« Tu te mets au-dessus de la personne, tu appuies de tout ton poids. Allez n'aie pas peur. »
Enseigner les rudiments du massage cardiaque à un parterre de jeunes enfants requiert de la pédagogie de la part des formateurs de la Sécurité Civile. Des initiatives comme « les samedis qui sauvent », où se déroule cette scène, constituent un moment privilégié pour faire entrer les gestes qui sauvent dans la culture des jeunes Français, et rattraper le retard sur les pays nordiques*.
Au lendemain des attentats de 2015 un nouveau référentiel a été mis en place afin de définir un programme de formation de deux heures aux gestes qui sauvent à destination du grand public comprenant plusieurs modules. Le premier se concentre sur la mise en sécurité du témoin et l'alerte des services d'urgence. Le deuxième explique comment arrêter une hémorragie externe. Le troisième est consacré à la mise en position latérale de sécurité et le dernier à la réanimation cardiopulmonaire.
« On leur apprend à utiliser leur cravate, leur ceinture, ou même leur t-shirt roulé en boule pour bloquer une plaie par balle au thorax ou à l'abdomen », complète le général Boutinaud, qui dirige la brigade des sapeurs pompiers de paris (BSPP). La réanimation cardiopulmonaire combine contrôle du pouls et de la respiration, et le massage cardiaque avec utilisation d'un défibrillateur cardiaque externe si disponible. Ce dernier est désormais, sans mauvais jeux de mots, au cœur des formations. « L'utilisation de ces appareils est très simple, mais il faut passer outre l'appréhension du grand public, qui craigne de tuer la victime avec un choc électrique », précise le Dr Bruno Thomas-Lamotte, président de l’association ARLoD qui milite pour le recensement et l'amélioration de l’accès et de la maintenance des défibrillateurs. Les formateurs insistent donc sur l'aspect totalement automatique des appareils qui analysent le rythme du patient et appliquent un courant électrique seulement en cas de fibrillation ventriculaire, non sans avoir prévenu le secouriste d'arrêter le massage cardiaque. Les insufflations ne figurent dans le référentiel des gestes qui sauvent, et sont réservés aux personnes qui suivent une formation complète de 8 heures.
Cette nouvelle façon « light » d'enseigner a été le sujet de la conférence inaugurale du salon Secours Expo dédié au secours, aux soins d’urgence et à la prévention. Les experts rassemblés y ont constaté des difficultés d'accès aux formations de premier secours. Malgré les chiffres rassurants du ministère de l’intérieur (plus de 102 000 personnes formées en 2016), les Français restent réticents. Selon un sondage IFOP réalisé pour le compte de la Croix Rouge, 70 % d'entre eux estiment avoir besoin d'une formation mais seulement 22 % envisagent d'en suivre une prochainement.
« Démystifier » les premiers secours
Pour les urgentistes comme le Dr Patrick Pelloux, de l'hôpital Necker-Enfant Malade (AP-HP) un public sachant quoi faire face à un arrêt cardiaque, une brûlure ou même une plaie hémorragique est pourtant un atout précieux. « Au bout de 3 à 4 minutes sans massage, un malaise cardiaque a très peu de chance d'être récupéré, rappelle-t-il, de même, une hémorragie cataclysmique des membres sans garrot est une perte de chance évidente. »
Depuis 2004, la loi de modernisation de la protection civile place le citoyen au cœur de sa propre sécurité. « Force est de constater que tous les objectifs ne sont pas atteints, » regrette Philippe Testa, responsable du département secourisme de la Croix Rouge. Les attentats de 2015 ont pourtant occasionné une véritable prise de conscience, allant jusqu’à l’attribution du label « grande cause nationale » pour l’année 2016 au collectif d’associations « Adoptons les comportements qui sauvent » constitué autour de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSP), la Croix-Rouge française et la Fédération Nationale de Protection Civile (FNPC).
Cette motivation est-elle toujours présente ? « L'engouement est resté, lors des samedis qui sauvent nous avons formé près de 4 000 personnes rien qu'à Paris » déclare, enthousiaste, le Pr Jean-Pierre Tourtier, médecin chef de la BSPP. Le général Philippe Boutinaud est moins optimiste : « je ne sais pas si la BSPP est appelée à continuer ces séances, explique-t-il. Nous avons déjà arrêté de les programmer en été : les gens s’inscrivaient et ne venaient pas pour profiter du beau temps. »
Assouplissement en vue
La généralisation des gestes qui sauvent bute sur le manque de formateurs. Le capitaine Laurent Leclecq, de la direction générale de la sécurité civile de la gestion des crises, direction des sapeurs pompiers, achève en ce moment l'écriture d'un décret fournissant un cadre juridique pour ces formations. « Nous allons libérer la formation, se réjouit-il, il sera possible d'enseigner les gestes qui sauvent après 8 heures de formation PSC1 suivies depuis moins de 3 ans. On ne sera plus bloqué par la nécessité d'avoir un formateur PSC1 ayant lui même suivi 50 heures de formation. » Un autre arrêté est également en cours de signature, pour permettre aux personnes à mobilité réduite d'accéder au PSC1, afin de guider les gestes d'une personne valides non formée.
Pour Christophe Talmet, la bataille se jouera surtout dans les cours d'école. « Rendre obligatoire c'est bien, mais faire entrer dans les consciences c'est mieux, estime-t-il, le décret du 11 janvier 2006 demande une sensibilisation de tous les élèves de 3e et une formation au premier secours pour la moitié d'entre eux, mais cela n'est toujours pas mis en application. »
S'il reconnaît l'existence de freins financiers, humains et matériels, le capitaine Leclercq voit la situation se débloquer prochainement « le nouveau décret va permettre à des à n'importe quel professeur formé au PSC1 de former les élèves. De plus, une circulaire de septembre dernier qui pose les objectifs : 100 % des troisièmes formés aux gestes qui sauvent et 50 % formés au PSC1 », précise-t-il.
Selon une note du Centre d’analyse stratégique, 95 % des Norvégiens et 80 % des Autrichiens sont formés aux premiers secours.
« Pour la coupe du monde, un ami a proposé quatre fois le prix » : le petit business de la revente de gardes
Temps de travail des internes : le gouvernement rappelle à l’ordre les CHU
Les doyens veulent créer un « service médical à la Nation » pour les jeunes médecins, les juniors tiquent
Banderole sexiste à l'université de Tours : ouverture d'une enquête pénale