Alors que le 23e congrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) — qui affiche déjà complet avec 3 500 inscrits — doit se tenir du mercredi 29 novembre au vendredi 1er décembre, le Pr Olivier Saint-Lary, président de l'institution depuis 2020, s'exprime sur la très controversée 4e année de médecine générale. « Il est indispensable que les conditions d'accueil des futurs docteurs juniors soient optimales », alerte-t-il. Le professeur de médecine générale à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines analyse aussi l'effet catalyseur de la crise sanitaire sur la recherche dans cette spécialité.
LE QUOTIDIEN : Lors du 22e congrès du CNGE organisé à Lille en 2022, vous aviez réclamé à l'ancien ministre de la santé François Braun des moyens supplémentaires pour l'enseignement supérieur, avec un accent sur la formation des MSU pour accompagner la 4e année. Un an après, la dynamique est-elle bonne ?
Pr OLIVIER SAINT-LARY : La formation des maîtres de stage universitaire (MSU) a été très compliquée jusqu'au premier semestre 2023. Nous avons travaillé avec la DGOS (ministère) et l'ANDPC (agence nationale du DPC) pour trouver un système plus fluide qui permette de former davantage de MSU. Nous avons cette année obtenu une avancée majeure : la sanctuarisation de l'enveloppe de la formation de maîtrise de stage, non fongible avec le reste des formations du DPC.
Cette évolution a permis d'aller encore plus loin que le « hors quota ». Désormais, les formations à l'encadrement de la maîtrise de stage ne sont plus en concurrence avec d'autres du DPC.
Deuxième point positif : nous sommes parvenus à travailler main dans la main avec la conférence des doyens sur les objectifs pédagogiques des formations à la maîtrise de stage en fonction des cycles d'études médicales (2e et 3e cycles). Dans la précédente mouture, elles étaient difficiles à distinguer.
Combien de MSU ont pu être formés en 2023 ?
Depuis la rentrée de septembre, les formations ont vraiment repris de plus belle. Aujourd'hui, nous comptons 12 790 MSU sur le territoire, soit une progression nette de 413 encadrants depuis l'an dernier. Nous avons constaté un ralentissement au premier semestre 2023 avec seulement 329 nouveaux MSU formés, ce qui était moins que l'année précédente. Toutefois, la dynamique s'est inversée depuis septembre et 497 nouveaux MSU ont été formés. Même s'il faut rester vigilants car les nouveaux arrêtés n'ont pas été publiés, la dynamique est très bonne !
La 4e année du DES de médecine générale entrera en vigueur à la rentrée universitaire 2026-2027. Les conditions de succès sont-elles réunies ?
Il nous appartient à tous (pouvoirs publics, enseignants, élus territoriaux, doyens, etc.) de faire en sorte que tout soit prêt. Tout le monde va devoir se remonter les manches pour que cette 4e année soit réussie. Du côté des enseignants, il y a un enjeu majeur à recruter des MSU de manière renforcée. Du côté des pouvoirs publics, il faut que les annonces sur la dynamique de recrutement soient confirmées. Fin octobre, la mission sur la 4e année a été prolongée par les deux ministres de tutelle : nous allons dans ce cadre continuer à travailler avec les collectivités territoriales pour favoriser la mise à disposition de locaux pour accueillir les futurs docteurs juniors. Il est indispensable que les conditions d'accueil soient optimales. Ce sujet sera discuté pendant notre congrès lors d'une plénière à laquelle participera le vice-président de la commission des Affaires sociales, médecin et député de l'Isère Yannick Neuder.
Quels seront les temps forts du congrès ?
Nous organisons une plénière sur la fin de vie et sur la place que la médecine générale doit jouer dans ce processus. Nous ferons également un focus sur le projet P4DP qui vise à créer le premier entrepôt de données de soins de médecine de ville à l'échelle nationale. Par ailleurs, la grande plénière de jeudi, à laquelle participeront la Haute autorité de santé (HAS) et la Cnam, sera centrée sur la qualité des soins.
Que pensez-vous de la récente annonce de la SNCF d'installer des espaces de télémédecine au sein de ses gares ?
Notre crainte est double : quelle sera la qualité du contenu des téléconsultations proposées ? Quel sera leur niveau de confidentialité ? Cette annonce nous inquiète aussi sur le plan de la continuité des soins car les patients seront pris en charge par des praticiens qui ne les connaîtront probablement pas. Des données présentées par la Drees (ministère) montrent que la téléconsultation n'améliore pas sensiblement l'accès aux soins pour ceux qui en ont le plus besoin. Les patients qui téléconsultent sont principalement des urbains, sans maladie chronique et sans ALD. Cela questionne sur l'intérêt de tels dispositifs.
Un second risque est à prendre en compte : celui de détourner les jeunes médecins d'une installation. Je constate un vrai effet d'aubaine à pratiquer la téléconsultation de manière régulière sur des plages de soins programmées. Les jeunes confrères font vite le calcul de la rentabilité d'un tel système. En comparaison, s'installer à un coût, il faut payer des locaux, un secrétariat, un système de prise de rendez-vous en ligne, le matériel, etc. Nous avons avant tout besoin qu'ils s'installent et qu'ils deviennent médecins traitants plutôt qu'ils deviennent médecins téléconseillers de la SNCF.
Dans quelle mesure la crise du Covid a fait évoluer la médecine générale ?
Sur le plan de la recherche, le Covid a eu un véritable effet catalyseur. La question de la recherche ambulatoire en santé était complètement absente du débat public. Il y a encore dix ans, c'était un sujet anecdotique qui s'est développé très progressivement. Le Covid nous a fait comprendre que nous n'étions pas en avance sur ce sujet. Aujourd'hui, nous espérons que cette prise de conscience va déboucher sur des modifications structurelles car nous avons une marge de progression certaine dans la recherche en médecine générale.
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