Le contexte et l’ambiance ont bien changé en un an et demi.
En juin 2021, lors du 20e Congrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), une table ronde sur la quatrième année du DES de médecine générale avait déjà été organisée. À l’époque étudiants, internes, enseignants, chacun présentait sa vision de cette encore hypothétique année supplémentaire.
Pour cette 22e édition du Congrès duCNGE qui s’ouvrait ce mercredi 14 décembre à Lille, une plénière était de nouveau organisée sur le sujet de la phase de consolidation. Mais depuis le PLFSS 2023, ses nombreux 49-3 et l’article qui crée cette 4A sont passés par là ainsi que les grèves étudiantes contre cette fameuse mesure.
Logique d'accès aux soins contre logique pédagogique
Le ton des internes était donc bien différent. « Il est difficile pour nous d’y voir autre chose qu’une année de plus, a souligné Raphaël Presneau, président de l’Isnar-IMG. L’internat est une période difficile, où nous sommes mal payés, où les risques psychosociaux explosent… Dans ce contexte-là, forcément la 4A nous ne la demandons pas ».
L’interne a aussi fustigé un « procédé législatif inacceptable à tous points de vue ». Il rappelle aussi que cette quatrième année a été intégrée au PLFSS 2023 davantage dans une logique d’accès aux soins que de formation et qu’elle s’inscrit dans une tendance globale qui consiste à demander aux jeunes de palier les déserts médicaux.
Le président de l’Isnar-IMG a donc partagé les craintes des futurs généralistes : la coercition, le manque de supervision, le fait d’être livré à soi-même sans plus value pédagogique, les problèmes d’éloignement, de transports, de logements, etc. « Avec ce projet, les internes vont passer de variable d’ajustement des hôpitaux à variable d’ajustement des zones sous-denses », a-t-il insisté.
Sarah Daubresse, vice-présidente de l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France) chargée des études médicales, a rappelé elle aussi que la crainte principale des étudiants était le manque d’encadrants et d’enseignants. Des craintes qui risquent de détourner les étudiants de la spécialité, comme le montre l’enquête récemment réalisée par l’Anemf.
Selon elle, leur frilosité s’explique aussi par les précédents des réformes du 1er et du 2e cycle, pour lesquelles, particulièrement la R2C, les textes ont eu toutes les peines du monde à sortir alors même que les étudiants étaient déjà engagés dans le nouveau système. Un prérequis indispensable pour les futurs internes est donc de « connaître l’entièreté de la maquette » avant de valider cette quatrième année.
« Merci de considérer nos craintes qui sont issues de notre vécu », a conclu Raphaël Presneau avant d’être applaudi pendant de longues minutes par la salle.
Beau projet et cohérent
Et justement, face à ces inquiétudes, la tâche était ardue pour les représentants des enseignants présents, eux plutôt favorables au projet. Ils ont tenté de défendre le projet d’un point de vue pédagogique.
Le Pr Didier Samuel, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, a rappelé l’avis favorable de la conférence au projet. « Il ne faut pas que cette quatrième année soit un chapeau en plus sur trois ans mais elle nécessite une vraie réflexion sur l’ensemble de la maquette », a-t-il souligné. Selon lui, cette année supplémentaire devrait permettre notamment le retour d’un stage libre et/ou d’inclure la réalisation d’une formation spécialisée transversale (FST) au cours de l’internat.
Le Pr Laurence Compagnon du CNGE y voit quant à elle « un beau projet très cohérent ».
Un projet qui se justifie par le fait que le cursus actuel ne permet pas de suffisamment maîtriser certaines compétences, notamment sur l’éducation thérapeutique, la coordination des soins, le professionnalisme…
« Il y a un manque de temps long en médecine générale pour pouvoir être suffisamment confronté aux situations authentiques de la discipline », détaille-t-elle.
« Je trouve que ce projet nous donne l’opportunité d’avoir un beau projet avec un premier recours de qualité, un haut niveau de compétences avec des meilleurs professionnels et en lien avec leur projet professionnel. Et en lien avec les besoins des territoires car cela fait aussi partie de la déontologie médicale que de répondre aussi aux besoins de santé », estime-t-elle.
Des besoins d'enseignants et de maîtres de stage
Mais, si elle est convaincue de la pertinence du projet « on entend surtout des peurs », considère-t-elle. Elle a donc détaillé les contours pédagogiques travaillés par le CNGE, « que nous n’avons pas travaillé tout seul », précise-t-elle.
La phase socle sera inchangée, la phase d’approfondissement serait composée d’une première année en médecine polyvalente et santé de la femme et de l’enfant et d’une deuxième année en stage de niveau 2 et en stage libre en lien avec le projet professionnel. Enfin la phase de consolidation, soit la quatrième année serait une année de MG en ambulatoire, sauf exception.
« Il est indispensable que les étudiants qui veulent rester au même endroit soient prioritaires car il y a un enjeu à s’installer dans le temps long et qu’ils puissent revoir les patients notamment », précise-t-elle.
Pour la supervision, un maître de stage (MSU) devra être sur le territoire à 30 minutes au plus et côté rémunération le CNGE est favorable à une partie d’intéressement aux actes « ce qui permettrait de se familiariser avec le libéral notamment ».
Côté cours dispensés pendant cette année supplémentaire, le Pr Compagnon évoque une formation plus poussée à l’approche globale, un travail sur le suivi psychothérapeutique en MG, le numérique en santé, les modalités d’installation et la gestion, les urgences au cabinet ou encore le travail pluripro. Pour tout ça, le CNGE a évalué à 276 ETP les besoins d’enseignants en médecine générale.
Côté maître de stage, même s’ils sont plus de 12 000 aujourd’hui, cela risque de ne pas suffire. Le Pr Samuel et l’Anemf évoquent le chiffre de 14 000 MSU nécessaires, a minima.
« Nous avons besoin de plus de moyens et tant que ça ne sera pas tranché, il y aura des craintes, a évoqué le Dr Élise Fraih, présidente de ReAGJIR présente dans la salle au moment des questions. Ce projet il faut le faire en ayant le courage d’avoir des données qualitatives sur toutes les craintes, sur tous les freins, sur tout ce qui nous freine encore à nous construire correctement. Dommage qu’il y ait ce degré d’urgence qui nous fasse tous avoir peur ».
Peut-être François Braun qui sera présent demain au congrès sera en mesure d’apaiser certaines craintes ou au moins apporter des premières réponses.
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