Il est 8 h 30 ce 3 avril lorsqu’une centaine d’étudiants en cinquième année de médecine s’engouffrent dans un des amphithéâtres de la faculté de médecine de Rouen. À moins de trente minutes du début des examens cliniques objectifs et structurés (Ecos), le stress est palpable et les esprits s’échauffent dans l’assemblée. Compréhensible. Cette épreuve facultaire constitue 40 % de leur note pour l’obtention du certificat de compétence clinique (CCC), diplôme validant l’aptitude des étudiants à exercer la médecine et prescrire une fois arrivé à l’internat.
« Bienvenue à tous, je vais vous expliquer le déroulé de la journée, ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer », tente de rassurer la Pr Isabelle Auquit-Auckbur. La chirurgienne plasticienne, en charge de l’organisation et du pilotage des épreuves, liste rapidement les règles. « Comme vous le savez, vous allez être évalués sur cinq mises en situations cliniques différentes. »
Connaissances, raisonnement et communication
Une fois les formalités rappelées, le tempo est donné : « Charlotte, tu suivras le parcours orange et tu commenceras en station 1, Bastien en station 2 », et ainsi de suite, énumère l’enseignante, telle une cheffe d’orchestre.
À peine les étudiants arrivés devant leur salle d’examen, un bruit sourd retentit. C’est la corne de brune qui annonce le début de l’épreuve. Marie, étudiante, entre dans la petite pièce dédiée à la médecine interne après avoir pris connaissance des consignes affichées sur la porte. Une patiente standardisée l’attend.
Le cas clinique présenté est relativement simple : la « patiente », Mme Martin, a été adressée par son médecin traitant pour initier une corticothérapie pour un diagnostic d’artérite à cellules géantes. Sans remettre en cause le diagnostic, l’apprentie interniste doit expliquer à sa patiente les principes du traitement et ses éventuelles complications. « La corticothérapie est un mot un peu barbare, désamorce l’étudiante. Ce traitement est associé à de nombreux effets indésirables mais ne vous inquiétez pas, il y a des mesures à mettre en œuvre pour les éviter », rassure-t-elle, très à l’écoute. Passé huit minutes, l’épreuve est terminée. L’avertisseur sonore annonce la fin de la station et le début d’une autre. Les étudiants ont une minute pour changer de salle. Le temps est millimétré et la mécanique bien huilée.
Une longueur d’avance
Normal, la fac de Rouen n’en est pas à son coup d’essai et occupe même un rôle pionnier dans la mise en place de ce mode d’évaluation, inspiré directement des pays anglo-saxons. Les premiers Ecos ont été organisés par le département de médecine générale en 1995. Cette modalité d’évaluation a ensuite été implantée en 2008 pour remplacer l’oral du certificat de compétence clinique (CCC), anciennement certificat de synthèse clinique et thérapeutique (CSCT). « Cet oral se faisait à l’époque au lit du malade, dans des conditions tout sauf équitables », renseigne la Pr Auquit-Auckbur, à l’origine du changement.
Depuis cette date, tous les étudiants dès la fin de leur premier cycle ont le droit aux Ecos. « On expérimente les Ecos dès la troisième année avec des stations en anglais et en communication. C’est sûr qu’on commence à être rodé », lâche Matthieu, étudiant en 5e année. Lorsque le principe d’une réforme de l’accès à l’internat – avec l’introduction d’Ecos validant et classants pour l’affectation des futurs internes – a été annoncé par Agnès Buzyn en 2018, Rouen a même servi de modèle.
Malgré cette longueur d’avance, l’organisation d’Ecos nationaux n’est pas de tout repos. Entre la formation des patients standardisés, le recrutement des examinateurs, la logistique… « On est bien préparé mais organiser cette épreuve à l’échelle nationale complexifie forcément les choses », confie le Pr Benoît Veber, doyen de la faculté de Rouen et président de la Conférence des doyens. D’autant plus avec la menace de grève des hospitalo-universitaires examinateurs.
Pour l’examen final qui aura lieu les 28 et 29 mai, dix stations sont prévues. À Rouen, plus de 100 personnes seront mobilisées. Pour éviter la triche, un amphithéâtre d’accueil et de sortie seront mis en place. Interdiction d’entrer avec son téléphone ou des dispositifs connectés. Mais le risque zéro n’existe pas, admet le Pr Veber. « Si un étudiant veut contourner la réglementation en utilisant des micros objets connectés, difficile de l’en empêcher. On a réfléchi à des brouilleurs mais c’est pour l’instant interdit », avertit-il. La vigilance sera donc de mise.
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