« Emmanuel Macron nous promettait la fin de la boucherie en PACES, désormais la réforme a créé un abattoir à étudiants ». Deux après la réforme de l’accès aux études de santé, Emmanuel D’Astorg ne décolère pas. Père d’une étudiante en deuxième année de médecine à Rouen et président du collectif PASS/L.AS, il dénonce une nouvelle mouture « injuste » et « mensongère ».
À la rentrée 2020, la réforme a enterré la PACES au profit de deux nouvelles filières d’accès : le PASS (parcours d'accès spécifique santé) et les L.AS (licences accès santé). La première voie propose un parcours majoritairement axé sur la santé, avec une matière « mineure » au choix. La seconde est une licence classique – droit, maths, philo ou physique par exemple – à laquelle s’ajoutent des modules santé. « Beaucoup trop compliqué », fulmine Emmanuel D’Astorg, qui déplore ce « double cursus, boulet que traînent les jeunes ». « Imagine-t-on dire à un étudiant qui souhaite faire du droit qu’il doit aussi suivre des cours de médecine ? », tacle-t-il. Résultat : pour espérer obtenir le sésame, « les étudiants doivent être bons en tout, ce qui entraîne une énorme surcharge de travail ».
Échecs en série
À ce jour, les résultats d'admission sont loin d’être au rendez-vous en L.AS. Alors que la réforme initiale imaginait de réserver un nombre de places équivalent pour accéder en deuxième année, seules 27 % ont été prises par des étudiants de licence pour 2021, selon un rapport du Sénat de mars 2022. « Comme il n’y a pas eu assez d’étudiants reçus en L.AS, la réforme a été adaptée pour permettre aux facultés de prendre 70 % de PASS et 30 % de L.AS, mais même avec cette dérogation, certaines universités n’arrivaient pas à trouver un nombre correct d’étudiants venant de L.AS », relève le Pr Didier Samuel, président de la Conférence des doyens de médecine.
À Montpellier ou à l’Université de Bourgogne, le ratio d’admis dans les filières sélectives MMOP (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie) est même de l’ordre de 90 % de PASS et 10 % de L.AS. Responsable pédagogique PASS/L.AS à la fac de Dijon, le Pr Jean-Louis Alberini constate effectivement un échec « nettement plus important des L.AS ». Une différence qui s’expliquerait par le tri des néobacheliers. « Parcoursup sélectionne tout de même les meilleurs lycéens pour leur accorder plutôt une place en PASS », constate-t-il.
Abandons
En 2021, sur les quelque 11 000 étudiants qui ont validé leur année mais n’ont pas été reçus en MMOP, seule la moitié a décidé d’intégrer une deuxième année de licence (L.AS 2) – toutes filières confondues. Si une petite partie (1 450) a embrassé des études de kiné, 4 400 ont disparu des radars. Un taux d’abandon, couplé à des départs à l’étranger en Belgique ou en Espagne, qui jette le trouble. En Bourgogne, le rapport du Sénat pointait un taux de défection des L.AS 1 en cours d’année de 68 %. « Il est encore trop précoce pour évaluer le taux d’abandon définitif », tempère le Pr Samuel.
Alors que la réforme insistait sur la « seconde chance » offerte à tous les étudiants recalés, force est de constater que certains ont décidé de ne pas la saisir, avec de grandes disparités. « Chez nous, les L.AS 2 ont fait difficilement le plein », témoigne Jean-Louis Alberini. « Certains interlocuteurs n’hésitent pas à parler d’hécatombe », indiquait le rapport du Sénat. À Saint-Étienne, seuls six étudiants ont intégré une L.AS 2. Deux seulement à la fac de pharmacie de Montpellier.
Remise à niveau
Et pour les étudiants de licence les plus valeureux qui arrivent à intégrer médecine, le parcours du combattant est loin d’être fini. « Ils se retrouvent dans des promotions très hétérogènes, avec des PASS, mais aussi en 2021, des anciens PACES », témoigne Sonia de la Provôté, sénatrice du Calvados, auteure du rapport sénatorial. « Il y a eu énormément d’abandons en P2, des redoublements, ces jeunes étaient perdus », abonde Emmanuel D’Astorg. Le fait que les jeunes n'ait suivi qu’un tiers du programme santé en L.AS 1 semble fragiliser leur adaptation.
Un constat qui dépend, là encore, des universités. Si à Lyon, Clermont-Ferrand, Reims ou Toulouse, les étudiants ex-L.AS 1 avaient beaucoup plus de difficultés à suivre, « à l’inverse, d’autres universités ont indiqué qu'ils faisaient partie des meilleurs éléments, comme à l’Université de Paris », indique Sonia de la Provôté. L'élue recommande « un accompagnement systématique de ces étudiants ». Le Pr Didier Samuel confirme qu'« il va falloir que les facultés mettent en place des tutorats et des aides spécialisées pour ces étudiants », par exemple des modules de remises à niveau pour les L.AS « avec des capsules vidéo partagées au niveau national ».
Diversification, vraiment ?
Quant à la diversification des profils promise (moins de matheux mention TB, davantage de littéraires) « nous n’avons aucune donnée sur le sujet », déplore Sonia de la Provôté. In fine, « la PASS est presque l’équivalente de la PACES, elle est toujours décrite comme la voie royale », résume la sénatrice. À Dijon, le Pr Alberini constate que les profils scientifiques restent légion. « Nous ne sommes pas arrivés à maturité de la réforme, il y a beaucoup de travail à faire, notamment pour fluidifier les parcours », concède le Pr Samuel. Un comité de pilotage de la réforme a été mis en place au niveau national. « À terme, il faut que l’on arrive à une équité entre les parcours, en adaptant le programme des L.AS qui, avec la mineure santé, est déjà chargé », imagine le doyen.
Faudra-t-il pour autant revenir à une voie unique d’accès ? Déjà, certaines facs ont fait le choix de ne proposer que cette filière, comme à Strasbourg ou à Caen. Une piste que n’écarte pas totalement la ministre de l’Enseignement supérieur. « Nous allons évaluer les différences entre les établissements qui proposent à la fois une PASS et une L.AS, et les quelques universités qui ont, dès le départ, choisi de tout basculer en L.AS », a concédé Sylvie Retailleau, mi-septembre, précisant qu’elle ne « reviendrait pas sur la réforme ». Mais elle promet la réalisation d’un bilan qui devrait déboucher sur de nouvelles adaptations.
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