Dossier

Études de médecine, l'eldorado

Le tutorat, rempart face au marché des prépas privées

Par Aude Frapin - Publié le 24/11/2023
Le tutorat, rempart face au marché des prépas privées


AUDE FRAPIN

La fin de la PACES — remplacée par les nouvelles filières PASS et L.AS — n'y a rien changé, au contraire. De nombreuses filières privées prospèrent sur le business de la préparation aux concours et surfent sur l'angoisse des étudiants et des parents. Les 37 tutorats offrent une précieuse alternative à un coût très réduit.

Medisup, Sup santé, Supexam, Ipesup… Les prépas privées de médecine, destinées à faire des étudiants de première année des bêtes de concours, fleurissent partout, monétisant leurs formules à prix d’or. « Surfant sur l'angoisse et la peur des étudiants et des parents », comme l'explique le Pr Pierre Dubus, doyen de la fac de médecine de Bordeaux (lire page 11), ces organismes privés affichent des taux de réussite flatteurs. Jusqu'à 76 % pour Medisup, 73 % pour Sup santé… « Bien souvent, ce sont des chiffres qu'eux seuls maîtrisent… Ils omettent de dire que les étudiants reçus sont en parallèle inscrits aux tutorats universitaires », recadre le Pr Pierre Dubus. 

Tractage dans les lycées, omniprésence dans les salons étudiants, mailing ciblé… « Les prépas sont partout, tout le temps et font croire aux étudiants qu'ils ne réussiront pas sans ça », témoigne Manon Poilvert, étudiante en deuxième année de médecine et responsable pédagogique du tutorat santé de Paris-Saclay (lire page 12). Certaines de ces écuries n'hésitent pas à user de méthodes déloyales. À Bordeaux, confie le doyen, pendant la pandémie, les prépas ont eu accès de manière officieuse à l'ensemble des cours lors du passage en distanciel, se procurant les documents. Pour faire face, certaines facs ont durci voire interdit l'accès à leurs amphis.

Un cursus toujours sélectif

En 2020, avec la complexe et controversée réforme de l'accès aux études de santé — exit le numerus clausus et la PACES, place aux nouvelles filières PASS et L.AS toujours très sélectives —, les entreprises privées de préparation aux concours ont trouvé un nouveau filon à exploiter. « Les organismes privés ont profité des changements induits pour faire gonfler les prix et développer de nouveaux parcours spécifiques pour les PASS et les L.AS. Avec ces nouvelles formules, les étudiants sont davantage stressés et parfois prêts à fermer les yeux sur les tarifs », analyse Julie Le Saux, vice-présidente de l’Anemf. Pourtant, ironise le Pr Pierre Dubus, « les prépas privées, c'est comme la Française des jeux, il y a plus à perdre qu'à gagner ! »

Selon l'indicateur du coût de la rentrée 2023 de l'Anemf, le montant d'une prépa privée serait en moyenne 345 fois plus élevé qu'un tutorat universitaire (évalué en moyenne à 21,49 € l'année pour les PASS et 11,95 € pour les L.AS et gratuit pour les boursiers, d'après le site de regroupement national des tutorats santé).

Égalité d'accès

Face à l'offensive de ces filières privées, les 37 tutorats universitaires offrent pourtant une alternative qui fait largement ses preuves. « Beaucoup d'étudiants en deuxième année ayant suivi à la fois le tutorat et une prépa estiment que le soutien apporté par les tutorats les a plus aidés dans leur réussite », souligne le Pr Dubus. Dans sa faculté, en moyenne 60 à 65 % des étudiants reçus en deuxième année de médecine y étaient inscrits.

Encadré par un arrêté de mars 1998, le tutorat universitaire, organisé en lien étroit avec les enseignants, a été rendu obligatoire en 2009 dans toutes les filières de santé. L'accompagnement proposé dans ce cadre, peut-on lire, doit bénéficier « à tous les étudiants de première année de premier cycle qui le souhaitent. L'établissement fait connaître le dispositif et le propose aux étudiants qui en ont le plus besoin ». Une façon de tenter de rétablir le principe d'égalité des chances et de contrer le business des entreprises privées. « À notre échelle, explique Manon Poilvert, nous participons à lutter contre ce marché et à permettre au plus grand nombre de réussir »

Prépas hors de prix

Dans son indicateur du coût de la rentrée 2023, l’Anemf alerte sur la forte hausse des frais spécifiques de rentrée notamment pour les étudiants en PASS et L.AS. Cette augmentation s’explique en partie par la flambée des prix des prépas privées. « Elles étaient déjà très chères mais cette année on observe une augmentation très importante des tarifs », souligne Julie Le Saux, vice-présidente de l’Anemf en charge des affaires sociales. Pour les étudiants PASS qui optent pour une prépa privée et un tutorat, les frais spécifiques de rentrée* s'élèvent en moyenne à 7 415 euros, soit une hausse de plus de 3 % en un an. Les étudiants PASS faisant le choix d'un accompagnement uniquement tutoral voient leur frais diminuer de 0,7 % avec en moyenne 1 829 euros de dépenses.

*Frais de scolarité, complémentaire santé, assurance logement, frais d’agence et matériel pédagogique.

A.F.