Coup de pied dans la fourmilière ! Dans une instruction envoyée le 17 janvier à tous les hôpitaux, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) demande à tous les établissements de retirer des salles de gardes « l’ensemble des fresques carabines à caractère pornographique et sexiste ».
Le document - publié par « Hospimedia » et transmis aux hôpitaux pour une mise en œuvre « dans l’année » - organise le retrait progressif de ces peintures murales « dans un calendrier qui ménage la concertation avec les parties prenantes locales », veut rassurer la DGOS.
Une décision capitale pour ces œuvres de salles de gardes, que certains considèrent comme un pilier du patrimoine carabin, mais qui suscitaient depuis plusieurs années la polémique. En 2015, par exemple, la fresque murale de l’internat du CHU de Clermont-Ferrand, qui représentant un viol collectif de Marisol Touraine, avait déclenché une vive émotion dans la communauté médicale et au delà.
« Ces fresques font moins l’unanimité chez les internes »
Alors qu’en mai 2021, les ministres de la Santé et l’Enseignement supérieur s’étaient engagés à une « tolérance zéro » envers les violences sexistes et sexuelles, les fresques carabines étaient dans le viseur. À partir de janvier 2022, la DGOS et le centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé (Cnaes) se sont donc concertés avec les étudiants, les organisations syndicales et les directions hospitalières, pour aboutir à cette instruction.
« Notre crainte, c’était d’avoir un internat totalement aseptisé, sans décoration, qui devienne presque une pièce d’hôpital comme une autre », raconte au « Quotidien » Olivia Fraigneau, qui a été auditionnée par la DGOS et la Cnaes sur le sujet. La présidente de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) confesse toutefois qu’« effectivement, aujourd’hui, ces fresques font moins l’unanimité qu’avant chez les internes. Ce qui pose problème, c’est leur caractère sexuel et sexiste ».
La concertation avant le retrait
Dans son instruction, la DGOS demande donc aux établissements publics de retirer toutes les fresques « à connotation sexuelle ». Une injonction motivée par le Code du travail, selon la DGOS, qui prévoit que l’employeur public est tenu de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Aussi, « la survivance des fresques carabines peut être considérée comme un agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant », considère le ministère de la Santé.
Alors que de nombreux confrères sont encore attachés à cette vieille tradition carabine - un « élément du patrimoine historique », concède la DGOS -, le ministère veut pousser les hôpitaux à « éviter les contentieux ». Un plan d’action local devra être élaboré entre étudiants et direction hospitalière avant le retrait de chaque fresque, avec un calendrier partagé. Toutefois, faute d’accord, le directeur de l’agence régionale de santé « pourra imposer le retrait » de la peinture.
Quant à la préservation de la culture carabine ? « Certaines des fresques ont fait l’objet de mesures de conservation en dehors des salles de garde, solution qui permet de répondre aux enjeux mémoriels et patrimoniaux », tient à rassurer la DGOS. Mais pour l’heure, « il reste très difficile de recenser les fresques classées », tempère Olivia Fraigneau.
« Le vrai scandale, ce ne sont pas les fresques, mais bien les chambres ! »
« En tant qu’internes, nous sommes très attachés à ces lieux de vie », tient à souligner la présidente de l'Isni. La future urgentiste affirme qu’elle sera vigilante à ce que les salles de gardes puissent toujours être personnalisées et décorées. « Nous allons également faire très attention à ce que ces décisions ne retombent pas sur les internes actuels ! Car souvent, ces fresques sont anciennes et représentent même des médecins qui sont depuis devenus chefs de service », ajoute-t-elle.
Pour autant, « le vrai scandale, ce ne sont pas les fresques, mais bien les chambres d’internat, où les murs s’effondrent et où il y a des rats ! », relativise Olivia Fraigneau. « J’espère que l’argent débloqué pour retirer les fresques pourra aussi servir à rénover les chambres », ironise-t-elle.
Une fresque retirée à Toulouse
Si la DGOS décide aujourd’hui de sévir, c’est aussi car un recours devant le Conseil d’État était dans les tuyaux depuis plusieurs mois. En mars 2022, l’association « Osez le féminisme » avait annoncé saisir la haute juridiction administrative « pour que ces fresques soient interdites dans toute la France », forte d’une décision du tribunal administratif de Toulouse.
En décembre 2021, le juge des référés avait ainsi ordonné « au CHU de Toulouse de procéder à l’enlèvement des fresques à caractère pornographique se trouvant au sein du CHU de Purpan ». La peinture installée depuis plusieurs mois dans le réfectoire de l’internat représentait un pastiche sexuel sans équivoque de « La liberté guidant le peuple » de Delacroix.
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