre SAMU de la grande couronne de se renforcer les uns et les autres. » Même son de cloche du côté de la BSPP : « On n’engage pas tous nos moyens tant que l’on n’a pas tous les éléments, selon le Dr Michel Bignand, médecin en chef adjoint de la BSPP, qui a supervisé les opérations de la nuit du 13 novembre. Le but des terroristes était justement de nous faire engager tous nos moyens au stade de France pour nous surprendre ailleurs. »
Jusqu’à 60&équipes du SAMU et 21 équipes de la BSPP relayées par 100 véhicules de premiers secours et 9 ambulances de réanimation ont opéré en simultané, certaines restant en réserve. « Il fallait aussi continuer à assurer les urgences quotidiennes », complète le Dr Bignand.
Sur place, un directeur des secours médicaux est nommé sur chaque site, parmi les médecins les plus expérimentés de la BSPP, de même qu’un médecin régulateur issu des rangs du SAMU. Afin d’acheminer au plus vite les 300 blessés de la nuit, dont 80 en état d’urgence absolue, aucun poste médical avancé (PMA) n’est installé, sauf au site du Bataclan où les opérations ont été plus longues.
Une situation impressionnante, même pour des militaires
Confrontés à des patients hypothermes avec des troubles de la coagulation, les médecins appliquent les enseignements du service de santé des armées. « Beaucoup de médecins de la BSPP sont des médecins militaires qui ont été déployés avec les troupes d’élite, explique le Dr Bignand, mais nous n’avions jamais vu une situation pareille. » Afin de sauver un maximum de vie, le « damage control » doit maintenir le blessé en vie pendant les 20 minutes nécessaires à son acheminement au bloc. Cela implique l’utilisation de protocoles qui peuvent choquer les praticiens venus proposer leur aide, et qui ne sont pas habitués à la prise en charge de blessures par armes de guerre.
Certains se sont ainsi interrogés sur l’absence de perfusion sur les sites des attaques. « Si vous remplissez le patient, vous ne compensez pas l’hémorragie, vous l’aggravez à cause d’un cercle vicieux qui se met en place entre hypothermie, hypovolémie et troubles de coagulation », explique le Pr Carli. Pour casser ce cercle vicieux, les hommes du SAMU et de la BSPP pratiquent une hémostase externe à l’aide de garrots et de poudres hémostatiques.
« On accepte une hypotension permissive, autour de 7 ou 8, poursuit le Pr Carli. Tant que le patient reste conscient, on peut recourir à un remplissage raisonné pour prévenir le choc hémorragique et l’acidose. On utilise aussi des vasoconstricteurs comme la noradrénaline pour éviter l’hémodilution et l’acide tranexamique pour bloquer les troubles de la coagulation. »
Depuis les attaques de janvier, la BSPP a également revu son équipement. « On a regroupé dans une trousse le matériel nécessaire au damage control : les pansements compressifs et hémostatiques, des aiguilles d’exsufflation, et des garrots tourniquet qui ont fait leurs preuves au combat, détaille le Dr Bignand. Ces outils simples sont efficaces : il y a eu peu de décès parmi les urgences absolues. »
Aux critiques concernant le temps mis par les équipes pour arriver sur place, le Dr Bignand répond que « le quartier a été rapidement bouclé par la police et l’accès peut être difficile, surtout dans les rues les plus étroites ».
À l’assaut du Bataclan
Les médecins de la police ont également progressé depuis Charlie Hebdo, avec l’écriture d’un plan « événement grave ». « Nous avons en particulier travaillé la question du zonage, précise le Pr Denis Safran médecin auprès de la Brigade de recherche et d’intervention, nous avons établi une zone d’exclusion totale où seuls les médecins de police ont accès, une zone intermédiaire où les blessés sont transmis à la BSPP, et une troisième zone, où l’ensemble des secours sont disponibles. » À partir de ce principe général, les urgentistes doivent faire preuve d’une grande adaptabilité en fonction de la cinétique de la crise : si les terroristes se déplacent, les zones se déplacent avec eux.
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