LE QUOTIDIEN : La grande conférence de la santé a rassemblé 400 personnes autour de la formation. Une réforme des études de santé s'impose-t-elle ? Nos médecins sont-ils mal formés ?
Pr JEAN-LUC DUBOIS-RANDÉ : Nous ne sommes pas en "faillite", nous formons de très bons médecins. Notre système inclut vite les étudiants dans un parcours hospitalier, délivre une formation théorique de qualité, malgré quelques bémols et notre internat est costaud. Mais notre système de formation n’est plus adapté au monde d’aujourd’hui. Il doit s’ouvrir, se décloisonner.
La modulation régionale du numerus clausus annoncée par le Premier ministre est-elle pertinente ?
À l’entrée des études, 60 % des étudiants ne passeront pas la deuxième année de PACES et toutes les facultés ne proposent pas forcément de passerelles sortantes. Ce n’est plus possible. Il faut combattre l’échec du numerus clausus. Nous avons créé un outil dont la performance est quasi-nulle : il ne régule ni le nombre, ni la répartition des médecins sur le territoire. Il faut supprimer le numerus clausus. Que changera une modulation régionale ? Les médecins ne s’installeront pas dans des régions où il n’y a plus de dynamisme, il faut rendre les territoires plus attractifs.
Comment limiter le gachis humain des études de santé ?
Les étudiants doivent entrer dans une UFR de santé et plus seulement en médecine. Il faut un brassage de métiers. Nous devons créer une mécanique d'intégration des étudiants dans un parcours Licence-Master-Doctorat (LMD), dans lequel, la première année aux études de santé est moins spécialisée et mène à plusieurs débouchés. L’idée est de construire un parcours plus fluide, favorisant la transversalité et la diversité des profils par des passerelles entrantes. Des expérimentations de PACES sont en cours (voir ci-dessous) qui permettent à des étudiants provenant d’autres filières d'accéder aux études de santé après avoir validé des acquis. Il faut aussi remettre une certaine forme d'équité dans nos cursus. Des ingénieurs peuvent démarrer des études de médecine mais pas les paramédicaux, il n'y a pas de raisons.
Pourquoi est-il important de diversifier les profils des médecins ?
Les parcours ne sont plus les mêmes. Les étudiants sont demandeurs de « cursus personnalisés » offrant une double compétence. Aujourd'hui, on formate les étudiants. Nous avons un moule de recrutement qui ne laisse pas de place à la créativité et ne permet pas de répondre à la diversité des métiers de la santé. Nous n’avons pas de médecins spécialisés en innovation par exemple.
Huit internes qui ont suivi le début de leur cursus en Union européenne, ont été jugés incompétents et ont été suspendus en Ile-de-France. Faut-il revoir l'attribution des postes d'internat aux ECN ?
Ces étudiants étrangers et français ayant effectué leurs études à l’étranger avaient de bonnes connaissances théoriques mais n'avaient pas réalisé assez de stages, ils n'étaient pas au niveau des autres étudiants. Il a fallu leur faire suivre des stages de remise à niveau. Pour éviter cela, nous souhaitons un système de pré-admissibilité aux épreuves classantes nationales organisée dans toutes les facultés et non une note éliminatoire qui n’aurait pas de sens. Certains étudiants suivent le début de leur cursus en Roumanie et passent les ECN en France. Ils échappent, à la fin du second cycle, au certificat de synthèse clinique et thérapeutique (CSCT) et au certificat de compétences cliniques, passage obligatoire pour tous les étudiants nationaux. Tous les futurs internes doivent être logés à la même enseigne et passer ces examens pour valider leur second cycle.
Manuel Valls s'est prononcé pour une recertification périodique des médecins. Y êtes-vous favorable ?Oui c'est une très bonne idée. Au bout de 5 à 10 ans, on peut recycler une partie des connaissances des médecins. Il est donc nécessaire de faire de la formation continue (DPC). Nous souhaitons un partenariat entre l'Ordre, l'université et les autres acteurs du DPC pour mettre en place un dispositif intéressant pour assurer une continuité du processus d'évaluation des compétences de la formation initiale à la retraite. Profitons de la réforme en cours du troisième cycle pour mettre en place cette formation tout au long de la vie. C'est une opportunité intéressante et unique.
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