LE QUOTIDIEN : Les prépas privées ont-elles gagné du terrain ces dernières années ?
Pr PIERRE DUBUS : Elles existent depuis très longtemps et continueront d'exister. Dès qu'il y a un enjeu, il y a forcément un marché ! Nous constatons toutefois, depuis la crise du Covid et l'entrée de la réforme du 1er cycle, que ces organismes s'implantent de plus en plus tôt dans le cursus des étudiants et les « captent » parfois dès la classe de première au lycée. Ces prépas jouent sur la peur et l'angoisse des étudiants et des parents et surfent sur la difficulté des programmes pour convaincre. À Bordeaux, pendant la pandémie, les prépas ont aussi eu accès de manière officieuse à l'ensemble des cours de la faculté lorsque nous sommes passés en distanciel et elles se sont procuré lesdits documents…
Comment contrer ces prépas privées ?
Ce n'est pas un message facile à faire passer auprès des parents mais le tutorat étudiant est une très bonne alternative. C'est un système que j'estime plus performant que les prépas privées qui sont souvent de nature très hétérogène.
D'ailleurs, les organismes privés communiquent souvent sur des taux de réussite très élevés alors qu'en réalité, il est difficile de mesurer ce paramètre étant donné que certains étudiants jouent sur les deux tableaux et suivent aussi un tutorat. Aujourd'hui, la principale difficulté des tutorats étudiants est qu'ils sont peu connus de l'extérieur et que les prépas privées savent mieux se mettre en avant dans les salons notamment.
Pour bien faire, il faudrait que nous parvenions à délocaliser notre tutorat et que nous puissions le proposer de manière plus précoce aux futurs candidats afin qu'ils ne tombent pas dans les griffes de ces organismes privés dès le lycée. Pour les lycéens les plus éloignés de Bordeaux, l'enjeu est d'autant plus grand car les communes aux alentours ne sont pas des territoires ciblés par les prépas privées, ce qui implique que ces étudiants, parfois boursiers, arrivent en première année de PASS ou L.AS avec moins d'armes pour réussir que leurs camarades. Et comme ils n'ont plus le droit de redoubler, la concurrence avec les autres est féroce.
La progression des prépas privées est-elle le signe d'un échec de l'université publique ? Peut-on espérer un retour à la normale ?
Ce qui est sûr, c’est que l’université n’est plus en mesure d’accompagner correctement les étudiants en santé que ce soit ceux du 1er, 2nd ou 3e cycle. C’est terrible et à la fois normal car la santé n'est pas la seule priorité pour des établissements en grande difficulté financière. Les études de santé sont très exigeantes, et pourtant nos dotations ont diminué de moitié en dix ans alors que le nombre d'étudiants a augmenté de 25 %.
J'ajoute que les réformes ont complexifié la formation. Nous avons dû, en parallèle, organiser des oraux pour le 1er cycle et préparer les examens cliniques objectifs et structurés (Ecos) pour le 2nd cycle. En ce qui concerne les prépas, je ne les vois pas disparaître sauf si on parvenait à faire évoluer le système de l'accès en deuxième année d'études de santé. Peut-être qu'il serait plus simple et plus égalitaire de mettre en place des prépas publiques type « Math Sup » comme cela se fait pour l'entrée dans les grandes écoles.
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