La procédure d’appariement officielle n’a pas encore commencé mais certains futurs internes, ayant procédé aux premiers tours de simulation d’amphi de garnison, s’inquiètent déjà de ne pas obtenir leur spécialité rêvée.
Depuis le 3 août, date de l’ouverture de la phase de simulation de la nouvelle procédure d’appariement, de nombreux néo-internes évoquent sur les réseaux sociaux les difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir telle ou telle spécialité en dépit de très bon rang de classement.
À classement identique, certains jugent d’ailleurs qu’ils auraient pu, l’an passé, obtenir des spécialités auxquelles ils n’ont aujourd’hui pas accès.
Profond sentiment d’injustice
C’est notamment le cas d’Hélène Herubel, étudiante en 6e année de médecine. « Dans le classement spécifique à l’ORL, je suis classée environ 3000e. L’année dernière, le dernier pris dans cette spécialité était classé 3 358e. Cette année, selon les premières simulations, le dernier est classé au rang 2 400. Si j’avais passé le concours l’an dernier, avec mon classement, j’aurais certainement pu avoir l’ORL. Là je me retrouve avec mon deuxième choix qui est la chirurgie digestive dans une ville qui ne m’intéresse que moyennement, souffle l’étudiante, dépitée. Et c’est le cas pour plein d’autres étudiants… »
Elle ajoute : « Avec la réduction du nombre de postes cette année [avec la réforme, moins de candidats se sont présentés au concours et ont préféré redoubler, ndlr], on observe une sorte d’effet domino. Finalement des étudiants même très bien classés n’ont pas accès à leur choix numéro 1 et se rabattent logiquement sur le numéro 2. Résultats, tous les postes désirés se concentrent en début de promotion ce qui fait qu’on se retrouve en milieu de promo à ne plus avoir ce qu’on aurait pu envisager l’an dernier ».
Pour dénoncer ce qu’elle considère comme une injustice, l’étudiante a même lancé une pétition afin de réclamer la réouverture urgente de places. « Les postes proposés pour l’internat ont été diminués (…) sans toutefois prendre en compte la force des demandes pour certaines spécialités », écrit-elle dans la pétition.
Lors des premiers tours de simulation, les rangs limites pour accéder à la plupart des spécialités ont avancé de « 1 000 places au moins » par rapport à 2023. « Par exemple, un étudiant qui souhaite faire un internat de chirurgie digestive à Paris doit être aujourd’hui être classé parmi les premiers 23 % de sa promotion, contre 35 % l’an passé ».
Des spécialités plus ou moins amputées de leurs postes
Mais le recul des rangs limites est-il la preuve qu’il est aujourd’hui plus dur d’accéder à certaines spécialités très prisées ? Pour le Pr Benoît Veber, président de la Conférence des doyens, « ce calcul est faux ».
« On entend effectivement beaucoup d’étudiants dire “l’an dernier, j’aurais pu avoir telle ou telle spé”. Mais ils se trompent, le classement de cette année n’est pas du tout comparable à celui de l’an dernier car il y avait beaucoup plus d’internes à répartir. Pour avoir une idée, il faudrait qu’ils calculent leur rang projeté dans la promotion précédente en ajoutant environ + 600 à 800 places, cela correspond aux nombres d’étudiants qui ont préféré redoubler leur cinquième année pour avoir une année de plus pour se préparer au concours ».
Mais cet argument est contesté par certains étudiants. « On ne peut pas savoir où les étudiants redoublants se seraient situés s’ils avaient décidé de passer le concours, peut-être qu’ils auraient été répartis équitablement sur l’ensemble du classement ou alors peut-être qu’ils se seraient retrouvés en bout de classement, pointe Hélène Herubel. « Ce qui paraît d’ailleurs plus probable. S’ils ont redoublé c’est que leurs notes ne devaient pas les satisfaire ».
En qui concerne la réduction du nombre de postes disponibles (-16 % ), celle-ci a été calculée de « façon non proportionnelle » par le gouvernement, accuse encore l'Union étudiante, fédération de syndicats et d'associations. Certains postes de spécialités, comme la chirurgie plastique, « ont été diminués de moitié », quand d’autres comme la chirurgie pédiatrique n’ont pas bougé. La psychiatrie ou encore la pédiatrie n’ont pas non plus subi de réduction par rapport à l’an dernier.
Une décision somme toute logique pour le Pr Benoît Veber. « Le ministère a considéré qu’il y avait une priorité* de santé publique pour ces spécialités en grandes difficultés. Elles ont donc été sanctuarisées. Selon les spécialités et les villes, il y a des variations [diminution qui varie de 14 % à 19 % ] mais globalement, ça correspond à la baisse globale du nombre d’étudiants », assure le doyen des doyens.
Il ajoute : « Si on avait gardé le même nombre de postes que l’année dernière, il y aurait eu beaucoup plus de postes ouverts que d’internes avec le risque d’une répartition inégale, avec par exemple des villes du Nord, traditionnellement moins attractives qui auraient été totalement délaissées ».
Une attractivité qui évolue d’année en année
En résumé, à la question, « Est-il plus difficile d’avoir une spécialité prisée cette année plutôt que l’an dernier ? » Le Pr Benoît Veber apporte une réponse nuancée.
« C’est très complexe de le savoir car il y a à la fois moins de postes mais aussi moins d’internes à répartir. Mais personnellement, je pense que c’est strictement pareil entre cette année et l’an dernier. Après il y a aussi la dynamique des spécialités et des choix de carrière qui évoluent. À mon époque, par exemple, la chirurgie digestive était choisie dans les premières de l’internat, maintenant c’est un peu moins choisi donc c’est peut-être plus facile d’être chirurgien digestif de nos jours ». Il faudra dans tous les cas attendre les résultats définitifs, prévus le 10 septembre, pour y voir plus clair.
De son côté, le Centre national de gestion (CNG) appelle à la prudence. « Le changement de modalités d’affectation [les étudiants ne disposent plus d'un classement unique, mais d'un classement en fonction de 13 groupes de spécialités], rendent toute comparaison avec le système antérieur très délicate. Seules des études statistiques poussées permettront d’en tirer une analyse ».
*Chaque année, la répartition des spécialités est calculée selon les besoins de chaque territoire par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS).
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