La question du mal-être des internes et des dérives concernant leur temps de travail avait jalonné le mandat d’Olivier Véran, allant jusqu’à mettre les jeunes dans la rue en juin dernier. Fraîchement nommée, la nouvelle ministre de la Santé Brigitte Bourguignon est déjà rappelée à cette réalité par les futurs médecins.
Dans un courrier adressé à la nouvelle locataire de Ségur, l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) presse Brigitte Bourguignon de prendre sans attendre « des mesures concrètes » pour faire respecter le droit en matière de temps de travail et de récupération. « C’est une réalité manifeste : les internes en médecine dépassent largement le temps de travail maximal prévu par la réglementation », soulignent les futurs généralistes.
Sanctions financières pour les hôpitaux
Alors qu’Olivier Véran avait déjà promis, à l’occasion du Ségur de la santé, de frapper au portefeuille les services qui ne respectent par le temps de travail des internes, deux ans plus tard, aucune mesure concrète n’a été prise en ce sens. En novembre 2021, le ministère de la Santé a toutefois promis à nouveau l'application de sanctions financières « avant l’été 2022 ». L’Isnar réclame la mise en place effective de sanctions « aux services et hôpitaux qui dépassent le temps de travail », financières d’abord puis entraînant « suspension ou retrait d’agrément en cas de récidive ».
Si le droit européen limite le temps de travail hebdomadaire à 48 heures, 70 % des internes dépasseraient ce plafond, selon une enquête ministérielle réalisée fin 2021. Pire, un interne sur deux exerce plus de 51 heures. Des estimations qui pourraient même être en deçà de la réalité.
5 h 20 par demi-journée
Autre promesse faite par Olivier Véran : « que les tableaux de service des internes, permettant la mesure et le contrôle du temps de travail, soient réalisés de façon systématique pour chaque interne dès le 1er mai 2022 », rappelle l'Isnar-IMG. Une obligation… déjà prévue par la loi en 2015, que les internes souhaitent imposer partout, une fois pour toutes.
Alors que les internes ne peuvent excéder huit demi-journées de stage en service par semaine, « le dépassement des demi-journées hebdomadaires est la principale problématique », concédait le ministère de la Santé à l’automne. Cinq, six ou sept heures : le décompte par demi-journée – trop flou – est en réalité source d’abus et de dérives de la part de nombreux services. Pour couper court à ces dépassements chroniques, l’Isnar demande à Brigitte Bourguignon un « bornage d’une demi-journée à 5 h 20 maximum pour éviter les abus ! ».
Il y a un an, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) révélait de son côté que le décompte par demi-journée n’était « pas conforme au droit de l'Union européenne et à la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui imposent de déterminer de façon objective et certaine la quantité de travail effectivement réalisée par les travailleurs et sa répartition dans le temps ».
« Mettre fin aux gardes de 24 heures »
De manière plus directe encore, les carabins réclament à la nouvelle ministre de la Santé de « mettre fin aux gardes de 24 heures ». Pour protéger les internes – dont deux tiers déclarent avoir déjà souffert d'épuisement professionnel, trois quarts d’anxiété – mais aussi les patients, l’Isnar-IMG invite ainsi Brigitte Bourguignon à remettre en cause « l’obligation de travail pendant 24 heures consécutives (…) source d’épuisement professionnel, mais aussi d’erreurs médicales ». Certaines études ont montré que 24 heures d’éveil sont équivalentes à travailler avec 0,8 g d’alcool dans le sang. Le syndicat réclame à Brigitte Bourguignon « l’ouverture rapide du chantier des gardes hospitalières réalisées par les internes ».
Les jeunes souhaitent enfin que les faisant fonction d'interne (FFI) puissent bénéficier des mêmes protections que leurs camarades : tableaux de service, demi-journées de formation et repos compensateur. Les futurs généralistes espèrent également que la ministre ouvrira le droit à certains congés pour les internes : mariage, Pacs, décès d’un proche.
En alerte
Après l'envoi de leur lettre de doléances, les internes réclament une rencontre avec Brigitte Bourguignon. Alors qu’une réforme de l’internat de médecine générale est dans les tuyaux – et qu’Emmanuel Macron a laissé planer le doute quant à une 4e année d’internat effectuée dans les déserts médicaux – le syndicat souhaite rappeler avec fermeté que « les internes de médecine générale ne sauraient être utilisés comme variable d’ajustement pour répondre aux enjeux d’un système de santé défaillant ».
Moins d’une semaine après sa nomination, ils préviennent déjà Brigitte Bourguignon : ils « se mobiliseront toujours contre les velléités de les priver de leur liberté ».
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