LE QUOTIDIEN: Les étudiants en médecine ont déploré de nombreux dysfonctionnements à la suite de l’organisation des Ecos blancs la semaine dernière. Faut-il craindre des perturbations similaires lors de l’examen final qui aura lieu en mai ?
JÉRÉMY DARENNE : C’est évidemment une de nos inquiétudes. Cette épreuve blanche n’a pas été bien anticipée. Il y a eu un manque notable de préparation de la part des facultés de médecine, c’est là où ça pêche vraiment. Les principaux problèmes qui nous ont été remontés concernent les participants standardisés (professionnels de santé et patients) qui pour certains n’avaient pas suffisamment préparé leur scénario.
L’un des risques que nous craignons est aussi la fuite des sujets par le biais des patients standardisés qui connaissent les épreuves à l’avance. Nous avons aussi observé des problèmes au niveau du comportement des examinateurs qui ont parfois manqué de vigilance. Si de tels couacs se reproduisent en mai, il existe un véritable risque que cet examen soit compromis ou que des recours soient engagés par les étudiants.
Quelles sont les universités où le plus de défaillances ont été observées ?
Nous avons comptabilisé de nombreux dysfonctionnements dans les facultés parisiennes. C’est là où les retours ont été les plus nombreux. En revanche, dans certaines facultés, comme à Lille, tout s’est plutôt bien passé. C’est très variable et disparate selon les facultés.
Une pétition rassemblant près de 6 000 signatures réclame la fin du « carnage » des Ecos. Les mécontents plaident pour des examens validants et non plus classants. Soutenez-vous cette action ?
C’est plus compliqué que ça. L’année dernière, lors des concertations sur la réforme du second cycle (R2C), nous avons avancé l’idée de rendre cet examen validant et non plus classant dans la mesure où l'avancée de l'organisation était source d'inquiétude. Mais les doyens s’y sont opposés, estimant qu’il était trop tard pour faire machine arrière. L’argument a aussi été de dire qu’il était impossible de changer cette règle puisque les Ecos sont inscrits dans la loi et que les modalités de cette épreuve ont été entérinées par décret à la suite d’un avis du Conseil d’État.
Nous avions alors demandé, sur avis des étudiants, une réduction du poids des Ecos de 30 à 15 % dans la mesure où nous n’avions aucune garantie que les facultés soient prêtes à temps pour organiser cet examen. Cela a été décliné.
Les facultés et le ministère ont accumulé du retard dans la réforme du second cycle. Tenir l’Anemf pour responsable, comme l’a fait la Conférence des doyens récemment, est malhonnête
Si le passage à des ECOS validants est malheureusement impossible pour cette année, cela pourrait s’envisager pour les prochaines promotions. Il est pour le moment compliqué d’avoir une opinion très claire puisqu’au sein même des étudiants, cette question divise. Non par conviction mais parce que l’intérêt personnel de chacun entre en jeu.
Les étudiants très bien classés à l’issue des épreuves dématérialisées nationales (EDN) ne souhaitent pas forcément voir leur classement modifié tandis que ceux moins bien classés vont davantage miser sur les Ecos pour remonter. Avant de statuer, nous devrons prendre le recul nécessaire, nous concerter avec les étudiants et réévaluer le dispositif.
Qu’attendez-vous des autorités compétentes : ministères, doyens, facultés, conseil scientifique, etc. ?
Des changements doivent être faits dès maintenant pour qu’en mai, cet examen s’organise correctement dans toute la France. Les facultés doivent mettre en œuvre les moyens nécessaires pour ne pas pénaliser les étudiants. Il reste deux mois et demi avant l’examen final. Nous ne pouvons pas fermer les yeux, il faut agir.
Historiquement, la réforme du second cycle (R2C) a été portée par les représentants étudiants, dont l’Anemf, qui souhaitait que les compétences cliniques soient prises en compte dans le classement final…
C’est un propos à nuancer. Cette réforme a été portée par l’Anemf mais aussi par les doyens à l’issue du fiasco des ECN 2017, épreuves annulées à deux reprises en raison de dysfonctionnements. Une refonte des ECNi – fondés à l’époque sur une unique épreuve écrite – était très attendue par les étudiants. Au départ, nous avons défendu l’idée d’intégrer des Ecos classants. Mais comme dans toute réforme, il y a ce qu’on demande, ce qu’on obtient et surtout le délai dans lequel on l’obtient. Il y a eu deux reports successifs. Les facultés et le ministère ont accumulé du retard dans l’organisation de la R2C ! Tout le monde a sa part de responsabilité. Tenir l’Anemf pour responsable – comme l’a fait la Conférence des doyens récemment – est malhonnête. Les étudiants reprochent avant tout le manque de préparation des facultés.
Mission accomplie pour les doyens !
Dans un communiqué diffusé ce mardi 19 mars, la Conférence des doyens s’est félicité que les Ecos nationaux blancs aient « atteint leurs objectifs ». « Les retours sont globalement positifs de la part des étudiants, des enseignants-chercheurs, des personnels administratifs et des patients/acteurs qui ont participé à cette épreuve », lit-on. En ce qui concerne les dysfonctionnements recensés (problèmes informatiques, difficultés matérielles etc.) , la majorité a été résolue ou est en cours de résolution, insistent les doyens. « La suspicion de fuites en amont des épreuves est en cours d’investigation et fera, si elle est avérée, l’objet de poursuites », assure le bureau. Alors qu’une pétition étudiante circule pour réclamer le passage à des Ecos validants et non plus classants, la Conférence des doyens met fin à tout espoir. « L’organisation [des Ecos] étant régie par un décret en Conseil d’État, la modification des règles sera délicate et l’épreuve de mai prochain ne pourra faire l’objet que d’ajustements mineurs ». Une analyse précise des résultats de l’examen sera toutefois effectuée pour « en tirer les premières leçons et permettre des évolutions constructives ».
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