Feu vert des députés à la PPL Valletoux, les médecins évitent le pire, ce qu'il faut retenir

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Publié le 16/06/2023
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Crédit photo : DR

C'est tard dans la nuit de jeudi à vendredi que l'Assemblée nationale a adopté (37 voix pour, 4 contre et 25 abstentions) la proposition de loi de Frédéric Valletoux (Horizons) visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.

La veille, les députés avaient écarté les amendements visant à réguler l'installation – un casus belli pour les médecins – que souhaitait imposer le groupe transpartisan piloté par le député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot. Ce dernier a déploré une occasion manquée. 

Dans un hémicycle clairsemé, François Braun s'est félicité des « débats de grande qualité » ayant abouti à des « compromis ». Tour d'Horizons. 

Le conseil territorial de santé reprend des couleurs

L'élaboration de stratégies territoriales en matière de santé sera confiée au conseil territorial de santé (CTS), structure qui existe en réalité depuis 2016 mais se résume souvent à une coquille vide. Il sera composé de tous les acteurs de santé dont les représentants de la profession, des CPTS, des MSP, des usagers, des élus locaux, outre les autorités (préfet, ARS ou Assurance-maladie). Cet « organe de gouvernance » devra redéfinir le projet territorial de santé avec des « objectifs prioritaires » en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre. « Il faut croire en la capacité des acteurs à organiser ensemble les soins dans leur territoire », a cadré Frédéric Valletoux. La question du périmètre des territoires de santé reste à définir. « Ce périmètre ne devait pas forcément correspondre aux limites des départements », a précisé le rapporteur. Une façon de s'affranchir des limites administratives actuelles. Un amendement transpartisan a prévu la possibilité pour l'ARS de salarier des médecins. 

Inscription d'office aux CPTS, sauf si…

Pour encourager la coordination entre les soignants à l'échelle territoriale, le texte prévoit leur rattachement automatique « sauf opposition », aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Lors du débat, plusieurs députés ont proposé de supprimer cette disposition, redoutant une « contrainte administrative supplémentaire » imposée aux médecins, voire « une atteinte au libre choix ». Le député Thibault Bazin (LR, Meurthe et Moselle) a soutenu que « la notion de volontariat est centrale dans la constitution des CPTS. Contraindre à adhérer constituerait un dévoiement profond à la philosophie des CPTS ». Mais le gouvernement a objecté que les soignants ont la possibilité de « signifier leur refus ». « Nous voulons adresser un signal politique aux professionnels de santé libéraux », a aussi argumenté le rapporteur Frédéric Valletoux. « La coopération doit devenir la règle (...) tandis que l’exercice individuel est appelé à se marginaliser, voire à disparaître. » 

Préavis de 6 mois avant de cesser l'activité

Une autre mesure votée crispe les libéraux : l'obligation de communiquer à l’ARS et au conseil de l’Ordre un préavis d'au moins six mois avant un départ, sauf dans les « cas de force majeure » prévus par décret. « Certains médecins sont contraints de cesser leur activité pour des raisons qui ne sont pas toujours prévisibles, comme des changements de vie familiale, des soucis de santé ou la mutation de leur conjoint – en particulier chez les jeunes médecins. On ne peut s’abstraire de ces réalités de la vie », a illustré Thibault Bazin.

Participation accrue des cliniques à la PDS en établissement

Un autre possible « irritant » pour les libéraux a été adopté. Il prévoit que les cliniques privées – et leurs praticiens – devront davantage « participer à la permanence des soins » le soir, le week-end, les jours fériés (pour mieux répartir la charge entre public et privé). En cas d'intervention des professionnels en dehors de leur établissement de rattachement, « le régime de responsabilité de la structure d’accueil sera appliqué », peut-on lire. 

Lors du débat, François Braun a interprété ce vote comme une « incitation » et écarté tous les amendements explicites visant au retour obligatoire des gardes. Le ministre a donc acté le principe selon lequel « les établissements de santé, les autres titulaires d'autorisation ainsi que les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers participent et sont responsables collectivement de la permanence des soins. » Inquiète, l'union syndicale Avenir Spé-Le Bloc – qui menace d'une grève illimitée à partir du 13 octobre – refuse qu'à travers la mutualisation des gardes, les praticiens du privé soient forcés d'aller travailler à l'hôpital public. 

Élargissement du CESP… 

Pour favoriser l'installation dans les zones déficitaires, l'Assemblée a validé un amendement du groupe transpartisan qui ouvre, « dès la deuxième année d'études », la possibilité pour les médecins de signer des contrats d'engagement de service public (CESP). Ce contrat prévoit une allocation mensuelle contre un engagement d'exercice dans une zone fragile. Et pour favoriser les stages des étudiants en médecine générale dans les zones sous-dotées, ces stages devront être pourvus en premier. 

Les députés ont aussi voté un amendement pour tenir compte prioritairement des besoins de santé du territoire avant les capacités de formation pour fixer le nombre d'étudiants admis en deuxième année d’études (numerus apertus).

Dans les déserts médicaux, pourra être testée une option santé dans les lycées afin d'encourager les vocations médicales et paramédicales.  

…mais encadrement de l'intérim

Les députés ont souhaité encadrer l'intérim à l'hôpital en début de carrière. Guillaume Garot souhaitait un délai de cinq ans maximum, Frédéric Valletoux ne l'a pas soutenu. Un décret fixera cette durée. Les étudiants en santé pourront continuer à exercer en tant qu'intérimaires. Les députés ont écarté en revanche les amendements visant à encadrer la durée de remplacement à quatre ans. « Cela me semble trop restrictif et risquerait d'ajouter de la contrainte à la contrainte », a plaidé Frédéric Valletoux.

Haro sur le nomadisme médical

L'Assemblée a entériné une mesure de lutte contre le nomadisme médical. L'article prévoit que les bénéficiaires d'exonérations, d'aides à l'installation ou d'aides conventionnelles ne puissent de nouveau y être éligibles qu'à l'expiration d'un délai de dix ans. 

Feu vert au statut d''infirmier référent

Pour rendre du temps médical aux médecins, les députés ont créé le statut d'infirmier référent, choisi par le patient. L'infirmier ainsi reconnu comme référent sera chargé de réaliser le renouvellement d'ordonnances pour les patients chroniques, d’assurer des gestes courants de diagnostic ou des actes de prévention, et d’exercer leurs pratiques avancées dans ce cadre. Le dispositif proposé est centré sur les patients en ALD. « C'est autour de ces patients-là qu'on a besoin de faire émerger une équipe de soins entre le médecin et le pharmacien », a précisé Frédéric Valletoux. L'Ordre infirmier a salué une avancée. 

Suppression de la pénalité hors parcours sous conditions

Pour tenir compte des difficultés majeures rencontrées par certains assurés pour désigner un médecin traitant, l'Assemblée a voté à l'unanimité un amendement transpartisan qui supprime la majoration tarifaire susceptible d’être appliquée (hors parcours) par l'Assurance-maladie, et ce durant l’année qui suit le départ à la retraite de leur médecin traitant ou quand il change de département. 

Médecins étrangers en renfort

Pour renforcer l'offre de soins, les députés ont donné le feu vert à la création d'une autorisation temporaire d'exercice dans les établissements de santé publics et privés à but non lucratif. Cette autorisation leur permet de s'inscrire dans une démarche de reconnaissance de leur diplôme. Parallèlement, le texte créé aussi une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent-professons médicales et de la pharmacie » pour répondre aux besoins de recrutement de ces médecins à diplôme étranger.


Source : lequotidiendumedecin.fr