Quelles sont les raisons de fond qui influencent l’installation d’un interne ou d’un jeune médecin remplaçant ? Pourquoi s’installera-t-il davantage dans un territoire plutôt qu’un autre ? Pour tenter de répondre à ces questions d’actualité – et éclairer les décideurs publics en amont des débats autour du projet de loi financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025) – les représentants des étudiants, internes et jeunes généralistes (Anemf, Isnar-IMG et Reagjir) ont analysé les facteurs qui déterminent l’installation en médecine générale ainsi que le lieu d’installation.
Rôle clé des maîtres de stage
Les auteurs ont d’abord réalisé une revue de littérature, incluant l’analyse de 21 thèses de médecine générale portant sur les déterminants à l’installation. Ces résultats ont été croisés avec deux enquêtes : celle de 2019 de la commission jeunes médecins de l’Ordre et celle de l’Isnar-IMG sur l’impact du DES de médecine générale sur l’installation des jeunes médecins publiée en 2020. De ce vaste travail de recherche, il ressort que l’installation en médecine générale repose d’abord sur des facteurs d’ordre personnel et professionnel, et pas forcément sur des primes ou subventions ponctuelles.
En premier lieu, l’exposition à l’exercice ambulatoire semble incontournable avant d’envisager une installation en libéral : les stages permettent non seulement d’acquérir les compétences mais aussi de se familiariser avec un exercice qui peut effrayer en raison du poids des contraintes. « Le rôle des maîtres de stage universitaires (MSU) est fréquemment souligné comme crucial en tant que modèle, accompagnant l’étudiant dans l’incubation de son projet professionnel de médecin généraliste ambulatoire », souligne l’étude. En 2020, l’enquête de l’Isnar-IMG montrait déjà une corrélation directe entre le nombre de stages et la concrétisation de projets d’installation. De ce point de vue, la montée en puissance des MSU est une bonne nouvelle.
Les aides financières moins déterminantes que la maturation du projet
Parallèlement, l’activité de remplacement et/ou la collaboration avec d’autres médecins offrent l’opportunité de découvrir l’exercice au sein d’un réseau local. Les conditions d'exercice s'avèrent ici essentielles : les jeunes médecins plébiscitent le travail en équipe pluridisciplinaire, la flexibilité dans la gestion de leur emploi du temps ainsi qu’une ambiance de travail positive, assez loin du modèle sacerdotal du généraliste en solo.
Les aides financières, elles, semblent jouer un rôle finalement secondaire, « relevant dans certains cas davantage d’un effet d’aubaine que d’un facteur favorisant ». En revanche, l’accompagnement dans les démarches administratives et dans la maturation du projet professionnel se révèle primordial. « [Cela] favorise la concrétisation d’une installation en levant les appréhensions et les freins liés à la complexité de la création d’une entreprise médicale », insistent les auteurs.
Une politique d’aménagement du territoire
Quid du choix du lieu d’installation des internes et jeunes médecins ? Là encore, selon le rapport des juniors, cette décision semble intimement liée au « projet de vie » du jeune praticien. « C’est pourquoi l’offre et les caractéristiques du territoire sont des facteurs particulièrement importants », est-il souligné. Divers éléments entrent en jeu, tels que l’offre de services publics, la diversité des loisirs, une vie culturelle dynamique, l’accès à internet haut débit et des transports efficaces. Bref, c’est davantage une politique attractive d’aménagement du territoire qui semble un puissant levier d’installation.
Des critères plus personnels, comme le cadre de vie, la proximité du domicile, la qualité de l’accueil des habitants et les opportunités d’emploi pour le conjoint, entrent aussi directement en ligne de compte. La présence d’un tissu social solide, avec des amis et de la famille à proximité, joue aussi un rôle important dans le choix du lieu d’installation.
Mais les critères professionnels ne sont pas à négliger. « La présence de professionnels en nombre suffisant, associé à l’existence de structures (CPTS, hôpitaux de proximité, médico-social, etc.) ressort clairement comme un critère nécessaire pour envisager une installation afin de ne pas se retrouver isolé et démuni lors de l’accompagnement des patients », avancent les auteurs.
Une fois encore, les aides financières – comme les bourses – sont considérées comme un atout mais ne sont pas jugées décisives. En revanche, le soutien et l’accompagnement des collectivités peuvent influencer le choix des juniors. « Un jeune médecin sera plus enclin à s’installer dans une commune qui facilite la création de son entreprise médicale en proposant un local à prix abordable et des solutions de garde pour ses enfants », précise le rapport.
L’action politique doit être avant tout guidée par des données factuelles, et non des opinions dogmatiques
Dr Raphaël Dachicourt, président de Reagjir
Dans ce contexte, afin d’encourager l'installation de médecins dans les territoires en difficulté, quatre leviers d'action structurelle (formation, exercice, accompagnement et territoire) doivent être mobilisés.
En premier lieu, les représentants étudiants suggèrent d'augmenter le nombre de généralistes formés « afin de compenser les départs à la retraite ». Il s’avère aussi « indispensable d’opérer un véritable virage ambulatoire de la formation pour renforcer l’exposition des étudiants à l’exercice ambulatoire, et les ancrer dès leurs études dans les territoires les plus déficitaires ». Par ailleurs, la création d'antennes universitaires dans les zones sous-dotées permettrait d'attirer des étudiants issus de ces territoires.
L’allégement des contraintes administratives, notamment à travers l’embauche d’assistants médicaux, doit être encouragé pour alléger la charge de travail et garantir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. En outre, tous les guichets uniques d'accompagnement, prévus par la loi Sécu 2023, doivent aussi être déployés plus efficacement. Enfin, pour améliorer l'attractivité des zones sous-dotées, il est essentiel de développer les services publics, les transports et l'offre culturelle et de loisirs afin de créer un environnement propice à l'installation des médecins et leurs conjoints.
À une période où les propositions de loi, souvent directives voire coercitives, sur la liberté d’installation se multiplient, les syndicats juniors veulent ainsi faire entendre leur voix originale. « L’action politique doit être avant tout guidée par des données factuelles, et non des opinions dogmatiques, cadre le Dr Raphaël Dachicourt, président de Reagjir. C’est pourquoi nous invitons les décideurs à étudier ce rapport pour construire un plan d’action cohérent afin d’améliorer durablement l’accès aux soins de la population ».
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