L'ancien Premier ministre assume : candidat à la primaire à gauche, il juge nécessaire de repenser les règles d'installation, veut supprimer le numerus clausus et en finir avec les dépassements d'honoraires. Il défend la généralisation du tiers payant, jugée indispensable !
LE QUOTIDIEN : Premier ministre, vous avez toujours défendu la liberté d’installation. Pourquoi voulez-vous aujourd’hui la limiter ?
MANUEL VALLS : J’ai toujours voulu travailler étroitement avec les professionnels. Je sais le rôle que jouent les médecins, les difficultés quotidiennes de leur métier. Mon gouvernement a agi inlassablement pour faire reculer les déserts médicaux et pour inciter les jeunes médecins à s’installer dans des territoires qui en manquent, en déployant 1 200 maisons de santé pluridisciplinaires en 2017, en versant des bourses à près de 1 500 jeunes médecins, et en relevant le numerus clausus dans 10 régions fin 2015. Les premiers résultats sont déjà là.
Mais je n’hésiterai pas à aller plus loin, avec un dispositif volontariste pour que les médecins soient mieux répartis sur le territoire. Cela se fera en concertation. Il faut mener cette réflexion sur les règles d'installation, sur la gestion de la vie professionnelle, inciter les jeunes en début de carrière, les médecins en fin de carrière à aller plus dans ces territoires.
Pourquoi souhaitez-vous supprimer le numerus clausus ?
Nous avons déjà augmenté significativement le numerus clausus. Il faut aujourd’hui aller plus loin en le supprimant, tout simplement parce qu’il y a besoin de plus de médecins dans les territoires où des gens attendent que leur état s’aggrave avant d’aller à l’hôpital, ou bien patientent des mois avant de rencontrer un spécialiste ! Chaque région sera libre de fixer le nombre de médecins dont elle aura besoin, tout en gardant bien sûr une même qualité et une même exigence de formation. Les solutions seront construites en lien avec les professionnels ainsi qu’avec les universités dispensant les formations médicales.
Vous voulez en finir avec les dépassements d’honoraires dans le cadre du secteur II. Pourquoi ? Faut-il dès lors augmenter les tarifs opposables ?
Ce quinquennat a déjà permis d’encadrer les dépassements d’honoraires : les assurés aux revenus modestes ont la garantie d’accéder à des consultations aux tarifs remboursés par la Sécurité sociale, et de nombreux médecins se sont engagés dans le cadre des contrats d’accès aux soins.
Il faut aller plus loin, en finir avec les dépassements d’honoraires en secteur II conventionné, en proposant une convergence progressive vers un tarif unique et opposable. Et je ne pense pas qu’il faille augmenter les tarifs pratiqués sans contrepartie.
Je l’assume : les soins de santé doivent être accessibles à tous. C’est dans cette logique que je veux définir un ensemble de soins de ville qui sera remboursé à 100 %, c’est-à-dire sans ticket modérateur – ce qui veut dire par ailleurs moins de charges administratives pour les médecins et paramédicaux. Il faut renforcer et faciliter l’accès aux soins primaires, limiter au maximum le réflexe du « tout hôpital », permettre à l’hôpital de redevenir une structure de recours pour les cas les plus complexes.
Les médecins restent farouchement hostiles au tiers payant généralisé obligatoire. Pourquoi son extension est-elle à vos yeux nécessaire ?
La généralisation du tiers payant chez le médecin est indispensable pour renforcer l’accès aux soins de tous les Français, alors qu’un tiers d’entre eux renoncent à se soigner faute de pouvoir avancer les frais de la consultation. C’est contraire au principe qui est au cœur même de notre système de santé : chaque patient doit pouvoir bénéficier des soins dont il a besoin, quelle que soit sa situation.
Il faut cela pour que les médecins puissent détecter, soigner certaines pathologies au plus tôt, éviter des complications aux patients qui sont aussi plus coûteuses pour notre système de santé. C’est dans ce même esprit que je veux doubler le budget de la prévention : il est aujourd’hui insuffisant au regard des économies qu’il génère à long terme. C’est le cas, en particulier, face aux risques liés à l’environnement. Je souhaite faire de la santé environnementale une grande cause nationale et déployer les moyens nécessaires à une grande politique de santé publique.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que votre programme est « anti-médecins » ?
Au contraire ! Je veux travailler avec eux pour faire évoluer notre système de santé. Pendant que j’étais Premier ministre, et depuis, j’ai rencontré et entendu beaucoup de professionnels de santé.
Que me disent-ils ? Qu’ils souhaitent être davantage impliqués dans l’organisation de l’offre de soins sur le territoire. Qu’ils veulent plus d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Qu’ils aspirent à être mieux préparés à faire face à l’évolution des besoins. Les étudiants veulent pouvoir construire progressivement leur orientation. Ils n’entendent pas être assignés trop précocement à tel ou tel statut, territoire ou spécialité.
Dans tous les secteurs, les carrières évoluent, chacun aspire à plus de mobilité, à des parcours plus diversifiés. Les jeunes médecins ne font pas exception ! Voilà les chantiers qui sont devant nous. Les politiques que je veux continuer à mener, notamment pour permettre aux professionnels de se regrouper, de travailler ensemble au sein de maisons de santé pluridisciplinaires, vont, je crois, dans le bon sens. Il faudra aller plus loin pour répondre à leurs attentes comme aux besoins des Français.
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