Dans une salle pleine à craquer, étudiants, internes et enseignants se sont expliqués à Lille ce jeudi après-midi, premier jour du congrès de Collège national des généralistes enseignants (CNGE), autour de la controversée quatrième année d’internat en médecine générale. « Beau projet » ou « remplacement déguisé » ? La profession est clairement apparue divisée : les jeunes d’un côté craignant d’être livrés sans encadrement dans les zones sous-denses, les enseignants de l’autre, voyant dans cette année de formation supplémentaire l’occasion de professionnaliser davantage la jeune spécialité.
Mobilisés depuis octobre contre l’allongement de l’internat - concrétisé par les pouvoirs publics dans le projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 - les internes ont rappelé leurs points de désaccords. « C’est une mesure précipitée, sans concertation avec les étudiants », a lancé Sarah Daubresse, vice-présidente chargée des études médicales à l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). « Cette 4e année s’inscrit dans une tendance globale à demander aux jeunes de palier les déserts médicaux ! », a également taclé Raphaël Presneau, président de l’Intersyndicale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG).
Pas de projet pédagogique
Dans une intervention saluée par des applaudissements nourris, l’interne de médecine générale nantais a fustigé le projet gouvernemental, qui n’aurait, selon lui, aucune visée pédagogique. Preuve en est, « depuis 2017, la 4e année est repoussée tous les ans », illustre-t-il. Alors que le budget de la Sécu a été « entériné au terme d’un procédé législatif inacceptable », Raphaël Presneau craint une « année de remplacement déguisé » pour les futurs généralistes.
« Les hôpitaux voient ces 4 000 nouveaux docteurs juniors avec gourmandise pour faire tourner les services », souffle-t-il, rappelant les « conditions de travail effroyables » de certains internes.
Un MSU à moins de 30 minutes ?
Alors que cette année supplémentaire de formation nécessiterait a minima 2 000 maîtres de stages (MSU) supplémentaires, « notre crainte la plus forte c’est le manque d’encadrement », rappelle Sarah Daubresse. Appréhension d’autant plus prégnante que, dans certaines régions, les stages ambulatoires peinent déjà à se développer. « À Amiens, il n’y a pas aujourd’hui, la possibilité de faire des Saspas de six mois », indique Raphaël Presneau.
Sur ce point, enseignants et étudiants se rejoignent sur la nécessité d’augmenter les capacités de formation et les crédits qui vont avec. Favorable à cette 10e année d’étude, le Pr Didier Samuel concède qu’il « faudra renforcer les départements universitaires de médecine générale ». Mais le président de la conférence des doyens a aussi réaffirmé l’importance de « transformer l’interne en médecin autonome », via cette année supplémentaire.
Généraliste et membre du secteur pédagogique du CNGE, la Dr Laurence Compagnon pose pour sa part comme prérequis que « le MSU soit au moins à 30 minutes de route du Dr junior, pour qu’il ne soit pas tout seul dans un désert médical ».
Une rémunération à l'acte
Tous se sont pour autant accordés sur un refus total de la coercition. « Il faut des incitations pour les stages en zones sous-denses, mais nous ne sommes pas favorables au paiement à l’acte des internes car cela pourrait créer une guerre avec les Dr juniors des autres spécialités », pense le Pr Samuel. « Un interne qui travaille de façon autonome doit pouvoir recevoir le fruit de son travail », a rétorqué le président de l’Isnar.
La Dr Compagnon imagine quant à elle une rémunération autour de l'équivalent de 25 actes maximum par jour pour les internes. Partisan depuis des années au projet de 4e année, le CNGE a tenu à rassurer les jeunes. « C’est un beau projet qu’il faut oser avoir », a positivé Laurence Compagnon, qui dit toutefois « comprendre les inquiétudes ».
Pour convaincre, la généraliste a aussi décrit sur le projet pédagogique nécessaire « pour être des professionnels de santé de haut niveau ». Gestion du cabinet, éthique, prévention, santé publique ou coordination des soins : toutes ces thématiques feraient défaut dans la formation actuelle.
Interrogation
Dans la salle, les avis étaient partagés. « En tant que maître de stage, certaines choses m’ont choqué. Personne ne veut que cette 4e année se passe dans des conditions effroyables pour les internes ! », est intervenu le Dr Anas Taha. L’ancien président du syndicat des enseignants de médecine générale a souhaité rappeler que le temps de travail des internes « est respecté dans 76 % des cas en ville, ça n’a rien à voir avec l’hôpital ».
D’autres confrères craignent que cette mesure ne plombe l’attractivité de la médecine générale. « Comment peut-on motiver les étudiants à faire de la médecine générale s’ils doivent faire dix ans de formation, alors qu’une IPA peut faire la même chose en cinq ans ? », a par exemple réagi un jeune généraliste.
Présent demain au congrès du CNGE, François Braun devrait apporter aux enseignants et aux étudiants des premiers éléments de réponse.
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