Dr Patrick Bouet, président de l'Ordre des médecins : « La force de la parole médicale a été fragilisée par des pseudo-experts »

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Publié le 25/09/2020
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Voir autant de médecins sur les plateaux télé, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Dr Patrick Bouet : Dans une crise de cette nature, il m’apparaît bénéfique que les professionnels de santé fassent partie des personnes que les médias interrogent, que ce soit pour parler de leur expérience personnelle ou analyser la situation. Mais beaucoup de médias ont fait appel à un grand nombre de professionnels érigés en experts et devenus des vedettes de plateau. Cela ne sert pas le débat scientifique.

Qu’apportent les praticiens lors de ces interventions ?

Dr P. B. : Ils apportent leur vision d’un problème d’actualité ou de santé publique qui peut éclairer le public ou le journaliste sur la compréhension du phénomène. Mais il faut être très prudent. Les médecins doivent rester dans leur domaine de connaissance et de compétence. Ils ne doivent pas se laisser embarquer dans l’interprétation de faits ou dans la polémique. Ils doivent toujours avoir à l’esprit qu’ils ne s’adressent pas seulement aux journalistes mais aussi aux lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.

Au début de l’épidémie, les médecins se sont trompés sur la gravité de la crise. Cela a-t-il décrédibilisé la profession ?

Dr P. B. : Cela a créé de la confusion. Face à une crise de cette nature, il importait de procéder par petits pas. Beaucoup de nos confrères ont été pris de court car les données qui auraient permis de se projeter dans l’épidémie manquaient. Forcément, des prises de position de médecins ont pu entraîner la perplexité du public. La médecine est une science exacte, qui pose des hypothèses et les voit ensuite confirmées ou infirmées. Le public attendait peut-être plus de réponses fermes et définitives. Le fait que les médias aient ouvert leurs portes à des experts autoproclamés a fragilisé la force, l’impact de la parole médicale. Le mélange avec de vrais experts a créé de la cacophonie. Et a rendu difficile la compréhension de la stratégie médicale contre le virus. Cela doit nous rendre prudents et humbles.

Appartient-il au médecin d’intervenir dans les médias ?

Dr P. B. : L’information du public et la participation aux actions de santé publique font partie des devoirs déontologiques du médecin, dès lors qu’il parle en termes généraux et qu’il ne fait pas la promotion de sa propre activité.

Certains ont-ils enfreint ces règles ?

Dr P. B. : Des conseils départementaux sont en train d’étudier des cas individuels de professionnels qui ont été médiatisés. Dans certains cas, les CDOM se sont autosaisis, dans d’autres il s’agit de plaintes entre confrères (le Dr Raoult est poursuivi par la Spilf pour avoir notamment diffusé de fausses informations, ndlr). Celles-ci sont en rapport avec l’honneur de la profession en général et la confraternité en particulier. Il y a donc eu quelques litiges mais par rapport à l’ensemble des professionnels qui se sont exprimés, cela reste relativement marginal.


Source : Le Généraliste