Les échanges étaient courtois, constructifs et enrichissants ; mais des messages forts ont été envoyés. La commission des affaires sociales du Sénat, présidée par la sénatrice Catherine Deroche, a auditionné ce mercredi 26 janvier : Nicolas Lunel, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), Pr Patrice Diot et Pr Bach-Nga Pham, président et vice-présidente de la conférence des doyens des facultés de médecine, sur la situation des étudiants en médecine.
Nicolas Lunel, président de l'Anemf, a pris la parole le premier et a alerté, une nouvelle fois, sur la situation mentale des étudiants. En 2017, avant la crise sanitaire, 62 % des étudiants en santé souffraient de symptômes d’anxiété pathologique, 27 % de symptômes dépressifs. En 2021, les 62 % des étudiants sont passés à 75 % ; les 27 % à 39 % et un quart d’entre eux rapportait avoir eu des idées suicidaires au cours des derniers mois.
Un vrai souci pour les doyens
L’étudiant toulousain a alerté sur les humiliations comme « le coup de cahier à la figure ou le rabaissement », les violences sexistes et sexuelles et a demandé « des sanctions de façon dure les auteurs, car l’omerta l’hôpital est une réalité ». Le non-respect du temps de travail a été abordé également, même s’il est difficile à chiffrer, a-t-il regretté.
Pour le Pr Patrice Diot, « le problème du mal-être étudiant est un vrai souci pour nous. C’est dramatique : il y a des étudiants qui mettent fin à leur vie. » S’il a rappelé que ce n’était pas une spécificité française, le professeur a réclamé « un plan d’action et une tolérance zéro sur les pratiques d’un autre âge ». Avant de conclure : « ce sont des étudiants, pas de la chair à canon et pas de la main-d’œuvre médicale ».
Le Pr Bach-Nga Pham, doyenne de la faculté de médecine de Reims, a elle aussi défendu les étudiants en santé appelant à recruter plus de professionnels maîtres de stages universitaires, « formés correctement, qui respectent des conditions pédagogiques et prennent en charge leur stagiaire, en faisant attention aux risques psycho-sociaux », notamment dans les MSP. Le Pr Pham a exhorté à traiter différemment les étudiants, comme « des futurs professionnels de santé ».
La précarité, facteur de risque
Nicolas Lunel a également développé sur la précarité qui touche les étudiants en santé. « En 2018, un sur quatre songeait à arrêter ses études par fautes de moyens ; un sur deux ne recommande pas ses études ; deux sur cinq déclarent avoir eu des difficultés financières ». S’il a salué l’augmentation des salaires liée au Ségur de la Santé, « elle reste inférieure aux stagiaires de l’enseignement supérieur ». Et, si « les gardes constituent un complément », elles sont difficiles, car elles ont lieu la nuit. Puis, rappelle-t-il, la prime d’activité, les étudiants en santé n’y sont pas éligibles et les APL ont été supprimées pour eux. « Penser argent, c’est moins penser travail et patients… », a-t-il ajouté.
La thématique de la formation a été aussi longuement abordée. Nicolas Lunel a pointé « le paradoxe » des facultés, « en sous financement par rapport au nombre d’étudiants ». À titre d’exemple, il a raconté qu’à Toulouse, quand il était en deuxième année, sa promotion était composée de 280 étudiants. Aujourd’hui, ils sont 350. Il incite à augmenter le nombre de professeurs.
La 4e année de médecine générale divise toujours
Au cours des échanges avec les sénateurs présents ce mercredi matin, la question de la quatrième année d'internat en médecine générale a été discutée entre Pr Diot, fervent défenseur de la cause et Nicolas Lunel, plutôt prudent. Le doyen de la faculté de médecine de Tours a parlé de « docteurs junior » de médecine générale qui devraient « aller dans les zones sous-denses » – mais sans coercition – et soutient « un débat avec toutes les parties prenantes, dont les jeunes ».
Nicolas Lunel a lui défendu l’attractivité de la médecine générale basée sur les trois courtes années d’internat. « Attention à cette quatrième année… il faudrait qu’elle soit centrée la professionnalisation et pas sur un simulacre de formation ». Pour lui, il ne faut pas la penser comme « un bouche-trou » et si elle est mieux payée, a-t-il interrogé, « ne va-t-on pas créer une désertification de l’hôpital ? »
En conclusion de la matinée, la sénatrice Catherine Deroche s’est félicitée de cette rencontre, y voyant « des points de convergences » entre les différents acteurs et « une volonté commune » de se saisir du sujet.
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