Selon la définition de l’OMS, est adolescent tout individu âgé entre 10 et 19 ans. Ainsi, progressivement, les visites pédiatriques vont laisser place à la consultation chez le médecin généraliste. Il n’existe pas à proprement parler de médecine de l’adolescence comme il existe la pédiatrie ou la gériatrie. Auteur de nombreux ouvrages sur la médecine de l’adolescent et pédiatre, Patrick Alvin la décrit ainsi : « Il s’agit d’une approche médicale particulière, fondée sur la connaissance des multiples aspects du développement biologique, psychologique et social unique à cette deuxième décennie de vie, et sur la reconnaissance — dans un contexte socioculturel donné — de l’ensemble des facteurs pouvant en favoriser, gêner ou altérer la progression ». La médecine de l’adolescence n’est pas enseignée comme une spécialité mais peut être abordée dans le cadre de diplômes spécifiques (DIU de Médecine et santé de l’adolescent, DIU croissance et puberté, DU l'adolescence aspects médicaux psychologiques et sociaux…). D’après l’enquête réalisée en 2013 par le Dr Laurence Dalem 1, 78,4 % des médecins généralistes interrogés sont demandeurs d’une formation en médecine de l’adolescent et 5,1 % estiment même qu’il s’agit d’un besoin urgent.
L’adolescence ouvre la voie à de multiples conduites à risques
L’adolescence ne s’accompagne pas d’un développement de pathologies particulières. On peut dire que la grande majorité des adolescents est en bonne santé. Mais s’agissant d’une phase transitoire de construction physique et psychique avec de multiples changements biologiques et sociaux, l’adolescence fragilise et rend parfois vulnérable. Si les adolescents consultent la plupart du temps pour des pathologies bénignes (migraines, douleurs abdominales ou nausées, fatigue chronique, troubles du sommeil, douleurs articulaires ou musculaires…), celles-ci peuvent cacher des maux plus sérieux qu’il est essentiel de détecter précocement (drogue, alcool, troubles psychiques…). D’après l’Observatoire national du suicide 2 par exemple, il serait la deuxième cause de mortalité chez les 15/24 ans et représente 16 % des décès de cette tranche d’âge. Un pourcentage alarmant qui avait conduit Marisol Touraine et Agnès Buzyn à faire de la prévention du suicide un enjeu majeur de santé publique. Le médecin traitant peut en dépister les signes avant-coureurs. Car, selon les chiffres de l’Observatoire régional de la santé 3, environ 17 % des jeunes français âgés de 15-25 ans se déclarent en détresse psychologique. Chez certains, l’adolescence est une période de tous les défis qui ouvre la voie à de multiples conduites à risques. Les rapports sexuels non protégés en font partie. D’après l’Observatoire de la santé, 50 % des jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans reconnaissent avoir eu recours à une contraception d’urgence et 12,1 % à une IVG. Avec une proportion qui augmente dans le temps, 10 % des jeunes français se disent concernés par les violences sexuelles, le viol ou la tentative de viol. Autre chiffre inquiétant, celui de la consommation de tabac et d’autres substances. 34 % des jeunes français interrogés dans le cadre de l’Observatoire fument quotidiennement ou de façon occasionnelle et plus de 43 % déclarent avoir déjà consommé du cannabis.
Nécessaire d’instaurer une bonne distance relationnelle
Parce que l’adolescence est une période délicate et que nombre de jeunes souffrent d’un sentiment d’insécurité face à l’avenir, le médecin traitant est la pierre angulaire d’une bonne prise en charge de l’adulte en devenir. Si le contenu de la consultation ne diffère pas de celui de leurs aînés, c’est l’approche qui peut être adaptée ainsi que l’interrogatoire et l’examen physique. Il est nécessaire d’instaurer une bonne distance relationnelle avec l’adolescent. La question du tutoiement par exemple, dépend de la proximité du médecin avec le jeune. Mais il est important de garder en mémoire que l’adolescent sera bientôt un adulte et que le tutoiement est susceptible de devenir gênant. Le Dr Philippe Chambraud, médecin généraliste à Paris, est très impliqué dans la formation de ses confrères et reçoit dans son cabinet de nombreux adolescents.
