Hospitalisation sans consentement, comment ça marche ?

Publié le 12/06/2020

Une personne souffrant d'un trouble mental l'empêchant de se prendre en charge, ou induisant un comportement dangereux pour elle-même ou son entourage, peut être l'objet d'une hospitalisation sans consentement. Dans quels cas cette procédure peut-elle survenir ? Quelles sont les formalités à remplir ? Explications.

Hospitalisation sans consentement

Hospitalisation sans consentement
Crédit photo : BURGER/PHANIE

C’est rare mais parfois, il faut s’y confronter… C’est une mère, une fille, un frère, un tuteur, un proche qui demande une consultation d’urgence avec le médecin pour un malade souffrant d’un épisode délirant, de troubles psychotiques, de bouffée délirante, d’un syndrome dépressif aigüe, ou à la limite de la tentative de suicide. Si le patient est dans le déni pathologique ou dans l’incapacité à prendre des décisions pour lui-même, le médecin peut alors rédiger un certificat d’admission psychiatrique sous la forme d’une demande d’hospitalisation sans consentement SDTU (Soins psychiatriques à la demande d’un tiers), ou STI (Soins psychiatriques en cas de péril imminent). En France on comptabilise chaque année à 100 000 le nombre d’hospitalisations sans consentement. En 2011 elles n’étaient que 70 000.

Modalités

« En 10 ans de pratique cela a du m’arriver deux ou trois fois. C’est une décision qu’on prend en présence d’un tiers qui accompagne généralement le patient », explique le Dr Vanessa Fortané, médecin généraliste en Picardie. « Mais ce n’est pas parce que c’est rare qu’il faut négliger la question, surtout qu’en général c’est une urgence », ajoute le Dr David Soffer, psychiatre libéral à Marseille. Alors, comme pour toute rédaction de certificat, il vaut mieux s’appuyer sur l’encadrement de la loi.

Une fiche mémo de la HAS datant de 2018 le résume ainsi : « L’admission d’une personne en soins psychiatriques sans consentement se fait :

- « soit consécutivement à la demande d’un tiers, en urgence ou non (SDT ou SDTU) avec deux certificats médicaux,
 ou sans demande de tiers en cas de péril imminent (SPI) » avec un seul certificat et bien entendu « sur décision du directeur de l’établissement de santé (SDDE) » (art. L. 3212-1 du Code de la santé publique) :

- « soit sur décision du représentant de l’État (SDRE) (art. L. 3213-1 du Code de la santé publique) » ;

- « soit sur décision de justice (SDJ) (art. 706-135 du Code de procédure pénale) ».

Garder en tête la nécessité de soins

« Ce certificat n’est pas un diagnostic, rapporte encore le Dr David Soffer, le médecin doit juste rapporter un état. » « C’est avant tout descriptif et l’auteur du certificat doit garder en tête la nécessité de soins », ajoute le Dr Jean-Marc Henry, chef de service à l’Unité d’accueil psychiatrique à la Timone à Marseille.

Ainsi, si c’est le médecin généraliste qui est en première ligne, il doit compléter un des deux certificats nécessaires à l’admission en psychiatrie décrivant des faits, la gravité de l’épisode et la dangerosité du malade pour lui et/ou pour son entourage s’il y a lieu ! Ce certificat est une étape primordiale. « C’est une bonne pratique de rédiger ces certificats ; il faut savoir que plus il y a retard de prise en charge de certains états psychotiques, moins on augure un bon pronostic », reprend le Dr Henry.

Le syndicat REAGJIR a rédigé à l’intention des jeunes médecins remplaçants ou installés une fiche informative qui synthétise les situations qui relèvent de la responsabilité d’hospitalisation sans consentement. En annexe le syndicat propose aussi des modèles de certificats à recopier obligatoirement de manière manuscrite. On doit y révéler l’identité du patient, du demandeur, une phrase qui résume la demande, la signature et la date du certificat. Ce dernier ne reste valable que deux semaines avant l’hospitalisation sans consentement !

Dans certains cas, le médecin peut faire venir une ambulance qui accompagnera le patient directement aux urgences psychiatriques.

Le relais passé, c'est au directeur de l'établissement spécialisé que revient la décision d'admission du malade sur la foi de deux certificats médicaux circonstanciés. Le deuxième émanant d’un psychiatre ou d’un autre médecin thésé.

La loi du 5 juillet 2011 précise aussi que le recours à ce type d’hospitalisation doit faire intervenir plusieurs médecins pour des évaluations psychiatriques régulières pendant le séjour en HP et cela dès les premières 24heures.

Privilégier l’hospitalisation libre

Pendant les études, l’interne essaye de se projeter s’appuyant sur la théorie de la rédaction des certificats mais en tant que stagiaire il n’est pas habilité à compléter un document d’hospitalisation sans consentement. Ce sont seulement les statuts de remplaçant ou d’installé qui lui permettent de répondre à cette démarche.

Si la rédaction de ce certificat fait partie ensuite des responsabilités du médecin généraliste, elle n’est jamais facile. Le jeune médecin doit se libérer de toute pression familiale pour prendre une décision objective !

Le statut de médecin traitant connaissant les antécédents, l’histoire et les conditions de vie du tiers et du malade permet alors d’objectiver la demande. « Dans la loi, il aurait dû être le pivot de l’accompagnement des patients. Dans les faits, continue le Dr Henry, la démarche d’hospitalisation contrainte reste exceptionnelle pour lui. Mais cela dépend cependant des cultures de soins locales, de l’environnement, de la fragmentation sociale, du secteur urbain ou rural. »

L'hospitalisation à la demande d'un tiers ou sans consentement n'intervient qu'en dernier recours, lorsque l'on n'a pas réussi à convaincre le patient d'accepter les soins ou quand ce dernier n’est pas cohérent.

Le jeune médecin doit toujours agir dans l’intérêt du patient et  tenter de dialoguer avec lui afin d’obtenir si possible une hospitalisation libre, c’est à dire consentante ! S’il réussit, le médecin généraliste rédige alors éventuellement un certificat médical préconisant l’hospitalisation et présentant la pathologie du patient.

Enfin l’hospitalisation sans consentement pour une raison somatique n’est pas possible. Dans des circonstances de phobie hospitalière ou de refus de soins, le généraliste peut argumenter en faveur d’une hospitalisation mais ne peut en aucun cas la rendre obligatoire ! « Il faut trouver des moyens détournés, tout en respectant le secret médical, négocier parfois avec le patient pour qu’il « se laisse conduire » aux urgences pour soigner son infarctus comme c’était le cas pour moi récemment », rapporte encore le Dr Vanessa Fortané.

A.C.


Source : lequotidiendumedecin.fr