LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous vous présenter ?
ÁLVARO CERAME : Je m’appelle Álvaro Cerame, je suis espagnol et je fais mon internat de psychiatrie à Madrid. J’ai été élu président de l’European Junior Doctors (EJD) en novembre dernier. Mon mandat a commencé début janvier.
Quels sont les objectifs de l’association ?
Depuis sa création sous ce nom en 2018, l’association réunit des internes de toute l’Europe. Nous représentons au total plus de 300 000 jeunes médecins issus de 26 pays. L’objectif principal de l’EJD est de défendre les intérêts des internes. Au fil des années, l’organisation s’est imposée comme un interlocuteur de choix auprès des institutions européennes (Commission européenne, Parlement, Conseil de l’Europe) et des instances représentatives du système de santé (ministères de la Santé, Comité permanent des médecins européens).
Le fait d’être réunis au sein d’une même association et d’avoir un porte-parole nous permet de défendre nos intérêts et d’être mieux écoutés. Lorsque des décisions sont prises à l’échelle européenne, notre avis est entendu. Nous sommes membre consultatif du Conseil de l'Europe depuis 1986. Être réunis nous offre aussi la possibilité d’échanger nos pratiques et de collecter des données consolidées des internes à l’échelle européenne.
L’assemblée générale de l’EJD vient de se tenir les 3 et 4 mai. Quels ont été les sujets abordés ?
Les débats ont été riches. Nous avons consacré une de nos sessions à la mobilité des jeunes médecins et des professionnels de santé. Depuis plusieurs années, les échanges transfrontaliers se font plus nombreux, ce qui cause parfois des problèmes de “main-d’œuvre”. De nombreux pays souffrent d’un manque de personnel ce qui crée de véritables déserts médicaux.
Nous avons aussi débattu des conditions de travail des médecins et des internes. Dans la plupart des pays européens, les praticiens explosent la limite du temps de travail légal et subissent une pression importante et parfois même des violences sur leur lieu de travail. Il y a une marge de progression très importante à ce niveau.
Enfin, nous avons adopté une nouvelle position sur l’urgence climatique, sujet que nous avions jusqu’à maintenant très peu abordé. En tant qu’acteur du système de santé, il nous semble essentiel de prendre des engagements en faveur de l’environnement. Nous avons discuté de la façon dont nous pouvions agir concrètement.
Votre organisation a publié une étude alarmante sur les conditions de travail des internes. Quels sont les principaux enseignements ? Comment améliorer cette situation ?
Cette étude montre que les internes européens dépassent allègrement le temps de travail légal fixé à 48 heures hebdomadaires. C’est un problème auquel il faut s’attaquer. Arrivés à l’internat, les étudiants en médecine font des stages pour se former à leur futur métier. Ils oscillent alors entre deux statuts, celui de jeune docteur et d’étudiant. Pendant cette période, on remarque que les exigences de formation compromettent parfois le respect du droit du travail et notamment le temps travaillé.
Les établissements qui accueillent ces jeunes en formation doivent impérativement respecter la loi pour leur permettre d’apprendre dans de bonnes conditions et éviter les dérives qui mènent notamment au burn-out et aux troubles psychiques.
Comment qualifieriez-vous la situation des internes espagnols ?
Je pense qu’elle est assez comparable à celle des internes français, en raison de nos similitudes culturelles et sociétales. En Espagne, 80 % des internes travaillent au-delà du maximum légal ! Et 50 % ne peuvent pas profiter des périodes de repos après les gardes de 24 heures. Par ailleurs, 50 % des internes n’ont pas le droit à leur repos hebdomadaire.
Faut-il faciliter les mobilités transfrontalières ?
Si c’est une volonté propre du personnel médical, nous pensons que la mobilité doit être encouragée entre les pays de l’UE. En revanche, nous pensons que les médecins ne doivent pas prendre cette décision pour de mauvaises raisons. Le système de santé international et européen fait face à de nombreux défis sur le plan démographique. Ces mobilités transfrontalières posent donc des questions d’ordre éthique.
Nous devons faire attention à ne pas créer des disparités entre pays en proposant à des médecins de bien meilleures conditions que dans leur pays d’origine ! Avec cette fuite des cerveaux le risque est d’accentuer la crise démographique que traversent certains pays. Évidemment, si c’est une décision bien réfléchie, bien sûr que les échanges doivent être facilités et encouragés. Avec toujours le souci de s’assurer que les qualifications des médecins soient reconnues pour préserver un système de santé de qualité.
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