Pas de sujet tabou
Selon lui, tout est dans l’approche et il ne doit pas y avoir de sujet tabou. « Il faut trouver la bonne formule, éviter la polémique sur les sujets délicats. » Concernant la question de la présence des parents pendant la consultation, le Dr Chambraud met toujours à l’aise ses jeunes patients. Il les incite à s’individualiser et à devenir autonomes en prenant rendez-vous seuls. Mais en veillant à ne pas vexer les parents. « J’aborde volontiers tous les sujets avec des questions ouvertes et j’incite toujours mes internes en formation à poser des questions pour élargir la consultation et détecter d’éventuels problèmes. Nous devons créer une mise en confiance pour favoriser l’expression et aider le jeune à trouver les mots adaptés à ses symptômes. Si le généraliste est à l’aise, cela libère la parole de l’adolescent. Il faut mettre à l’écart ses émotions et se situer uniquement dans la réalité. Mais cela ne s’enseigne pas et chacun a son vécu » poursuit le Dr Chambraud. Ainsi, le dialogue avec l’adolescent, s’il est spontané, sera constructif. Car, les thématiques qui inquiètent le plus les jeunes (les modifications corporelles, la sexualité, la consommation de drogue ou d’alcool, le malaise psychique…), ne sont pas toujours faciles à verbaliser. « Sur le sujet de la sexualité, la parole doit être ouverte pour éviter les non-dits ou la désinformation dont les jeunes sont victimes au travers de ce qu’ils voient sur Internet. Ils y trouvent des contre-vérités absolues qui peuvent brider leur épanouissement sexuel. Il est important de les alerter pour qu’ils gardent un regard critique », explique le généraliste parisien. Il est également intéressant d’interroger le patient adolescent sur son contexte social, amical, familial ou scolaire pour comprendre les interactions avec telle ou telle pathologie ou malaise. Concernant la consommation de substances illicites par exemple, ce sont souvent les effets secondaires qui poussent les jeunes à consulter. Cela ouvre la voie au dialogue dans un contexte de respect et de confidentialité. « Lorsque l’on ne se sent pas à l’aise avec l’idée d’accompagner un adolescent, il vaut mieux l’adresser à un confrère », conclut le Dr Chambraud, très confiant dans la capacité des internes qu’il rencontre, à aborder avec leurs jeunes patients, l’ensemble des sujets liés à leur adolescence.
V.A.
1 Enquête menée auprès de 116 médecins généralistes de la région de Chambéry et d’Aix les Bains : Consultation de l’adolescent en médecine générale, Dr Laurence Dalem, 2013
2 Suicide : enjeux éthiques de la prévention, singularité du suicide à l’adolescence, 3e rapport, février 2018
3 Focus santé en Ile-de-France : la santé des jeunes franciliens, Observatoire régional de la santé, septembre 2019
Pour en savoir plus :
Médecine et santé de l’adolescent : pour une approche globale et interdisciplinaire. Priscille Gerardin, Bernard Boudaillez, Philippe Duverger, Elsevier Masson, 09/2019.
Les lieux d’écoute :
les maisons des adolescents (MDA)
les points d’accueil écoute jeunes (PAEJ)
les espaces santé jeunes (ESJ)
les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF).
les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP)
les centres médico-psychologiques (CMP)
Les numéros utiles pour les adolescents
Fil santé jeunes (site externe) au 32 24 (7j/7, de 8 h à minuit, appel gratuit depuis un poste fixe) ou 01 44 93 30 74 (coût d’une communication ordinaire depuis un portable) Alcool info service (site externe) : 0 980 980 930 (appel au coût d’une communication locale, depuis un poste fixe) ; Drogues info service : 0 800 23 13 13 (appel gratuit depuis un poste fixe). Pour toutes les questions portant sur la sexualité, numéro gratuit et anonyme « Sexualités, contraception, IVG » : 0 800 08 11 11
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