LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous nous présenter votre exercice médical actuel ?
ARIEL TOLEDANO : J’exerce exclusivement en libéral à Paris et ce, depuis un peu moins de trente ans. Mon activité comprend des explorations vasculaires, avec une orientation importante en traitement phlébologique comme la sclérothérapie et le laser. Par ailleurs, en ville, nous avons une forte demande esthétique, que nous prenons en charge d’une manière globale par rapport à l’évolution de la maladie veineuse.
MARGAUX MANNARA KAHN : De mon côté, je suis interne en stage à l’hôpital Saint-Joseph, aux explorations fonctionnelles, dans un service où je fais de l’échographie Doppler de façon quasi exclusive. Et, dans un mois, je prendrai un poste de docteur junior, toujours à l’hôpital Saint-Joseph : ce sera un poste mixte avec de la consultation, de l’échographie Doppler et de la supervision d’internes…
Comment en êtes-vous venus à pratiquer la médecine en général, et la médecine vasculaire en particulier ?
A. T. : La médecine est une vocation, j’ai toujours eu cette volonté de soigner. Et la médecine vasculaire a été, comme souvent, une histoire de rencontres. J’ai fait toutes mes études à l’hôpital Broussais, à Paris, où des médecins comme le Pr Alain Carpentier et le Pr Jean-Noël Fabiani m’ont encouragé à m’orienter vers la médecine vasculaire. C’était le début des échographies Doppler, qui donnaient la possibilité d’évaluer l’état vasculaire des patients avant la chirurgie cardio-vasculaire. Ce qui m’a attiré, c’était de voir que cette discipline était en pleine évolution car les techniques d’imageries nouvelles permettaient une prise en charge innovante de la pathologie vasculaire périphérique.
La médecine vasculaire est une spécialité très transversale
Margaux Mannara Kahn
M. M. K. : Je suis pour ma part issue d’une famille de médecins, et dès l’âge de 4 ans, je n’avais pas vraiment d’autre idée de métier en tête. Mais quand j’ai eu mon bac, j’avais à peine 16 ans et je me sentais relativement immature, j’ai donc commencé par faire un master de biologie, avec une orientation recherche. Ce n’est qu’ensuite que j’ai décidé de faire une passerelle pour accéder directement à la deuxième année de médecine. J’ai mis la recherche entre parenthèses, j’ai commencé mes études de médecine à Montpellier et je les ai poursuivies à Paris. Mon idée de départ était de faire de la cardiologie, mais c’était une spécialité où l’ambiance ne me convenait pas tout à fait, et où il pouvait y avoir beaucoup de gardes. Après les ECN, j’ai beaucoup hésité et je suis tombée, sur Instagram, sur une interne qui parlait de la médecine vasculaire. Cela m’a rappelé un stage d’externat que j’avais effectué dans le service de Saint-Joseph où je suis actuellement. J’avais beaucoup aimé, cela a fait tilt et je me suis renseignée… J’ai compris que la médecine vasculaire était une spécialité très transversale, où l’on pouvait faire de la plaie, de l’imagerie, de l’esthétique, de la microchirurgie, des maladies rares, des maladies génétiques, du cancer… Et j’ai choisi la médecine vasculaire !
Comment voyez-vous les évolutions passées et futures de la spécialité ?
A. T. : Quand j’ai été formé, dans les années 1990, on avait des appareils rudimentaires, des Doppler continus, on avait juste le son, on devait dépister les lésions uniquement à l’oreille ! Aujourd'hui, il est très agréable de voir des Doppler toujours plus performants, des possibilités de reconstruction 3D… Nous pouvons désormais faire les choses de façon beaucoup moins invasive, et même sur le plan pharmaceutique, nos prises en charge ont été complètement bouleversées. L’évolution de la spécialité peut par ailleurs se voir dans les noms qu’on lui a donnés. Au départ, nous étions des phlébologues exclusifs, cantonnés aux veines. Puis notre champ des possibles s’est ouvert, notamment à travers le développement de l’exploration de la circulation périphérique, pour devenir de l’angiologie. Et nous sommes devenus depuis 2017 des médecins vasculaires, ce qui nous place désormais au carrefour de nombreuses autres disciplines. Je pense qu’à l’avenir, de plus en plus de médecins vasculaires vont faire des procédures qui seront à la limite entre la chirurgie et la médecine. On ira par ailleurs à mon sens vers des technologies de moins en moins invasives, avec des interventions qui se feront de plus en plus en ambulatoire.
