Se lancer dans les études de médecine serait-il devenu un luxe ? Selon l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), qui publie ce mercredi 11 septembre son indicateur du coût de la rentrée 2024, s'engager dans cette filière sélective exige en tout cas d’y consacrer des moyens de plus en plus conséquents.
Comme chaque année, l'association étudiante a examiné les frais spécifiques de rentrée (frais de scolarité, complémentaires santé, assurance logement, frais d'agence et matériel pédagogique), ainsi que les dépenses mensuelles liées à la vie courante (loyer, repas, équipement, téléphonie, Internet et transports) des étudiants en première année (PASS – parcours d’accès spécifique santé – et L.AS – licences accès santé) et en quatrième année (DFASM1). Résultats ? En 2024, la facture s'alourdit pour l’ensemble des situations étudiées.
La facture flambe pour les étudiants de première année
Par exemple, pour un étudiant en première année inscrit en PASS, l'une des deux voies d’accès aux études de médecine, il faut compter en tout jusqu'à 20 800 euros par an ! Cette estimation globale inclut à la fois les frais spécifiques moyens de rentrée de 7 565 € (+2 %) pour les carabins optant pour une préparation privée (contre 1 890 € avec un tutorat universitaire) et les dépenses de vie courante, qui s'élèvent à 1 103 € par mois (+1 %), soit plus de 13 200 euros annuels. Sans prépa privée, le coût annuel des études de médecine pour un étudiant en PASS s’établit à 15 000 euros en moyenne.
Pour un étudiant en première année de L.AS, deuxième grande voie d’accès aux études de médecine, l’addition totale (frais de rentrée et dépenses de la vie courante) est, en moyenne, légèrement moins salée. Mais elle peut tout de même s’élever jusqu’à 19 000 euros par an pour les étudiants qui suivent une préparation dans une officine privée. Dans ce cas de figure, les frais spécifiques de rentrée s’élèvent à 5 885 € (+13 %) contre 1 872 € pour les étudiants optant pour le tutorat.
Très chères prépas
Face à la pression de la première année, il n’est pas rare que les étudiants choisissent d’avoir recours aux organismes privés dans l’espoir de maximiser leurs chances de réussite. Pourtant, ces formules à prix d’or « engendrent des coûts très importants », et pèsent lourdement dans le budget global des futurs médecins et de leurs familles, souligne à nouveau l’Anemf. En moyenne, le coût d’une prépa privée est désormais « 360 fois celui d’un tutorat » sur le territoire, peut-on lire dans ce baromètre.
Concrètement, en région, concernant le seul matériel pédagogique, le tarif moyen pour une prépa privée s’affiche à plus de 5 400 euros en PASS (+100 euros sur un an) et à 3 800 euros pour une L.AS (+600 euros). Et en Île-de-France, ces tarifs de matériel pédagogique grimpent encore : environ 6 800 € pour un PASS et 4 800 euros pour une L.AS.
Le système de compagnonnage par le tutorat universitaire offre pourtant cette alternative aux prépas privées. Soutenu par les enseignants des UFR, il offre un accompagnement qualitatif, en proposant des stages de pré-rentrée, des examens blancs, des séances d’exercices corrigés hebdomadaires, des fiches de cours et même un soutien psychologique. Dans ce contexte, l’Anemf réclame à nouveau aux universités un « soutien matériel, financier et pédagogique » maximum pour généraliser les tutorats dans l’Hexagone. Ils doivent même devenir « les interlocuteurs privilégiés des lycéens concernant le PASS et la L.AS », ajoute l’association étudiante qui milite pour des études de médecine égalitaires accessibles à tous. Cette évolution est d’autant plus urgente que la réforme de l’accès aux études de santé a ajouté de la complexité dans l’orientation des étudiants et le choix des parcours.
Début d’externat onéreux
Une fois la première année passée, les étudiants peuvent-ils respirer sur le plan financier ? Pas vraiment, diagnostique l’Anemf. À l’aube du deuxième cycle, en quatrième année (DFASM 1), les étudiants, désormais externes à l’hôpital, doivent faire face à nouveau à des frais significatifs à la rentrée.
Ces dépenses incluent cette fois l'achat des référentiels (manuels de spécialités) indispensables pour préparer le nouveau concours de l'internat (incluant les épreuves dématérialisées nationales - EDN) et, le cas échéant, les frais liés au recours à un organisme privé pour ce même concours.
En moyenne, un étudiant en quatrième année doit débourser un peu plus de 4 500 euros pour sa rentrée, soit une augmentation de près de 3 % sur un an. Si l'étudiant choisit une préparation privée, les frais grimpent à 5 540 euros (+4,5 %).
Les référentiels de spécialités représentent la principale dépense en matériel pédagogique. L'achat des ouvrages nécessaires à la préparation du concours coûte environ 1 468 euros s’ils sont achetés neufs. Or, l’actualisation fréquente par les collèges de ces référentiels – exacerbée dans le contexte du nouveau programme – « empêche généralement l’achat de référentiels d’occasion », et oblige même certains étudiants à racheter la nouvelle édition de certains ouvrages au cours de leur deuxième cycle, pointe l’Anemf.
Pour limiter ces frais, l’association étudiante presse les universités de mettre gratuitement à la disposition des étudiants une « version numérique » de ces référentiels sur la plateforme d'entraînement aux examens (SIDES).
Payés 2,76 euros de l’heure !
S’agissant des externes, « tous ces frais sont à remettre dans un contexte de début de formation en alternance, entre stages hospitaliers et apprentissage d’un grand nombre de référentiels, limitant les possibilités d’emploi étudiant, avec une rémunération équivalente à 2,76 €/heure », se désole l’Anemf, qui pointe la « précarité statutaire et financière » de l’étudiant hospitalier.
Pour alléger la charge budgétaire des carabins, plusieurs propositions sont avancées dont l’alignement de la rémunération des étudiants hospitaliers sur celle des autres stagiaires de même niveau d’étude, soit 4,35 €/heure, mais aussi la revalorisation des gardes ainsi que le maintien des bourses pendant la période estivale. L’association réclame également l'ouverture du droit à la prime d'activité pour les externes, la mise en place d'une indemnité d'hébergement de 150 euros pour les stages effectués dans des centres hospitaliers éloignés des UFR de rattachement et des services de restauration dans les structures accueillant les étudiants en service sanitaire.
Depuis qu’elle publie son solide baromètre, l’association étudiante constate chaque année une augmentation constante du coût de la rentrée. « C’est sans équivoque, depuis que nous publions cet indicateur (2016), les chiffres augmentent d’année en année », déplore Lucas Poittevin, président de l’Anemf. Pire, la faible rémunération des étudiants hospitaliers, accentuée par la difficulté de cumuler un emploi étudiant et l’intensité du deuxième cycle des études médicales « met en péril la réussite des étudiants et leur bien-être », dénonce l’association, bien déterminée à se faire entendre du nouveau gouvernement.
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