Près d’un étudiant sur deux en PASS (parcours d’accès spécifique santé) ou en L.AS (licence accès santé) – les deux nouvelles voies d’accès pour intégrer les études de santé depuis la suppression de la Paces – envisage ou a déjà envisagé d’arrêter son cursus en cours d’année. Et 43 % d'entre eux ressentent un stress intense plusieurs fois par jour ! C’est ce que révèle une vaste enquête menée entre le 29 février et le 29 mars par les Fédérations étudiantes en santé (Anemf, Anepf, Anesf, FNEK et UNECD) et la Fédération générale des associations étudiantes (Fage).
La consultation, menée auprès de 13 000 étudiants en PASS ou en L.AS (ou ayant pu vivre au moins une année dans l’une de ces deux filières) montre que la suppression de la Paces et la mise en place, en 2020, de la réforme du premier cycle n’a pas eu l’effet escompté, au contraire. « Quatre ans plus tard, on observe que les étudiants vont toujours aussi mal et qu’ils subissent toujours autant de pression durant leurs cursus », a dénoncé ce lundi Coline Trayssac, vice-présidente de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) à l’occasion d’une conférence de presse.
« Cette réforme est pourrie jusqu’aux os
Un étudiant en PASS
Ni le bachotage, ni le surmenage étudiant n’ont été supprimés. Dans l’espoir de franchir le cap de la toujours très sélective première année, « de nombreux étudiants sont amenés à travailler jour et nuit », a souligné Louise Lenglin, étudiante en kiné et vice-présidente de la Fédération nationale des étudiantes en kinésithérapie (FNEK).
Lors de cette conférence de presse, des dizaines de témoignages éloquents de jeunes désemparés, isolés ou anxieux ont été restitués par les fédérations. « C’est un système qui priorise toujours le bachotage aux qualités humaines », se désole un étudiant en PASS à Rennes. « Cette réforme est pourrie jusqu’aux os et a gâché le projet de bon nombre d’entre nous en ajoutant un stress inutile », abonde un autre étudiant en PASS à Dijon.
81 % des jeunes se disent plus stressés depuis leur entrée en PASS/L.AS
« Je n’ai jamais été aussi mal dans ma vie, cela fait deux ans que je suis en études de santé (PASS puis L.AS 2) et je suis réellement traumatisée de ces études que je trouvais passionnantes. Je cumule les crises d’angoisse (plusieurs fois par jour), je n’ai plus confiance en moi, je suis très faible psychologiquement », confie une étudiante en L.AS 2 de droit à Bordeaux.
La pression constante décrite par de nombreux carabins a de lourdes conséquences sur la santé mentale des jeunes. Selon les fédérations à l’origine de l’enquête, 81 % des jeunes interrogés se disent même plus stressés depuis leur entrée en PASS/L.AS Ils sont 36 % à se sentir isolés. Les étudiants sont par ailleurs plus d'un tiers à dénoncer le manque de communication entre facs de médecine et les autres facultés.
La PASS, voie royale, les L.AS, voie de garage ?
Parallèlement à la problématique centrale des risques psychosociaux, les fédérations étudiantes pointent les défaillances du système actuel. « La réforme du premier cycle avait pour ambition de passer d’un modèle unique d’accès à un système avec une double voie d’entrée dans les études de santé. Le facteur de réussite de la réforme reposait sur le fait qu’aucune voie ne devait être prioritaire par rapport à une autre », rappelle la Fage, qui souligne que cet objectif n’est pas du tout atteint, loin s’en faut.
« Quatre ans plus tard, on observe que la PASS reste la voie royale, celle qui est privilégiée par les néo-bacheliers », recadre Louise Lenglin. Choisi souvent « par dépit », la L.AS « ne comporte qu’une minorité d’unités d’enseignement en santé en comparaison à la PASS », abonde la Fage, ce qui compromet la réussite des étudiants concernés. Dans une note publiée en décembre, le service statistique du ministère de l’Enseignement supérieur indiquait déjà que la grande majorité des jeunes admis en deuxième année d’études de santé (82 %) étaient issus de PASS.
Pour la Fage, cet écart de réussite provient précisément de la différence de volume d’enseignements en santé dispensés entre les deux filières. Ce qui conduit les étudiants de L.AS, une fois en deuxième année, à ressentir un écart de niveau pour 43 % d’entre eux.
Pour une licence unique
Constatant les « échecs » de la réforme du premier cycle, les fédérations étudiantes appellent les pouvoirs publics à des ajustements majeurs et à davantage de lisibilité. « Une adaptation de la réforme est nécessaire pour que cette première année ne soit plus synonyme de cauchemar, ont plaidé à l’unisson les représentants étudiants. Les objectifs de la suppression de la Paces étaient louables. Il faut désormais garder les acquis et écarter ce qui ne fonctionne pas ! »
Concrètement, loin de revenir au système ancien, les fédérations souhaitent, dans leur modèle idéal, que soit instaurée une voie lisible d’entrée dans les études de santé, en clair une licence unique avec un fort tronc commun de santé. Cette licence de santé – dont les modalités d’enseignement et d’évaluation seraient harmonisées sur l’ensemble du territoire – permettrait aux étudiants de tenter deux fois leur chance. « Ce modèle a pour but de permettre [aux jeunes] une poursuite d’études avec un socle solide de connaissances, en construisant et faisant évoluer leur projet d’orientation au fur et à mesure, qu’il ou elle accède ou non aux études de santé », argumentent les leaders étudiants.
Le gouvernement prépare des ajustements, mais jusqu’où ?
Selon les fédérations, des discussions ont été engagées avec le gouvernement. « Nous arrivons à nous faire entendre contrairement à 2020 », assurent-ils. Des groupes de travail devraient être lancés dans les prochaines semaines pour décider de corrections éventuelles.
Reste à savoir si le gouvernement – sommé de toute façon par le Conseil d’État de revoir les conditions d’accès en deuxième année – prendra en compte les demandes étudiantes ou s’il se contentera d’ajustements à la marge.
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