M. M. K. : La spécialité a fortement évolué mais est encore relativement nouvelle, il reste énormément de choses à connaître. Contrairement à certaines spécialités où il y a des progrès à attendre, mais où ceux-ci consistent surtout à améliorer l’existant, nous pouvons nous attendre à des transformations fondamentales. Je pense que nous allons avoir des machines qui deviendront encore plus compétentes. Et concernant la phlébologie, je vois qu’on a beaucoup évolué depuis les strippings pour les veines de nos grands-parents : on est passé à la radiofréquence, puis au laser, et maintenant aux ultrasons, et je pense qu’on s’oriente vers des gestes de moins en moins invasifs, à tel point que bientôt, on pourra intervenir sans même ouvrir ni piquer.
La coopération avec d’autres spécialités ou d’autres professions est-elle importante pour votre exercice ?
A. T. : C’est toujours important, la médecine ne se conçoit qu’à travers les échanges entre les praticiens, et nous travaillons en permanence avec des cardiologues, des chirurgiens vasculaires, etc. Les avis sont concertés et les décisions sont prises de façon conjointe.
M. M. K. : Les liens sont effectivement importants avec les chirurgiens vasculaires et les cardiologues, mais on peut aussi citer les diabétologues, les infectiologues, avec lesquels nous travaillons véritablement en équipe. Et les infirmières sont indispensables à nos côtés, notamment parce que nous faisons beaucoup de pansements, pour lesquels elles sont particulièrement compétentes.
Cette pratique a l’avantage d’allier l’exploration, les traitements, etc.
Dr Ariel Toledano
Que diriez-vous à un externe qui hésiterait à s’orienter vers la médecine vasculaire ? Tenteriez-vous de le convaincre ?
A. T. : En tant que médecin libéral, je tenterais surtout de le convaincre de s’installer en ville, car nous voyons trop peu de jeunes s’installer. Je lui dirais qu’en ville, il pourra gérer son temps comme il le souhaite. C’est par ailleurs une pratique qui a l’avantage d’allier l’exploration, les traitements, etc. Et ceux qui sont sensibles au côté esthétique de l’exercice peuvent s’y engager. L’exercice de la médecine vasculaire est très diversifié et on pourra l’orienter en fonction de ses désirs, soit dans le domaine de l’exploration, soit en l’associant à des propositions thérapeutiques variées qui peuvent se faire au cabinet, en clinique ou à l’hôpital.
C’est une spécialité qui touche à tous les organes, il y a des vaisseaux partout !
Margaux Mannara Kahn
M. M. K. : C’est une question qu’on nous pose souvent car quand on approche de la fin d’internat, on est souvent contactés par les futurs internes. Donc oui, j’essaierais aussi de convaincre cet externe, en disant que nous avons de toutes petites promotions où tout le monde est vraiment soudé : la mienne compte sept personnes, mais c’est la plus importante. L’ambiance est très bienveillante, je n’ai jamais connu de personnes qui ne s’entendaient pas entre elles. Et pour quelqu'un qui ne sait pas exactement comment orienter son exercice, cette spécialité permet de faire des choix doucement.
Par ailleurs, c’est une spécialité qui touche à tous les organes, il y a des vaisseaux partout ! Donc si on a plus d’affinités avec le pied, on peut décider de ne faire que du pied ; si on a plus d’affinités avec le cerveau, on peut décider de ne faire que du cerveau. On peut par ailleurs faire en médecine vasculaire tous les types d’exercice possibles : du libéral, de la clinique, de l’hôpital, de la recherche, de l’universitaire… Pour moi, par exemple, qui me suis toujours vue exercer en libéral afin de pouvoir choisir mon lieu d’exercice, mes horaires, etc., mais qui souhaite garder un lien avec l’hôpital, notamment pour les staffs, tout est possible. J’envisage, après un ou deux ans d’assistanat, d’avoir une activité mixte entre le libéral et la clinique, tout en gardant au moins une demi-journée à l’hôpital et, pourquoi pas, à terme, reprendre la recherche ! Et sur le plan médical, ce n’est pas comme des spécialités comme la gynécologie, par exemple, où il y a beaucoup de stress, et où la charge mentale peut être terrible. Toutes les décisions sont prises au calme, en groupe, sans précipitation. Enfin, la médecine vasculaire est celle qui a le moins de droits au remord pour les internes, cela veut sûrement dire quelque chose !
Margaux Mannara Kahn
2016 : master 2 de biologie humaine à Montpellier et passerelle vers la 2e année de médecine
2021 : interne en médecine vasculaire à Paris
2024 : thèse de médecine et stage à l’hôpital Paris Saint-Joseph
Ariel Toledano
1994 : diplômé de la faculté de médecine de Paris
1996 : capacité d’angiologie et installation à Paris
Depuis 1999 : parution de plusieurs ouvrages sur la phlébologie (dernière publication : Prenez soin de vos jambes, éditions du Cerf, 2022)
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