L’origine de la polémique sur les touchers pelviens sans consentement remonte au printemps, avec le tweet d’un étudiant en médecine de l’université Lyon Sud, relayé par des témoignages de futurs médecins, sous-entendant que « plusieurs étudiants s’entraînaient à la chaîne sur une même patiente inconsciente ».
Le tableau effraie. Et il faut raisonnablement souligner que le bloc opératoire est un lieu ultra-protégé où un seul étudiant est admis par opération : on est loin de la cohorte de jeunes blouses blanches s’exerçant sans désemparer sur une pauvre victime sans défense.
Cependant, une enquête remise récemment par la Conférence des doyens des facultés de médecine, révèle que 67 % des examens pelviens et rectaux sont pratiqués avec le consentement du patient sous anesthésie générale. Il est donc légitime de s’interroger sur les 33 % restant et de rappeler aux enseignants leurs obligations légales notamment en matière de droits des patients.
D’où la décision de la ministre de lancer une mission d’inspection au sein des établissements de santé et d’insister sur le bien-fondé de l’apprentissage par simulation. La majorité des facultés de médecine sont déjà équipées de tels centres, l’objectif étant pour Marisol Touraine d’équiper tous les CHU d’ici à 2017 d’un centre de simulation de santé.
Une « révolution »
À Ilumens, crée en 2013 avec le soutien de l’université Paris-Descartes, on est convaincu de la nécessité de ce nouvel outil. Pour le Pr Antoine Tesnières, l’un des créateurs de ce laboratoire, c’est « une révolution conceptuelle, pédagogique » qui répond à une formation large, un travail en équipe indispensable au bon déroulement des soins.
Jeudi matin, il y a une semaine : une séance de gynécologie obstétrique et médicale est organisée. Le Dr Marie-Charlotte Lamau, chef de clinique en gynécologie obstétrique à Port Royal provoque quinze fois de suite la naissance d’un même bébé du même ventre d’une même maman ! Comprendre comment le bébé est placé, comment il se présente, surveiller la dilatation du col de la mère : les cinq étudiants, tous en cinquième année et actuellement en stage au service gynécologie de Port Royal, vont tour à tour s’entraîner sur des cas de figure imaginés par le Dr Lamau, à chaque fois différents. Tout se passe dans le calme, les gestes sont recommencés s’ils manquent d’assurance et les étudiants sont sereins. Ici, pas de consentement préalable requis : les mannequins, ou plus exactement les bassins, vagins, utérus sollicités pour l’exercice, bien que d’un réalisme impressionnant, n’ont pas la parole.
Répéter le geste, sans essuyer de refus
Grégoire, seul étudiant masculin ce matin-là, a du mal à croire aux abus dont il est question ces jours-ci. « Rien ne peut être fait sans l’accord de la personne hospitalisé, qu’elle soit consciente ou non. En tant qu’étudiant garçon, je suis bien placé pour le savoir, car il est malheureusement fréquent qu’une patiente refuse ma présence et encore plus un examen de ma part en salle de travail. » Il sait que les années passant, sa responsabilité et son autonomie soulèveront cet obstacle, mais il apprécie pour l’instant l’idée de pouvoir perfectionner ses gestes sans essuyer de refus.
« Prévenez la patiente de ce que vous allez lui faire, expliquez, détaillez toujours vos gestes pendant l’acte » : le Dr Justine Hugon-Rodin, chef de clinique en gynécologie médicale à Port Royal, insiste beaucoup sur ce point auprès des étudiants chargés d’effectuer un frottis sur les mannequins. Clarisse, Lucile et Shanon sont réellement concentrées et trouvent petit à petit les mots pour commenter leurs gestes. « On se sent vraiment en situation réelle, observe Lucile, cela nous met en confiance pour les examens que nous aurons à faire dans la vraie vie. »
L’apprentissage par simulation apparaît donc comme une solution à quelques-uns des problèmes actuels de la médecine : beaucoup d’étudiants et pas assez d’enseignants, des erreurs médicales encore trop nombreuses et fort onéreuses et enfin, un moyen de parer à une image des médecins ternie par des polémiques pas toujours fondées.
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