LE QUOTIDIEN : Malgré la loi de 1998 contre le bizutage, les facultés perpétuent la tradition des week-ends d'intégration qui donnent parfois lieu à des dérapages. Quelle est la tendance ?
MARIE-FRANCE HENRY : Les faits de bizutage sont à la baisse parce qu'il y a un changement progressif de mentalités, également et surtout du côté des parents. Le point positif est que nous assistons à une libération de la parole.
Le nombre de plaintes, lui, est à la hausse. Néanmoins, ces plaintes sont souvent classées sans suite, faute de preuves matérielles qui ne sont pas faciles à obtenir parce que la démarche reste très difficile pour l'étudiant. Il faut donner des noms, des adresses, etc.
Quel est votre rôle auprès des jeunes ?
Nous ne sommes ni psychologues, ni juristes ! Nous faisons de la prévention auprès des établissements pour leur faire prendre conscience que certains faits relèvent du bizutage. Ces actes sont le plus souvent révélés par les parents, des proches ou par l'étudiant lui-même. Notre rôle est d'abord d'écouter les victimes puis nous les conseillons. Nous adressons également les témoignages collectés aux ministères concernés, qui eux-mêmes interviennent auprès des recteurs et mènent des enquêtes.
Le CNCB contacte les chefs d'établissements pour mieux comprendre la situation. Nous proposons également aux personnes souhaitant porter plainte des avocats sensibilisés à ces questions. Enfin, nous pouvons être partie civile dans des cas graves de bizutage.
Avec le « folklore carabin », les études de médecine sont-elles plus à risques que les autres cursus ?
15 cas de bizutage – dont nous avons connaissance – ont été signalés ces six dernières années en médecine. Il n'y a pas vraiment de cursus plus concerné que les autres.
Le comité national contre le bizutage n'est pas opposé par principe aux week-ends d'intégration. En revanche, de quoi parle-t-on quand on évoque les rites d'initiation et le folklore carabin ? Le fait de manger de la pâté pour chien ou de photocopier la poitrine à la corpo sont-ils des traditions ? Des rites d'initiation ? Non, ce sont des actes humiliants et dégradants. Ils sont acceptés par les nouveaux par peur de ne pas être intégrés dans leur promotion ; mais ça ne valorise personne. Le bizutage oppose un groupe d'étudiants à un autre, souvent un groupe d'anciens aux nouveaux. Ils leur font signifier qu'ils ne sont "rien" et qu'ils doivent se plier à des règles comme dans une relation de domination.
À quoi s'exposent les jeunes qui dérapent ?
D'abord, il faut des vraies sanctions universitaires. Le bizutage doit figurer explicitement dans le règlement de l'établissement avec les sanctions prévues. Les établissements les décident lors de conseils de discipline, allant jusqu'à l'exclusion définitive, mais trop souvent ces sanctions ne sont pas assez fortes.
Nombre d'établissements ont pris leur responsabilité mais les mesures sont insuffisantes. Ils font de la prévention, font signer des chartes de bonne conduite. Les établissements ont pensé que cela suffirait mais le résultat c'est qu'il y a toujours des faits de bizutage. Or, le bizutage est un délit passible selon la loi de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende ! Mais là encore, ce n'est jamais mis en œuvre.
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