LE QUOTIDIEN : La Fédération des centres de santé accuse la Cnam et les médecins libéraux d’immobilisme en matière de rémunération au forfait. Que demandez-vous ?
Dr FRÉDÉRIC VILLEBRUN : Notre souhait, c’est qu’il y ait un grand plan pour le développement des centres de santé publics ou à vocation de service public. Agnès Firmin Le Bodo avait annoncé qu’elle y travaillait et le dévoilerait au premier trimestre 2024. Nous espérons que son successeur, Frédéric Valletoux, n’a pas abandonné ce projet. À l’USMCS, nous considérons qu’au regard de la désertification médicale, nous avons besoin de structures pivots qui maillent le territoire et prennent en charge des patients sans dépassement d’honoraires, en pratiquant des dispenses d’avance de frais. Nous avons toujours eu le souhait d’avoir notre propre modèle de développement, mais sans nous opposer aux médecins libéraux. Développer les centres de santé, c’est peut-être le moyen d’éviter toute coercition à l’installation des professionnels de ville, en garantissant un service ambulatoire de proximité en lien avec les communautés professionnelles (CPTS) sur des territoires de 50 000 habitants, en secteur rural ou urbain.
Les récents propos du président de la République sur le développement du paiement à la capitation semblent aller dans votre sens…
Ils ont surtout suscité une réaction extrêmement défensive des libéraux. Mais ils se trompent de cible. Pourquoi vouloir à tout prix empêcher le développement de centres de santé publics alors même que c’est ce qui permettrait de garantir une pérennité à l’exercice libéral ? On peut comprendre que les propos d’Emmanuel Macron aient pu heurter, mais laissons les centres de santé développer leur propre mode de financement, celui qui leur correspond. Or nous n’avons pas la possibilité d’intégrer le paiement collectif forfaitaire Peps en expérimentation. C’est un vrai problème.
Forfait que la Cnam négocie en ce moment avec les équipes libérales volontaires. N’y a-t-il pas là un paradoxe ?
Un peu. Pour nous, il serait d’abord intéressant de développer l’expérimentation avec les structures qui le souhaitent, donc les centres de santé. Si certains libéraux veulent s’y adjoindre, tant mieux. Mais tel que cela leur a été présenté, c’est un chiffon rouge qu’on agite et en même temps ce n’est pas vraiment leur tracer une direction. Cela fait plus de cinq ans que l’expérimentation Peps a été lancée et la plupart des maisons de santé libérales qui s’y étaient engagées en sont sorties. Je ne pense pas que cette expérience donne envie à des structures ou à des médecins de ville de se lancer dans le forfait en l’état actuel des propositions qui sont faites.
Mais aux centres de santé, si ?
Sous réserve que la Cnam revoie son mode de calcul du forfait, qui reste actuellement plafonné à 120 % du taux de base calculé sur l’année de référence 2019. En clair, sur une activité entièrement fondée sur l’acte en 2019, on ne peut dépasser 120 % de ce montant. Mais outre le fait qu’on ne peut se référer indéfiniment à 2019, il n’existe toujours pas de forfaits qui soient réellement calculés selon des critères de pertinence, d’activité et de qualité des soins spécifiques aux centres de santé.
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