Une quarantaine de personnes - parents, étudiants et avocats - étaient réunies ce mardi 19 avril matin, au tribunal administratif de Paris pour assister à l’audience. A l'issue de près d'un an de combat, ils sont 13 étudiants de l’Université de Paris à se battre toujours pour être acceptés en 2e année de médecine. Après une épreuve orale jugée injuste, tous avaient dégringolé de plusieurs centaines de places dans le classement, une chute les empêchant de facto de poursuivre en médecine.
Après un recours au tribunal administratif – rejeté cet été –, une grève de la faim à l’automne, et une première victoire au Conseil d’État qui a rebattu les cartes, les étudiants parisiens demandent désormais au tribunal d’annuler purement et simplement la décision de l’Université de ne pas les admettre en médecine. « Le Conseil d’État a mis la pression pour que ça aille vite », confie, au premier rang, l’un des jeunes lésés.
En juillet dernier, après 20 minutes d’oral, l’étudiant - pourtant admis en médecine à l’issue de l’écrit -, avait perdu une centaine de places au classement. Avec des questions sur les montres connectées ou le financement de l’Assurance-maladie, les jeunes – regroupés à l’été au sein du Collectif Pass UP – jugeaient l’épreuve orale arbitraire et mal préparée. « J’ai perdu 450 places suite à l’oral, j’ai vu mon rêve s’envoler », se désolait au « Quotidien » Juliette.
Manque de préparation
« Tous sont des étudiants qui ont brillamment réussi aux épreuves écrites », a souligné devant les juges, Me Marc Bellanger, avocat des 13 requérants, évoquant une « génération sacrifiée » et une « réforme mise en œuvre n’importe comment par l’Université de Paris ». Par exemple, alors que les textes imposaient aux facultés la mise en place d'une préparation obligatoire aux épreuves orales, « elle n’a pas fait son travail », a taclé l’avocat.
Un webinaire et des documents méthodologiques ont été mis à disposition des étudiants quelques semaines avant oral. « Inadmissible », pour l’avocat parisien, d’autant plus que certains membres du jury auraient été prévenus la veille.
« Être poli » et « dire bonjour »
Les critères de notation sont aussi dans le collimateur du collectif étudiant car, durant l'examen, les examinateurs parisiens n’avaient le choix qu’entre quatre notes : 1,7,14 et 20/20. « C’est contraire à la souveraineté du jury, d’autant plus que les classements en médecine se jouent au millième près », a rappelé Me Bellanger.
Après cinq à dix minutes de présentation, l’étudiant était notamment jugé - selon les grilles de notation énumérées à l'audience -, sur des critères qui ont de quoi interpeller : « être poli », « dire bonjour », « éviter les silences », « respecter les codes vestimentaires du contexte » … « C’est tellement débile », souffle l’avocat. Mieux, certains commentaires rédigés par les membres du jury à l’issue de l’examen mentionnaient « les tenues vestimentaires, le port du foulard, des « petites lunettes », des « collants blancs » ou encore des « cheveux bouclés » », a détaillé Me Bellanger à l'audience.
« À aucun moment l’étudiant n’est jugé sur le fond »
Après quelques dizaines de minutes, l’audience se fait aussi le procès de la réforme de la PACES, marquée en 2021 par de nombreux couacs partout en France. Alors que la loi prévoyait que l’oral permette de vérifier si le candidat « dispose des compétences nécessaires pour accéder aux formations de médecine », certains étudiants étaient interrogés sur des domaines parfois très éloignés de la santé, du racisme à la grande barrière de corail. « Si on n’est pas là pour évaluer les connaissances, on est là pour évaluer quoi ? », s'est demandé Me Bellanger. « Vaut-il mieux être brillant au sujet de la polémique sur la chocolaterie du « Nègre joyeux » que sur les compétences pour devenir médecin ? », a poursuivi l’avocat, jugeant cet examen « incohérent ».
« Lorsque l’épreuve peut porter sur n’importe quoi, c’est l’épreuve elle-même qui est n’importe quoi… Et si la formation des médecins de cette génération porte sur n’importe quoi, alors c’est grave », a encore lancé l’avocat, selon qui l’oral a pesé, à Paris, pour 72 % de la note finale, contre 15 à 30 % dans les autres facultés.
« À aucun moment l’étudiant n’est jugé sur le fond et c’est pour ça qu’il y a pu avoir des domaines en dehors de la santé », s'est défendue en guise de réponse l’avocate de l’Université de Paris, qui évoque plutôt « un souci de compréhension » de la part des étudiants. Le rapporteur public, chargé de donner son avis sur l’affaire, a, pour sa part, rejeté point par point tous les arguments des étudiants - de la composition au jury à la préparation des épreuves - jugeant, comme la défense, que « le jury est souverain et seul compétent à dire si le candidat est admissible ».
Garder espoir
14 heures d’examens écrits, 158 heures de cours magistraux : « ces jeunes, courageux, bosseurs, ont travaillé jour et nuit pour être bien classés, alors que l’épreuve orale ne sanctionne aucune des connaissances acquises au cours de l’année. En 30 ans de carrière, je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi absurde », a conclu Me Bellanger.
À la sortie de l’audience, les dizaines d’étudiants regroupés dans la cour du tribunal parisien gardent espoir. Recalés il y a dix mois, certains poursuivent en pharmacie, d’autres en licence (L.AS 2), avec l’espérance d’être réintégrés ou de retenter leur chance en médecine à l’issue de la deuxième année, sans pour autant connaître dans le détail le nombre de places que l’Université de Paris leur accordera.
L’affaire a été mise en délibéré, le jugement sera rendu dans trois semaines.
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