Au troisième étage du pôle de santé Saint-Laurent, à Caen, se niche la Cellule de coordination de soins non programmés (CCSNP), créée en 2020 sous l’impulsion du Dr Antoine Leveneur, médecin généraliste FMF et président de l’URML Normandie. Sa mission ? Trouver une solution médicale rapide – rendez-vous en présentiel ou en téléconsultation – pour les patients dont la prise en charge ne relève pas de l’urgence vitale, et qui ont été redirigés par le Samu/SAS. « Cet espace de coordination rend service aux patients et aux médecins, bref à tout le monde ! », vante le praticien normand.
« C’est plutôt une petite journée avec 40 patients contre 110 pour les plus grosses journées », nous confie Antony, l’un des opérateurs de la cellule, quand nous le rencontrons en fin d’été. Debout, casque sur la tête, mains sur le clavier, l’assistant de coordination concentré questionne la patiente au bout du fil. « Vous avez une toux depuis une semaine. Il y a de la place chez votre médecin traitant. Vous n’utilisez pas son site de prise de rendez-vous ? Avez-vous un véhicule ? », demande Antony, tout en remplissant un formulaire… « Je vais essayer de prendre contact avec votre généraliste pour savoir s’il a un créneau dans la journée, je vous rappelle. » Aussitôt dit, aussitôt fait, il consulte un annuaire affiché devant ses yeux et compose le numéro de portable direct du médecin. « C’est Antony de la cellule de coordination, je cherche un rendez-vous pour votre patiente, Mme X, pour aujourd’hui. Pourriez-vous me rappeler ? »
Beaucoup de gens font le 15 avant même d’avoir tenté autre chose
Claudie Douchin, directrice de la cellule de coordination des soins non programmés
Depuis 8 heures du matin, quatre assistants de la cellule se relaient pour répondre aux sollicitations des médecins régulateurs du SAS de la Manche (Sas 50) situé au CH de Saint-Lô. « La dame a appelé le 15. Comme son cas ne relève pas de l’urgence, le médecin régulateur nous demande de lui trouver un rendez-vous pour aujourd’hui », relate Antony. Sur l’écran, l’ancien ambulancier dispose déjà des informations administratives de la patiente (identité, âge, etc.) et de l’anamnèse transmise par le médecin.
« Le besoin médical est qualifié par le médecin régulateur, souligne Claudie Douchin, directrice de la CCSNP. Mais l’opérateur doit contacter le patient pour vérifier certaines informations, sa mobilité. » Le respect du parcours des soins est prioritaire. « On appelle d'abord le médecin traitant du patient s’il en a un, et s’il n’est pas disponible, alors on essaye de joindre l'ensemble des confrères autour du domicile du patient », insiste le Dr Leveneur. Un gain de temps précieux pour le système hospitalier. Preuve de l’efficacité de cette interface, dans 25 % des cas, rendez-vous est pris auprès du médecin traitant. L’éducation des patients à la santé est un autre enjeu de la cellule, qui joue aussi un rôle pédagogique. « Beaucoup de gens font le 15 avant même d’avoir tenté autre chose ! Cet irrespect consomme des créneaux d’urgence. Il nous arrive même de chercher les horaires de bus pour une personne pour qu’elle se rende chez son médecin… », confie Claudie Douchin.
17 % de passages en moins aux urgences
Au départ, se remémore le Dr Leveneur, la cellule de coordination visait surtout à aider les patients à trouver des rendez-vous et à leur proposer de la téléconsultation assistée augmentée. Puis, en 2022, débarque le projet pilote « SAS de la Manche » avec un « fort rejet » des généralistes du département face à cette plateforme nationale 100 % numérique. « On a réussi à surmonter cette méfiance initiale en prenant le contrepied de la solution digitale et rigide proposée via la plateforme nationale. Et on a développé une culture relationnelle, de confiance entre les médecins et la cellule. » Et ça marche ! Avec cette solution libérale à la carte, « 100 % des médecins généralistes de la Manche » ont accepté d’être effecteurs du SAS départemental. C’est de cette façon que la cellule a tissé une toile au sein de l’écosystème territorial des médecins.
Directeur du Samu de la Manche, le Dr Thomas Delomas salue la cellule de coordination, qui contribue au bon fonctionnement du SAS. « Pour le mois de juillet, c’est plus de 1 200 créneaux de rendez-vous qui ont été trouvés, déclare l’urgentiste. C’est 17 % de passages en moins aux urgences en comparant les six premiers mois de 2023 et ceux de 2024, alors que le nombre d’appels aux urgences a explosé ! » De bons résultats obtenus grâce « à une entente parfaite entre hospitaliers et libéraux », s’empresse d’ajouter le patron du Samu. Depuis quelques mois, les SAS de l’Orne (61) et du Calvados (14) font également appel au service de cette cellule.
Constituée en association loi 1901, la plateforme fonctionne avec un budget de 1,4 million d’euros dans lequel plusieurs acteurs apportent leur quote-part, y compris la CPTS et les collectivités locales. « On a créé une vraie dynamique en Normandie, se réjouit le Dr Leveneur. Cet espace de coordination est un exemple de l’agilité de la médecin libérale, de son adaptabilité pour relever les défis organisationnels. » Un dispositif innovant qui pourrait inspirer d’autres régions comme le Centre-Val de Loire ou la Bretagne.
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