Procès Bonnemaison

A Angers, l’urgentiste de Bayonne revendique "la sédation" et reçoit le soutien de Michèle Delaunay

Publié le 13/10/2015
Intérieur du palais de justice d'Angers

Intérieur du palais de justice d'Angers
Crédit photo : DR

"On ne s'habitue jamais à l'agonie..." Au deuxième jour de son procès en appel, Nicolas Bonnemaison, l'ex-urgentiste jugé en appel à Angers pour "empoisonnement" de patients en phase terminale, a défendu sa décision de sédation, "en aucun cas" pour tuer, mais pour "soulager", a-t-il expliqué. Une fois encore, le médecin bayonnais radié a assumé, au deuxième jour de son procès devant la Cour d'assises du Maine-et-Loire, les injections qu'il a administrées en 2010 et 2011 à des patients âgés et incurables, dont le traitement était arrêté et le pronostic vital engagé à court terme.

"Je pratique la sédation et j'estime que c'est mon devoir de le faire", a revendiqué Nicolas Bonnemaison, qui comme au procès en premier ressort à Pau, a dépeint, avec des mots crus, le tableau du déclin de patients agonisants :"On ne s'habitue jamais à l'agonie...", a-t-il encore expliqué. De fait, interrogé par la présidente, l'avocat général et ses avocats tout au long de la matinée, Nicolas Bonnemaison a décrit l'état des patients qu'il est accusé d'avoir "empoisonnés", les médicaments utilisés, et la solitude de sa décision, autant de gestes qu'il assume. "Je n'ai pas honte de ce que j'ai fait"."J'insiste sur ce point; l'intention n'est en aucun cas de provoquer le décès", a-t-il martelé, rappelant qu'à partir du moment où décision a été prise d'arrêter une thérapie active, il est admis que "la sédation va être obligatoire". Et cette décision doit être prise "par les médecins en général, et moi en particulier", dans son Unité d'hospitalisation de courte durée du Centre hospitalier de la Côte basque.

Un appel aux familles

Il a aussi répété qu'avec l'Hypnovel employé sur plusieurs de ces patients, on "ne sait pas si la vie va être abrégée du fait de l'Hypnovel ou de l'état" du patient. Et il a reconnu avoir, dans un cas, injecté à une patiente du Norcuron. Là encore, non pour provoquer la mort, soutient-il, "mais avec l'objectif de soulager". Et de décrire, la difficulté de l’accompagnement en fin de vie : "Les patients pour lesquels je réponds avaient tous un pronostic vital engagé de quelques heures à quelques jours (...) A ce jour, on n'a pas d'outils pour évaluer la souffrance psychique", a-t-il dit, rappelant le contexte des gestes pour lesquels il est jugé, après avoir été acquitté en premier ressort en juin 2014.

Une nouvelle fois, il a aussi été mis face à l'opacité de ses décisions, de ses injections, sans avoir informé, ni le personnel soignant, ni les familles : "J'ai déjà vécu avant des sollicitations de l'avis de la famille (qui se sont avérées) catastrophiques". La veille, lors de l’ouverture du procès, il avait lancé un appel aux familles. "A Pau, j'ai dit que mes pensées allaient aux patients, aux familles, qui vivent des choses difficiles depuis quatre ans", a déclaré l'ex-urgentiste, avant de rappeler: "Si des familles, des soignants... ceux qui me mettent en cause, s'ils sont demandeurs de me rencontrer, je suis disponible, ma porte reste ouverte, (...) "On peut arriver à s'aider mutuellement, en se disant des choses pas forcément dans une cour d'assises, car c'est compliqué...", a-t-il glissé, la voix tremblante par moments.

Le soutien de Michèle Delaunay

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Comme à Pau, de nombreux témoins (plus de 60 cités), soignants, médecins ou anciens ministres, devraient s'exprimer dans les jours à venir et jusqu'au 24 octobreMichèle Delaunay a été la première personnalité à témoigner. L’ancienne ministre des Personnes âgées en a appelé mardi à la prudence et à l'humilité, en soulignant que sur la fin de vie, "la loi ne pourra jamais tout résoudre". Face à la fin de vie, "nul d'entre nous ne peut dire ce qu'il adviendra le moment venu", a lancé celle qui fut chef d'unité de cancérologie au CHU de Bordeaux.

Davantage encore qu’à Pau, elle a paru venir en soutien d'un accusé qu'elle a ostensiblement appelé "le Docteur Bonnemaison" malgré sa radiation de l'Ordre en 2014. "Le Dr Bonnemaison n'est pas un meurtrier. Un meurtrier est quelqu'un qui veut tuer pour un profit", or "les actes du Dr Bonnemaison semblent relever d'un questionnement: y a-t-il quelque chose à faire d'utile pour ce patient?" a-t-elle affirmé.



Source : lequotidiendumedecin.fr