À quelques encablures de la frontière avec la Corrèze, le petit lycée lotois de Saint-Céré offre à ses étudiants une initiative unique en France. Depuis la rentrée 2021, le lycée Jean Lurçat, situé dans cette commune de 3 500 âmes, a mis en place une option « santé ». En première et en terminale, les élèves peuvent suivre 90 heures de cours supplémentaires pour se préparer – avant tout le monde ! – à entamer des études de médecine. Une façon habile de susciter des vocations précoces.
« C’est un pari sur l’avenir ! », sourit Raphaël Daubet, président de la Communauté de communes Causses et Vallée de la Dordogne (Cauvaldor). Pour ce chirurgien-dentiste, « l'initiative part du principe que les enfants du territoire sont plus susceptibles de revenir s’y installer pour exercer la médecine, que ceux qui n’ont jamais mis un seul pied dans le Lot ». L’idée germe début 2021 et « en 9 mois, l’option santé était sur pied, grâce à l’Éducation nationale », se félicite Raphaël Daubet.
Dès la première promo, cinq élèves de terminale ont intégré l’option santé du lycée de moins de 400 étudiants. Trois d’entre eux ont ensuite été admis en PASS à Limoges (parcours d'accès spécifique santé), un autre en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi). En septembre, l'option a pris de l'ampleur, avec 18 élèves inscrits en première et 13 en terminale. « Nous n’avons aucun critère de sélection, seulement l’obligation de prendre des options scientifiques », souligne Raphaël Daubet.
« Pas de notes, ni de devoirs »
Rapidement, l’équipe pédagogique du lycée a été embarquée dans le projet. « Notre professeur de SVT a monté le programme en se renseignant sur les attendus en première année de médecine », se souvient Rémi Poumeyrol, proviseur du lycée Jean Lurçat.
Au programme en première et en terminale : deux à trois heures de cours supplémentaires par semaine avec des enseignements d’anatomie, de biologie cellulaire, d’immunologie, de physiologie ou encore de chimie. Plus « important » encore pour le chef d'établissement, les lycéens suivent des modules de méthodologie, de gestion du stress, de mémorisation ou encore de prise de notes pour bien se préparer à la PASS, « une année difficile car très concurrentielle », souligne Rémi Poumeyrol.
Dans l’option santé, « pas de notes, ni de devoirs », insiste le proviseur, « l'objectif est surtout qu’ils gardent leur motivation ». Mieux, des médecins et des étudiants de la fac de Limoges sont invités à intervenir directement auprès des lycéens. La première promo, parrainée par le patron du Samu de Haute-Garonne, le Pr Vincent Bounes, a même pu passer une demi-journée au sein du Samu 31. « Tous les élèves ont également pu faire un stage de deux ou trois jours au centre hospitalier de Saint-Céré ou de Figeac », se réjouit Rémi Poumeyrol. Une autre façon, pour le chef d’établissement, « de leur montrer qu’ils peuvent s’autoriser les études de médecine, comme n’importe qui ».
Des bourses jusqu'au doctorat
Si le territoire « n’est pas encore un désert médical », selon Raphaël Daubet, le Lot pâtit d’une faible densité médicale avec 171 généralistes installés en libéral dans le département en 2019. À la campagne, « il y a encore un manque d’ambition des jeunes pour la médecine, se désole Raphaël Daubet. La fac de Bordeaux est à deux heures de route, 1 h 30 pour Limoges, faire des études de médecine devient coûteux en termes de transport et de logement ». Face à ces inégalités territoriales, « les très bons élèves préfèrent souvent s’orienter vers l’école d’infirmier à Brive », illustre-t-il.
Le pari de la Communauté de communes ne s’arrête pas au lycée, au contraire. Cauvaldor souhaite accompagner les étudiants en médecine « jusqu'au doctorat », en leur accordant des aides financières. Ainsi, un étudiant du territoire qui intégrerait une PASS reçoit 800 euros par an, « sans aucune contrepartie, c’est un coup de pouce pour susciter l’envie de faire médecine », indique Raphaël Daubet. Puis, de la 2e à la 6e année de médecine, la collectivité propose une bourse de 200 à 300 euros par mois « avec simplement l’obligation pour l’étudiant de faire un stage d’externat sur notre territoire », fait savoir l’élu. Enfin, les internes peuvent prétendre à une aide de 5 000 euros par an, à condition de faire des remplacements dans le territoire ou de s’y installer pendant six ans. Une vingtaine d'étudiants de tout cycle en ont déjà profité.
Un an après sa mise en place, l’initiative du Lot a fait des émules. Raphaël Daubet affirme être « appelé par beaucoup de communes en France » qui souhaitent s’inspirer de l'option santé de Saint-Céré.
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